A l’heure où l’on assiste, dans la nébuleuse des psychothérapies, au brouillage des frontières et au déclin des orthodoxies, la relation demeure un essentiel, le minimum incontournable et sans doute le levain indispensable au changement. Or, comme aimait à le rappeler mon maître Michel Sapir dans les formations Balint, la relation ne s’enseigne pas ! Quelle que soit la qualité d’un exposé sur la relation thérapeutique, il ne saura jamais remplacer l’expérience vivante qui se tisse à deux au fil des séances au sein même de la relation.
Ce qui fonde la relation, c’est bien le dialogue (dia : à travers) et un dialogue qui vienne s’établir au-delà de la simple conversation. « Il est venu me voir. Je ne le connaissais pas. Il est venu pour me donner de mes nouvelles. » Cette citation du poète André Breton paraît idéale pour saisir ce moment-là et la position du thérapeute. En effet, le patient que vous ne connaissiez pas, quand vous le rencontrez et que vous l’écoutez, vous lui donnez de ses nouvelles, mais il vous donne également de vos nouvelles. Quand il se dit à vous, lorsqu’il exprime ses plaintes, qu’il se confie en ses craintes et ses désirs, ses mots créent alors en nous des résonances : en cela il vous donne de vos nouvelles.
Pour éclairer la question de la relation thérapeutique, nous trouverons un grand intérêt à relire les ouvrages de Carl Rogers, en ce qu’il nous enseigne notamment que trois attitudes sont indispensables au thérapeute : la compréhension empathique du patient, la considération positive inconditionnelle et le degré d’authenticité (de congruence) dans la concordance entre paroles et sentiments.
Nous avons fait le choix ici de faire appel à trois grandes figures qui pourront nous permettre de refaire le chemin vers l’essentiel de la relation thérapeutique : John Bowlby, Martin Buber et Daniel Stern.
Au commencement est la relation :
Le moi s’éveille par la grâce du toi
« Mais qu’un tu murmure à notre oreille, et c’est la saccade qui lance les personnes : le moi s’ éveille par la grâce du toi. L’efficacité spirituelle de deux consciences simultanées, réunies dans la conscience de leur rencontre, échappe soudain à la causalité visqueuse et continue des choses. La rencontre nous crée : nous n’étions rien – ou rien que des choses – avant d’être réunis. » Gaston Bachelard
Ce qui fonde la relation, c’est bien le dialogue (dia : à travers) et un dialogue qui vienne s’établir au-delà de la simple conversation. « Il est venu me voir. Je ne le connaissais pas. Il est venu pour me donner de mes nouvelles. » Cette citation du poète André Breton paraît idéale pour saisir ce moment-là et la position du thérapeute. En effet, le patient que vous ne connaissiez pas, quand vous le rencontrez et que vous l’écoutez, vous lui donnez de ses nouvelles, mais il vous donne également de vos nouvelles. Quand il se dit à vous, lorsqu’il exprime ses plaintes, qu’il se confie en ses craintes et ses désirs, ses mots créent alors en nous des résonances : en cela il vous donne de vos nouvelles.
Pour éclairer la question de la relation thérapeutique, nous trouverons un grand intérêt à relire les ouvrages de Carl Rogers, en ce qu’il nous enseigne notamment que trois attitudes sont indispensables au thérapeute : la compréhension empathique du patient, la considération positive inconditionnelle et le degré d’authenticité (de congruence) dans la concordance entre paroles et sentiments.
Nous avons fait le choix ici de faire appel à trois grandes figures qui pourront nous permettre de refaire le chemin vers l’essentiel de la relation thérapeutique : John Bowlby, Martin Buber et Daniel Stern.
