Finir ce numéro avec un jeune auteur… S’envoler faire un (dé)tour avant de (re)(de)venir adulte (?)
Les rues de la ville défilent de chaque côté de l’habitacle et je ne vois qu’un motif couleur pierre. Au-dessus de moi, la Lune éclaire mon objectif. Au bout de l’avenue, les lumières de l’incendie se rapprochent et il me reste quelques centaines de mètres pour planifier mon action. Je ne sais pas encore qui m’attend, mais je sais que je suis prêt. Mes muscles sont tendus et ne demandent qu’à agir. Mon esprit est éveillé et ne demande qu’à opérer. Mon matériel est fonctionnel et prêt à servir. L’incendie se rapproche, la pierre se transforme en immeuble et je saute du véhicule. Un rapide coup d’oeil me rassure, en quelques dixièmes de secondes qui s’écoulent comme au ralenti, j’ai déjà beaucoup d’indices. L’explosion a eu lieu au sous-sol ; l’immeuble est quasi vide, je lance un projectile sur la citerne du toit et atterris la cape autour de moi sur le trottoir. Les genoux pliés, mes oreilles perçoivent le bruit de l’eau et la fumée qu’elle crée, mes yeux comprennent que mon plan a marché, la lumière baisse. Mais déjà, un bruit lointain arrive à mon esprit et mes muscles réagissent assez vite pour m’éviter une mort de débutant, je lance le grappin d’une main et de l’autre sort un fumigène de ma ceinture. Un rapide coup d’oeil m’indique ou l’envoyer… Je connais mon ennemi. Je l’ai déjà affronté…
Ça y est, je suis au boulot, la journée peut commencer.
Un jour, quand j’étais interne, ma fiancée de l’époque m’avait fait remarquer, après une garde difficile, que j’étais un peu le super-héros de l’hôpital. Que je répondais au signal, que je prenais une autre identité (celle du docteur) pour tenter de sauver le monde de la « folie », et que même fatigué, même désabusé voire même critiqué, je continuais coûte que coûte. J’ai pris ça surtout pour une marque d’affection dont je ne comptais pas laisser mon égo se flatter inutilement. Et puis, l’idée faisant son chemin dans mon inconscient, j’ai fait quelques liens entre mon métier et mes super-héros préférés. Nous avons tous choisi ce métier pour des raisons différentes mais nous sommes très touchés quand on nous empêche de le réaliser selon l’idée que l’on s’en fait. Nous avons tous juré de protéger nos concitoyens et de respecter les règles qui régissent une profession qui demande altruisme et patience. Mais voilà, derrière chaque docteur, chaque soignant, derrière le masque (ou la blouse), se trouve un homme ou une femme avec une vie civile. Tout cela influence
notre manière de vivre la psychothérapie.
Super-héros, super allié, super personne ressource
Quand j’étais grand, j’étais fasciné par les super-héros. Je trouvais que ça devait être génial de n’avoir peur de rien (ou de cacher sa peur sous un masque ?). Je pensais qu’avoir même un seul pouvoir pouvait régler des tas de situations différentes. Je pensais que mettre un masque ou une cape pouvait changer vos aptitudes, pouvait vous donner la force d’affronter vos peurs. On l’aura compris, j’apprécie particulièrement les héros des comics américains. Cette littérature est surtout connue en France par le biais des adaptations cinématographiques plus que par les bandes dessinées (bien que cela soit en train de changer un peu). Mais on méconnaît parfois le volume qu’elle représente (il faudrait des bibliothèques entières), l’impact que ces bandes dessinées et ces personnages ont eu sur la culture actuelle (voir à ce sujet Umberto Eco qui analyse par exemple l’aspect mythologique de Superman1 ou penser tout simplement au fait que les mots « Batman », « Superman », « Spiderman », « Hulk » évoquent quelque chose pour le plus grand nombre) et la trace considérable que cela a laissé notamment dans la culture américaine. Dans le langage courant et les représentations communes, ils sont bien souvent caricaturés et rendus un peu manichéens. Pourtant ce sont, au moins pour les plus emblématiques, des personnages complexes, nuancés, voire parfois névrosés, dont le personnage a évolué par strates au fil des histoires successives qui se déroulent pour certaines depuis plus de 70 ans… Il y a une forme d’universalité dans ces héros, et une certaine intemporalité. Leurs histoires se renouvellent sans cesse, de nouveaux rebondissements sont publiés chaque semaine, et ils dépassent les modes. Il devient plus difficile de s’appuyer sur Tintin ou Astérix, et Harry Potter finira sans doute par perdre de sa superbe auprès des jeunes générations. En revanche (et cela n’engage que moi), je suis convaincu qu’il y aura toujours de la place pour les super-héros de chez DC ou Marvel, et qu’ils seront des équivalents de mythes dans la civilisation occidentale moderne.
