Elles nous présentent leurs approches pour aider le patient à se réassocier à son corps et à son imaginaire. Cette démarche autorise simplement et naturellement l’éloignement du comportement addictif ritualisé. La représentation habituelle, pour une bonne partie du grand public, du déroulement d’une séance d’hypnose est généralement celle d’une personne allongée, ou demi-assise, les yeux fermés, immobile, soumise au pouvoir de l’hypnotiseur. Cette image a longtemps imprégné également le monde professionnel avec l’idée que le relâchement musculaire et le ralentissement de la respiration et du rythme cardiaque étaient de bons indicateurs de transe hypnotique.
Et ils le sont ! Pourtant, depuis quelques années désormais, de nouvelles représentations de l’utilisation de l’hypnose apparaissent. La meilleure connaissance des phénomènes inconscients, leur étude en IRM fonctionnelle, et l’avancée des neurosciences ont permis de mieux repérer ce qui correspondait à un travail hypnotique (même s’il reste encore de grands éléments à découvrir). Roxanna Erickson, par exemple, s’appuie surtout sur la notion de recherche interne (Lelarge, Prévot-Stimec, 2017) pour qualifier l’hypnose au regard d’autres transes ou de la relaxation.
Cette recherche interne étant pour elle le processus inconscient par lequel les ressources deviennent accessibles. Ce qui importe c’est la recherche elle-même, l’activation des ressources et des compétences, et cette activation est prioritaire sur tout autre considération technique de position du corps, de fermeture des paupières, etc. Danie Beaulieu, qui utilise ce qu’elle appelle les thérapies d’impacts, dérivées du travail d’Erickson, mobilise corporellement régulièrement les patients dans ses exercices individuels ou de groupe et de nombreuses vidéos sur Internet permettent d’observer son travail de mobilisation des ressources internes du patient à travers le mouvement.
Dan Short, également, évoque l’induction à une séance d’hypnose comme un mouvement du corps (fermer les yeux, aller s’asseoir, faire un geste) permettant d’accéder à l’état hypnotique. Pour lui, une séance d’hypnose peut se dérouler aussi bien yeux ouverts que fermés, en position assise autant que debout. En 2015, au Congrès mondial d’hypnose à Paris, plusieurs de ses communications avaient porté sur l’hypnose « alerte ».
Erickson (Rosen, 1998) lui-même invitait régulièrement ses patients au mouvement, à la mise en route du corps, au respect des besoins primaires de celui-ci. Sa célèbre tâche d’ascension du Squaw Peak n’était pas uniquement un test motivationnel de ses patients mais également le support d’une étonnante transe hypnotique : monter à pied dans un paysage désertique et immuable, sous la chaleur, laisser nos pas nous entraîner l’un après l’autre vers un autre regard sur la ville, sur les environs, sur l’histoire avec ces réserves indiennes tout autour de Phoenix, apprendre quelque chose de différent sur soi, sur la vie, changer de perspective… quoi de plus hypnotique ? De nombreux auteurs de littérature ont pu d’ailleurs, chacun à leur manière, faire l’éloge des bénéfices de la marche comme moyen de chercher des ressources, trouver des solutions, se recentrer sur soi (Thoreau, Ollivier, Bouvier).
Dans cet élan, la pratique de l’hypnose et l’apprentissage de l’auto-hypnose chez les sportifs de haut niveau devient de plus en plus répandu, et les célèbres « All Black », rugbymen néo-zélandais, ont un entraînement mental issu de techniques très anciennes très proches de l’hypnose. La recherche en psychologie positive, chez les sportifs, de l’état de « flow », a permis d’expliciter cet état particulier de réussite de sportifs qui, grâce au mouvement, pouvaient accéder à des niveaux de consciences modifiées, leur permettant d’anticiper et de vivre « au ralenti » les gestes à effectuer, gagnant ainsi en précision et en fluidité.
Comme le précise Marie-Anne, l’hypnose permet d’accéder avec plus d’acuité à nos perceptions sensorielles, et cette reconnexion à nos perceptions est déjà un mouvement. L’hypnose est donc, en soi, un mouvement : un mouvement du corps, un mouvement intérieur, un engagement du corps, une activation des perceptions.
L’hypnose en mouvement.
Chercher à induire une transe hypnotique en mouvement est bénéfique à de nombreuses situations cliniques. Certains patients ont un sens kinesthésique particulièrement développé et spécifique. Ils ont besoin de mouvement, de sensation, pour appréhender leur environnement. Ce sens est bien souvent négligé, au profit des sensations visuelles ou auditives plus courantes dans notre environnement immédiat, et plus conformes aux modes d’apprentissages scolaires habituellement acquis. Pour autant, ces patients kinesthésiques apprécient et se ressentent comme plus efficaces en autohypnose quand ils peuvent associer un mouvement à la ressource dont ils ont besoin.
De même, certains patients sont immobiles dans leur vie, se sentent bloqués, par la dépression ou par l’addiction, par exemple, comme le présente Dina Roberts dans l’article précédent.