Au commencement est la relation :
Le moi s’éveille par la grâce du toi
« Mais qu’un tu murmure à notre oreille, et c’est la saccade qui lance les personnes : le moi s’ éveille par la grâce du toi. L’efficacité spirituelle de deux consciences simultanées, réunies dans la conscience de leur rencontre, échappe soudain à la causalité visqueuse et continue des choses. La rencontre nous crée : nous n’étions rien – ou rien que des choses – avant d’être réunis. » Gaston Bachelard
John Bowlby : l’attachement sécure, un lien qui libère
La théorie de l’attachement, élaborée par le psychanalyste anglais John Bowlby (dès les années 1950) et ses successeurs, met l’accent sur une approche relationnelle de la construction psychique de l’être humain. C’est une théorie de la relation interpersonnelle mais elle ne prétend pas être une théorie globale du fonctionnement psychique. On observe qu’un enfant sans attachement n’a aucune chance de se développer, il flotte, il erre, il n’a pas de valeurs dans sa vie, ça ou autre chose, debout ou assis, mort ou vivant, ça n’a pas d’importance. Il est tel un épouvantail. Comment ne pas rappeler ici Donald Winnicott qui dit qu’effectivement, un bébé tout seul, cela n’existe pas, ou comme dirait Boris Cyrulnik, qu’il faut toujours deux hommes pour en faire un. A l’inverse, on voit que ce qui permet une séparation sereine, c’est un attachement secure et heureux. L’attachement constitue un système motivationnel inné qui va continuer à se développer toute la vie du berceau à la tombe, dans une recherche de proximité et de sécurité intérieure. Ces différentes interactions vont permettre à l’individu d’intégrer des modèles internes opérants qui moduleront sa fonction réflexive, ses capacités intersubjectives et de résilience. L’attachement secure constitue un puissant régulateur émotionnel. Stress et attachement constituent en effet un couple indissociable. L’attachement est le lien qui fait l’unité d’une partie du Vivant. L’attachement c’est ce qui met l’autre au cœur du monde, ce monde devient alors peuplé au moins d’un autre et l’attachement permet de passer par-dessus la peur pour aller à la rencontre du plaisir3. Face à des situations à la fois cruelles et de longue durée, ce sont les nourritures affectives qui comptent. Nous sommes des êtres sociaux avant d’être des êtres psychologiques.
S’il y a un message fondamental des théories de l’attachement, c’est que l’indépendance est une illusion idéologique : nous ne sommes jamais indépendants. Nous sommes tous interdépendants. On peut avancer que la théorie psychanalytique est une métapsychologie de l’absence et que les théories de l’attachement constituent et de façon complémentaire une métapsychologie de la présence. Avec la théorie de l’attachement, il y a du singulier parce qu’il y a du lien. Le principal message de John Bowlby est certainement que « le lien n’implique pas un état de dépendance, mais au contraire qu’il peut constituer un facteur d’ouverture, de socialisation ».
S’il y a un message fondamental des théories de l’attachement, c’est que l’indépendance est une illusion idéologique : nous ne sommes jamais indépendants. Nous sommes tous interdépendants. On peut avancer que la théorie psychanalytique est une métapsychologie de l’absence et que les théories de l’attachement constituent et de façon complémentaire une métapsychologie de la présence. Avec la théorie de l’attachement, il y a du singulier parce qu’il y a du lien. Le principal message de John Bowlby est certainement que « le lien n’implique pas un état de dépendance, mais au contraire qu’il peut constituer un facteur d’ouverture, de socialisation ».
Martin Buber : Je et Tu
« Toute vie véritable est rencontre. »
(« Alles wirkliche Leben ist Begegnung »)
Pour Martin Buber, « au commencement est la relation ». Martin Buber est un philosophe de la relation et de la réciprocité, malheureusement trop souvent méconnu des psychothérapeutes.