Ainsi, pour utiliser le héros d’un patient comme une ressource, voire pour en créer un, je m’appuie sur leurs caractéristiques, pas si « basiques » que cela, pour leur donner de l’épaisseur narrative. Car à bien se pencher sur leurs histoires, on découvre que les super-héros n’ont pas forcément peur de rien. C’est juste qu’ils n’ont pas peur de ne pas montrer qu’ils ont peur de ce qui leur fait peur, bien qu’ils admettent que cela leur fait peur. Mais comment font-ils ? Mettez un masque et vous verrez. Vous comprendrez alors que ce masque, loin de vous dissimuler, vous révèle… Depuis que je suis thérapeute et que je tente d’appliquer les méthodes de thérapie brève, j’ai compris que ces aptitudes pouvaient être utiles. Quand la vie est dure, que les épreuves s’accumulent, parfois il suffit d’avoir un héros qui veille sur vous pour tout arranger. Les enfants ont naturellement des héros. Peut-être que ce dernier était occupé ailleurs ces derniers temps, qu’il faudrait peut-être juste rallumer le Bat-signal. Ou appeler Superman très fort (son ouïe est très fine) pour qu’il passe devant la fenêtre de temps un temps jeter un oeil pour s’assurer que tout aille bien. Les possibilités sont aussi variées qu’il existe de héros. Et comme tous les adultes ont déjà été enfants…
Je peux utiliser le héros de la personne ou parfois décrire un de ces héros que je connais bien (c’est ma ressource personnelle) pour voir si cela conviendrait au patient comme type de ressource face à son problème.Et en se connectant à l’enfant qui est en chacun, on est surpris de découvrir que la question n’est pas tant d’être un héros que d’en avoir un. Se fier à une référence, un modèle, une personne ressource. Ne pas se mettre la pression ni avoir la prétention d’être lui, mais tendre à un idéal qui a quelque chose de commun avec soi. J’ai compris (finalement assez récemment) que ma personne ressource n’était ni plus ni moins que le Batman. Même qu’il me prête son costume quand j’en ai besoin, et toc… Et je n’ai pas honte de le dire. Après tout, l’armure de Batman l’a protégé des pires criminels de l’histoire. Alors, pourquoi ne me protégerait-elle pas des petites vicissitudes de la vie quotidienne ? Avant, pour moi, la moindre confrontation ressemblait à une bataille de fin d’aventure avec le Joker. J’avais peur même de mon ombre. Grâce à ma personne ressource, les défis de la vie ordinaire ne sont plus que de vulgaires voleurs arrêtés
entre deux grandes aventures.