Dans le cas de la dépression cette immobilisation est liée au ralentissement psychomoteur inhérent au processus dépressif. Dans le cas des addictions, le mouvement est empêché car le plaisir immédiat entrave la projection dans le futur, génératrice de mouvement. Bien évidemment ces situations de blocage de la mise en mouvement sont vastes en thérapie : peur qui paralyse, angoisse qui tétanise, difficulté à faire des choix qui fait stagner au carrefour... et l’objectif ici n’est pas de dresser la liste exhaustive de ces nombreuses situations cliniques. Il est plutôt de permettre à chacun d’oser, dans le cadre thérapeutique qui lui est propre, mobiliser autrement les ressources de son patient, en utilisant le mouvement.
Une idée de mise en mouvement
Voici un exercice simple que vous pourrez réaliser pour vous-même, ou à vos patients, pour débuter dans la mise en mouvement. (C’est aussi un excellent exercice d’intervision ou d’autohypnose pour les thérapeutes, car plus nous avons nous-mêmes de ressource pour faire face à nos situations cliniques, plus nous serons à même d’apporter une aide efficace.)
A la recherche du mouvement ressource Installez-vous...
Et ils le sont ! Pourtant, depuis quelques années désormais, de nouvelles représentations de l’utilisation de l’hypnose apparaissent. La meilleure connaissance des phénomènes inconscients, leur étude en IRM fonctionnelle, et l’avancée des neurosciences ont permis de mieux repérer ce qui correspondait à un travail hypnotique (même s’il reste encore de grands éléments à découvrir). Roxanna Erickson, par exemple, s’appuie surtout sur la notion de recherche interne (Lelarge, Prévot-Stimec, 2017) pour qualifier l’hypnose au regard d’autres transes ou de la relaxation.
Cette recherche interne étant pour elle le processus inconscient par lequel les ressources deviennent accessibles. Ce qui importe c’est la recherche elle-même, l’activation des ressources et des compétences, et cette activation est prioritaire sur tout autre considération technique de position du corps, de fermeture des paupières, etc. Danie Beaulieu, qui utilise ce qu’elle appelle les thérapies d’impacts, dérivées du travail d’Erickson, mobilise corporellement régulièrement les patients dans ses exercices individuels ou de groupe et de nombreuses vidéos sur Internet permettent d’observer son travail de mobilisation des ressources internes du patient à travers le mouvement.
Dan Short, également, évoque l’induction à une séance d’hypnose comme un mouvement du corps (fermer les yeux, aller s’asseoir, faire un geste) permettant d’accéder à l’état hypnotique. Pour lui, une séance d’hypnose peut se dérouler aussi bien yeux ouverts que fermés, en position assise autant que debout. En 2015, au Congrès mondial d’hypnose à Paris, plusieurs de ses communications avaient porté sur l’hypnose « alerte ».
Erickson (Rosen, 1998) lui-même invitait régulièrement ses patients au mouvement, à la mise en route du corps, au respect des besoins primaires de celui-ci. Sa célèbre tâche d’ascension du Squaw Peak n’était pas uniquement un test motivationnel de ses patients mais également le support d’une étonnante transe hypnotique : monter à pied dans un paysage désertique et immuable, sous la chaleur, laisser nos pas nous entraîner l’un après l’autre vers un autre regard sur la ville, sur les environs, sur l’histoire avec ces réserves indiennes tout autour de Phoenix, apprendre quelque chose de différent sur soi, sur la vie, changer de perspective… quoi de plus hypnotique ? De nombreux auteurs de littérature ont pu d’ailleurs, chacun à leur manière, faire l’éloge des bénéfices de la marche comme moyen de chercher des ressources, trouver des solutions, se recentrer sur soi (Thoreau, Ollivier, Bouvier).
Dans cet élan, la pratique de l’hypnose et l’apprentissage de l’auto-hypnose chez les sportifs de haut niveau devient de plus en plus répandu, et les célèbres « All Black », rugbymen néo-zélandais, ont un entraînement mental issu de techniques très anciennes très proches de l’hypnose. La recherche en psychologie positive, chez les sportifs, de l’état de « flow », a permis d’expliciter cet état particulier de réussite de sportifs qui, grâce au mouvement, pouvaient accéder à des niveaux de consciences modifiées, leur permettant d’anticiper et de vivre « au ralenti » les gestes à effectuer, gagnant ainsi en précision et en fluidité.
Comme le précise Marie-Anne, l’hypnose permet d’accéder avec plus d’acuité à nos perceptions sensorielles, et cette reconnexion à nos perceptions est déjà un mouvement. L’hypnose est donc, en soi, un mouvement : un mouvement du corps, un mouvement intérieur, un engagement du corps, une activation des perceptions.
L’hypnose en mouvement.