Son ouvrage majeur, Je et Tu, a nourri les discours de Martin Luther King et les chansons de Leonard Cohen. Martin Buber (1878-1965) a influencé les philosophies de la relation au XXe siècle, de Levinas à Blanchot en passant par Husserl. A travers cet ouvrage Je et Tu, il propose une réforme de la relation des êtres humains par rapport aux autres êtres humains. Il propose une renaissance de la relation originaire entre les hommes et le monde. Ce n’est que dans la relation, rendue possible par la rencontre, qu’apparaît la vraie vie. Cette rencontre se réalise à trois niveaux : l’homme dans sa relation à la nature, l’homme dans sa relation avec les autres hommes, l’homme dans sa relation avec les « existences spirituelles » (Geistige Wesenheiten).
Dans Je et Tu, Buber dénonce subtilement la chosification du monde. Pour que la rencontre de l’autre soit possible, il s’agit de « ressentir » que l’autre n’est pas autre mais que, d’une certaine manière, l’autre est soi- même. Françoise Dolto avait coutume de dire que si l’on s’intéresse à l’autre, c’est qu’il y a de l’autre en nous. Nous sommes contraints à l’altérité.
Le couple « Je-Tu » non seulement permet la découverte d’autrui dans la relation, mais rend seul possible la condition d’ existence du Je, puisque c’est la rencontre du Tu qui constitue le Je comme personne. C’est par le Tu (par l’autre) que l’homme devient lui-même un Je. « Je deviens Je en disant Tu. » Si l’autre n’est pas autre, chacun cependant est particulier. C’est ainsi que nous sommes nés « individu » car nous sommes différents des autres. Nous ne sommes pas nés « personne ». Notre personnalité naîtra par l’interpellation de l’autre dans la rencontre. Une rencontre, c’est toujours une mise en question et le passage d’un ordre établi à un désordre, prélude à un nouvel ordre.Toute psychothérapie suppose une rencontre.
La rencontre peut être exprimée selon trois dimensions6. La première est totalisatrice, en ce que le sujet s’engage entièrement, de tout son être, et devient « totalité agissante » ; de plus, bien que les êtres doivent se placer dans une certaine forme d’isolement, le monde dans sa totalité existe au sein de la relation. La deuxième dimension de la rencontre est la réciprocité : le dialogue met en jeu deux sujets libres et dépendants (les protagonistes forment, malgré leur altérité et leur statut d’êtres à part entière, une unité, mais ne fusionnent ni ne disparaissent. En effet, la négation du Moi ne peut avoir lieu dans la rencontre, le Je est à la fois rencontrant et rencontré). Enfin, la troisième dimension est créatrice, car la relation authentique et parfaite fait surgir l’être : la personne naît de la relation et, en découvrant son Tu, elle peut elle-même se poser comme Je – Je n’étant en aucun cas antérieur à la rencontre. La relation est ainsi le fondement de toute conscience de soi.
(« Alles wirkliche Leben ist Begegnung »)
Pour Martin Buber, « au commencement est la relation ». Martin Buber est un philosophe de la relation et de la réciprocité, malheureusement trop souvent méconnu des psychothérapeutes.
Son ouvrage majeur, Je et Tu, a nourri les discours de Martin Luther King et les chansons de Leonard Cohen. Martin Buber (1878-1965) a influencé les philosophies de la relation au XXe siècle, de Levinas à Blanchot en passant par Husserl. A travers cet ouvrage Je et Tu, il propose une réforme de la relation des êtres humains par rapport aux autres êtres humains. Il propose une renaissance de la relation originaire entre les hommes et le monde. Ce n’est que dans la relation, rendue possible par la rencontre, qu’apparaît la vraie vie. Cette rencontre se réalise à trois niveaux : l’homme dans sa relation à la nature, l’homme dans sa relation avec les autres hommes, l’homme dans sa relation avec les « existences spirituelles » (Geistige Wesenheiten).
Dans Je et Tu, Buber dénonce subtilement la chosification du monde. Pour que la rencontre de l’autre soit possible, il s’agit de « ressentir » que l’autre n’est pas autre mais que, d’une certaine manière, l’autre est soi- même. Françoise Dolto avait coutume de dire que si l’on s’intéresse à l’autre, c’est qu’il y a de l’autre en nous. Nous sommes contraints à l’altérité.