Quand je crains de ne pas être capable, je me souviens de ce qu’il m’a appris : « L’entraînement n’est rien, seule compte la volonté. » Quand je manque d’entrain, de motivation, d’envie, je me souviens que mon héros ne reculerait devant rien. Parce qu’il sait pourquoi il agit. Il sait que ses actes ne seront pas vains et montreront l’exemple. La « volonté » dont il parle, c’est la motivation qui l’anime, les valeurs qu’il défend. Ce n’est pas une « volonté de fer » de tout contrôler, une volonté qui (s’) épuise. C’est plutôt la volonté sans faille de laisser s’exprimer ce qu’il est et ce qui le guide. L’affirmation de soi n’est donc pas, comme on nous le sous-entend ici ou là, la capacité d’être fort, de s’opposer. Il
est certain que celle-ci ne peut que s’épuiser, car elle ne représente que « l’entraînement », la difficulté incessante de faire toujours plus. La « volonté » à laquelle il accède est plutôt celle d’être soi-même, activement et en défendant nos valeurs propres. Cette distinction est importante. Pour prendre un exemple clinique simple, on sait qu’un fumeur qui dit arrêter « par la force de la volonté » (en fait un « entraînement » sans fin) finit par s’épuiser, contrairement à celui qui sait de façon déterminée et tranquille, dans une volonté réelle et apaisée, que c’est dans cette direction qu’il veut aller. On lira à ce sujet ce qu’écrit J.-M. Benhaiem. Dans la même veine, Roustang nous affirme qu’il « suffit d’un geste ».
Mais un geste qui soit « tout », un geste qui soit notre volonté réelle, un geste qui soit « nous-même », car comme il le dit, « si ce n’est moi, qui provoque le changement ? » L’entraînement peut se pratiquer avec un maître, tout comme l’hypnose peut se pratiquer avec un thérapeute, mais l’objet de cette rencontre est de faire naître la « volonté », de mettre en demeure le patient de sauter le pas, mais de savoir qu’on est dans l’incapacité radicale de le faire à sa place.
C’est à lui de mettre le masque qui le représente, le masque qui le démasque. Ou enfin pour le dire comme Erickson : de peser de tout son poids… pour obtenir un changement spontané de la part du patient ! C’est cette « spontanéité », cette « affirmation » d’un acte volontaire,;qui les représente et représente leur idéal et leur projet qui est l’aspect le plus caractéristique des super-héros. Quand j’ai peur de m’affirmer, je mets le masque aux oreilles pointues et je me dis que je dois être impressionnant. Enfin, petite confidence, il m’arrive de mettre un T-shirt superman sous mon pull quand je dois parler en public. Mais chut, mon identité doit rester secrète…
Le flow, un super pouvoir d’hypnothérapeute
En réfléchissant encore plus en avant sur mes choix de carrière, il m’est apparu que mon attirance pour l’hypnose ne s’est pas imposée par hasard. La transe hypnotique dans laquelle nous sommes plongés en séance ressemble à la capacité commune à tous les héros, celle d’être en totalité orienté vers un but : c’est le flow. Ce concept, élaboré par le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi, représente l’état mental de concentration optimale où l’individu se retrouve immergé dans son action, voire devient l’action, agit quasi automatiquement par réflexe. Les caractéristiques essentielles du flow sont la clarté perçue des objectifs à atteindre, la sensation d’avoir les compétences nécessaires pour atteindre l’objectif, la satisfaction que procure l’activité pendant le flow, un hyperfocus, c’est à dire une concentration maximale sur un champ limité de conscience avec une perte partielle du sentiment de conscience de soi. Mais surtout, en pleine action, le sujet à une sensation de distorsion temporelle, une action très rapide semblant se dérouler au ralenti avec une rétroaction immédiate qui permet d’ajuster en permanence son action avec une sensation de contrôle de soi et de l’environnement.