Chercher à induire une transe hypnotique en mouvement est bénéfique à de nombreuses situations cliniques. Certains patients ont un sens kinesthésique particulièrement développé et spécifique. Ils ont besoin de mouvement, de sensation, pour appréhender leur environnement. Ce sens est bien souvent négligé, au profit des sensations visuelles ou auditives plus courantes dans notre environnement immédiat, et plus conformes aux modes d’apprentissages scolaires habituellement acquis. Pour autant, ces patients kinesthésiques apprécient et se ressentent comme plus efficaces en autohypnose quand ils peuvent associer un mouvement à la ressource dont ils ont besoin.
De même, certains patients sont immobiles dans leur vie, se sentent bloqués, par la dépression ou par l’addiction, par exemple, comme le présente Dina Roberts dans l’article précédent.
Dans le cas de la dépression cette immobilisation est liée au ralentissement psychomoteur inhérent au processus dépressif. Dans le cas des addictions, le mouvement est empêché car le plaisir immédiat entrave la projection dans le futur, génératrice de mouvement. Bien évidemment ces situations de blocage de la mise en mouvement sont vastes en thérapie : peur qui paralyse, angoisse qui tétanise, difficulté à faire des choix qui fait stagner au carrefour... et l’objectif ici n’est pas de dresser la liste exhaustive de ces nombreuses situations cliniques. Il est plutôt de permettre à chacun d’oser, dans le cadre thérapeutique qui lui est propre, mobiliser autrement les ressources de son patient, en utilisant le mouvement.
Une idée de mise en mouvement
Voici un exercice simple que vous pourrez réaliser pour vous-même, ou à vos patients, pour débuter dans la mise en mouvement. (C’est aussi un excellent exercice d’intervision ou d’autohypnose pour les thérapeutes, car plus nous avons nous-mêmes de ressource pour faire face à nos situations cliniques, plus nous serons à même d’apporter une aide efficace.)
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MARIE-ANNE JOLLY Exerce en cabinet libéral depuis presque vingt ans. Elle a tout d’abord associé le massage chinois à sa pratique de kiné avant d’en faire autant pour l’hypnose. Toujours en quête d’apprendre pour élargir ses outils, elle se forme aussi en sexocorporel. Le travail sur le corps est au centre de son travail en hypnose.
ISABELLE PRÉVOT-STIMEC Psychiatre, psychothérapeute, installée en libéral. Formatrice en hypnose et conférencière internationale, pratiquant l’autohypnose depuis 1994. Auteure de deux ouvrages chez Dunod, coauteure de plusieurs ouvrages et de plusieurs articles. Enrichit sa pratique de ses centres d’intérêt (musique, danse, mouvement) et de ses formations. Développe particulièrement un intérêt pour les troubles de l’attachement et les carences affectives à travers une consultation mère-bébé.
ISABELLE PRÉVOT-STIMEC Psychiatre, psychothérapeute, installée en libéral. Formatrice en hypnose et conférencière internationale, pratiquant l’autohypnose depuis 1994. Auteure de deux ouvrages chez Dunod, coauteure de plusieurs ouvrages et de plusieurs articles. Enrichit sa pratique de ses centres d’intérêt (musique, danse, mouvement) et de ses formations. Développe particulièrement un intérêt pour les troubles de l’attachement et les carences affectives à travers une consultation mère-bébé.
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Lorsque la Version papier de ce numéro sera épuisée, la version PDF sera fournie à la place
- Éditorial : Addictions, vous avez dit addictions ? S. Cohen
- Éditorial : Hypnose et addictions... P. Vesproumis
- Opiacés et hypnose. F. Chambre, D. Derrien et P. Vesproumis
- Douleur et dépendance. G. Tosti
- L’hypnose pour arrêter de fumer. J.-M. Benhaiem
- Conduites alimentaires. B. Dubos
- Retrouver sa liberté de mouvement. D. Roberts
- L’hypnose est mouvement. M.-A. Jolly et I. Prévot-Stimec
- L’addiction est-elle irrationnelle ? J.-C. Keller
- Posons le cadre hypnotique ! D. Vergriete
- Conversations externalisantes. J. Betbèze
- Addict au sexe. J. Mignot
- Le lien sans la demande. P. Aïm
- Clinique et neurosciences. C. Pissevin
- Addictions au cabinet dentaire. O. Benarroche
- Addiction et résilience. G. Ostermann
- Du traumatisme à l’addiction. C. Van Loey
- Sevrage tabagique. M. Galy
- Sevrage alcoolique. S. Cohen
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
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- L’hypnose pour arrêter de fumer. J.-M. Benhaiem
- Conduites alimentaires. B. Dubos
- Retrouver sa liberté de mouvement. D. Roberts
- L’hypnose est mouvement. M.-A. Jolly et I. Prévot-Stimec
- L’addiction est-elle irrationnelle ? J.-C. Keller
- Posons le cadre hypnotique ! D. Vergriete
- Conversations externalisantes. J. Betbèze
- Addict au sexe. J. Mignot
- Le lien sans la demande. P. Aïm
- Clinique et neurosciences. C. Pissevin
- Addictions au cabinet dentaire. O. Benarroche
- Addiction et résilience. G. Ostermann
- Du traumatisme à l’addiction. C. Van Loey
- Sevrage tabagique. M. Galy
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