Le couple « Je-Tu » non seulement permet la découverte d’autrui dans la relation, mais rend seul possible la condition d’ existence du Je, puisque c’est la rencontre du Tu qui constitue le Je comme personne. C’est par le Tu (par l’autre) que l’homme devient lui-même un Je. « Je deviens Je en disant Tu. » Si l’autre n’est pas autre, chacun cependant est particulier. C’est ainsi que nous sommes nés « individu » car nous sommes différents des autres. Nous ne sommes pas nés « personne ». Notre personnalité naîtra par l’interpellation de l’autre dans la rencontre. Une rencontre, c’est toujours une mise en question et le passage d’un ordre établi à un désordre, prélude à un nouvel ordre.Toute psychothérapie suppose une rencontre.
La rencontre peut être exprimée selon trois dimensions6. La première est totalisatrice, en ce que le sujet s’engage entièrement, de tout son être, et devient « totalité agissante » ; de plus, bien que les êtres doivent se placer dans une certaine forme d’isolement, le monde dans sa totalité existe au sein de la relation. La deuxième dimension de la rencontre est la réciprocité : le dialogue met en jeu deux sujets libres et dépendants (les protagonistes forment, malgré leur altérité et leur statut d’êtres à part entière, une unité, mais ne fusionnent ni ne disparaissent. En effet, la négation du Moi ne peut avoir lieu dans la rencontre, le Je est à la fois rencontrant et rencontré). Enfin, la troisième dimension est créatrice, car la relation authentique et parfaite fait surgir l’être : la personne naît de la relation et, en découvrant son Tu, elle peut elle-même se poser comme Je – Je n’étant en aucun cas antérieur à la rencontre. La relation est ainsi le fondement de toute conscience de soi.
Conférence exceptionnelle sur le Psychotraumatisme...
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Hors série n°11 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2017. C'est un numéro double de 196 pages. Thème : « La relation thérapeutique »
- Éditorial : La relation thérapeutique. S. Cohen
- Éditorial : La relation au coeur de l’hypnose. J. Betbèze
- L’alliance thérapeutique. M. Arnaud
- Enseigner la relation thérapeutique. A. Bioy
- Le thérapeute ? Un guide qui ne devance pas. J.-M. Benhaiem
- Autonomie relationnelle. J. Betbèze
- Avec le patient douloureux chronique. De la formation à la pratique. J. Nizard
- En salle de naissance. B. Bobenrieth
- Monde psychotraumatique. E. Bardot
- La relation thérapeutique. M. Picard Destelan et L. Fodorean
- Comment faire vivre un paranoïaque ? E. Malphettes
- Positionnement, et alliance... thérapeutiques. W. Martineau
- Rapport, alliance et changement : « l’Homonoia ». A. Vallée
- Une semaine aux urgences psychiatriques. V. Lagrée
- Retour à l’essentiel. G. Ostermann
- En Thérapie Systémique Brève. Y. Doutrelugne
- Un truc incroyable... Conversation en thérapie narrative. C. Besnard-Péron
- Retour aux bases. De l’infiniment petit à l’infiniment grand. P. Aïm et L. Gross
- Trouble du comportement à l’adolescence. A. Zeman
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
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- La relation thérapeutique. M. Picard Destelan et L. Fodorean
- Comment faire vivre un paranoïaque ? E. Malphettes
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Sophie TOURNOUËR
Hypnothérapeute, Thérapie EMDR, Thérapies Brèves Orientées Solution, Psychologue.
Exerce dans le Cabinet d'Hypnose, Thérapies Brèves et EMDR de Paris 11.
Chargée de Formation au CHTIP à Paris, à l’Institut Hypnotim à Marseille
Rédactrice web de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
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