Cet état très hypnotique se retrouve notamment chez les sportifs de haut niveau pendant la performance mais aussi… dans nombre de planches issues des comics. Si le flow peut aussi faire partie de l’expérience de musiciens qui improvisent, de danseurs (lire à ce sujet le poème de Michael Jackson Dancing the dream), ou d’expériences spirituelles, ce sont encore les sportifs qui en parlent le mieux. Ils disent qu’ils sont « dans la zone ». Ainsi le légendaire joueur de football Pelé : « J’ai ressenti comme un étrange calme... une sorte d’euphorie. J’ai eu l’impression de pouvoir courir une journée entière sans fatigue, de pouvoir dribbler à travers toutes leurs équipes ou à travers tous, que je pouvais presque leur passer à travers physiquement.» Ou le pilote de Formule 1 Ayrton Senna, durant les qualifications du grand prix de Monaco 1988 : «J’étais déjà en pole position, [...] et je continuais. Tout à coup j’avais deux secondes d’avance sur tout le monde, même sur mon binôme qui avait la même voiture. Et tout à coup j’ai réalisé que je ne conduisais plus la voiture consciemment. Je la conduisais comme instinctivement, mais j’étais dans une autre dimension. J’étais comme dans un tunnel […] tout le circuit était un tunnel. Je continuais et continuais, encore et encore et encore et encore. J’avais largement dépassé la limite mais j’étais toujours capable de trouver plus.»
Les rues de la ville défilent de chaque côté de l’habitacle et je ne vois qu’un motif couleur pierre. Au-dessus de moi, la Lune éclaire mon objectif. Au bout de l’avenue, les lumières de l’incendie se rapprochent et il me reste quelques centaines de mètres pour planifier mon action. Je ne sais pas encore qui m’attend, mais je sais que je suis prêt. Mes muscles sont tendus et ne demandent qu’à agir. Mon esprit est éveillé et ne demande qu’à opérer. Mon matériel est fonctionnel et prêt à servir. L’incendie se rapproche, la pierre se transforme en immeuble et je saute du véhicule. Un rapide coup d’oeil me rassure, en quelques dixièmes de secondes qui s’écoulent comme au ralenti, j’ai déjà beaucoup d’indices. L’explosion a eu lieu au sous-sol ; l’immeuble est quasi vide, je lance un projectile sur la citerne du toit et atterris la cape autour de moi sur le trottoir. Les genoux pliés, mes oreilles perçoivent le bruit de l’eau et la fumée qu’elle crée, mes yeux comprennent que mon plan a marché, la lumière baisse. Mais déjà, un bruit lointain arrive à mon esprit et mes muscles réagissent assez vite pour m’éviter une mort de débutant, je lance le grappin d’une main et de l’autre sort un fumigène de ma ceinture. Un rapide coup d’oeil m’indique ou l’envoyer… Je connais mon ennemi. Je l’ai déjà affronté…
Ça y est, je suis au boulot, la journée peut commencer.
Un jour, quand j’étais interne, ma fiancée de l’époque m’avait fait remarquer, après une garde difficile, que j’étais un peu le super-héros de l’hôpital. Que je répondais au signal, que je prenais une autre identité (celle du docteur) pour tenter de sauver le monde de la « folie », et que même fatigué, même désabusé voire même critiqué, je continuais coûte que coûte. J’ai pris ça surtout pour une marque d’affection dont je ne comptais pas laisser mon égo se flatter inutilement. Et puis, l’idée faisant son chemin dans mon inconscient, j’ai fait quelques liens entre mon métier et mes super-héros préférés. Nous avons tous choisi ce métier pour des raisons différentes mais nous sommes très touchés quand on nous empêche de le réaliser selon l’idée que l’on s’en fait. Nous avons tous juré de protéger nos concitoyens et de respecter les règles qui régissent une profession qui demande altruisme et patience. Mais voilà, derrière chaque docteur, chaque soignant, derrière le masque (ou la blouse), se trouve un homme ou une femme avec une vie civile. Tout cela influence
notre manière de vivre la psychothérapie.
Super-héros, super allié, super personne ressource
Quand j’étais grand, j’étais fasciné par les super-héros. Je trouvais que ça devait être génial de n’avoir peur de rien (ou de cacher sa peur sous un masque ?). Je pensais qu’avoir même un seul pouvoir pouvait régler des tas de situations différentes. Je pensais que mettre un masque ou une cape pouvait changer vos aptitudes, pouvait vous donner la force d’affronter vos peurs. On l’aura compris, j’apprécie particulièrement les héros des comics américains. Cette littérature est surtout connue en France par le biais des adaptations cinématographiques plus que par les bandes dessinées (bien que cela soit en train de changer un peu). Mais on méconnaît parfois le volume qu’elle représente (il faudrait des bibliothèques entières), l’impact que ces bandes dessinées et ces personnages ont eu sur la culture actuelle (voir à ce sujet Umberto Eco qui analyse par exemple l’aspect mythologique de Superman1 ou penser tout simplement au fait que les mots « Batman », « Superman », « Spiderman », « Hulk » évoquent quelque chose pour le plus grand nombre) et la trace considérable que cela a laissé notamment dans la culture américaine. Dans le langage courant et les représentations communes, ils sont bien souvent caricaturés et rendus un peu manichéens. Pourtant ce sont, au moins pour les plus emblématiques, des personnages complexes, nuancés, voire parfois névrosés, dont le personnage a évolué par strates au fil des histoires successives qui se déroulent pour certaines depuis plus de 70 ans… Il y a une forme d’universalité dans ces héros, et une certaine intemporalité. Leurs histoires se renouvellent sans cesse, de nouveaux rebondissements sont publiés chaque semaine, et ils dépassent les modes. Il devient plus difficile de s’appuyer sur Tintin ou Astérix, et Harry Potter finira sans doute par perdre de sa superbe auprès des jeunes générations. En revanche (et cela n’engage que moi), je suis convaincu qu’il y aura toujours de la place pour les super-héros de chez DC ou Marvel, et qu’ils seront des équivalents de mythes dans la civilisation occidentale moderne.
Ainsi, pour utiliser le héros d’un patient comme une ressource, voire pour en créer un, je m’appuie sur leurs caractéristiques, pas si « basiques » que cela, pour leur donner de l’épaisseur narrative. Car à bien se pencher sur leurs histoires, on découvre que les super-héros n’ont pas forcément peur de rien. C’est juste qu’ils n’ont pas peur de ne pas montrer qu’ils ont peur de ce qui leur fait peur, bien qu’ils admettent que cela leur fait peur. Mais comment font-ils ? Mettez un masque et vous verrez. Vous comprendrez alors que ce masque, loin de vous dissimuler, vous révèle… Depuis que je suis thérapeute et que je tente d’appliquer les méthodes de thérapie brève, j’ai compris que ces aptitudes pouvaient être utiles. Quand la vie est dure, que les épreuves s’accumulent, parfois il suffit d’avoir un héros qui veille sur vous pour tout arranger. Les enfants ont naturellement des héros. Peut-être que ce dernier était occupé ailleurs ces derniers temps, qu’il faudrait peut-être juste rallumer le Bat-signal. Ou appeler Superman très fort (son ouïe est très fine) pour qu’il passe devant la fenêtre de temps un temps jeter un oeil pour s’assurer que tout aille bien. Les possibilités sont aussi variées qu’il existe de héros. Et comme tous les adultes ont déjà été enfants…
Je peux utiliser le héros de la personne ou parfois décrire un de ces héros que je connais bien (c’est ma ressource personnelle) pour voir si cela conviendrait au patient comme type de ressource face à son problème.Et en se connectant à l’enfant qui est en chacun, on est surpris de découvrir que la question n’est pas tant d’être un héros que d’en avoir un. Se fier à une référence, un modèle, une personne ressource. Ne pas se mettre la pression ni avoir la prétention d’être lui, mais tendre à un idéal qui a quelque chose de commun avec soi. J’ai compris (finalement assez récemment) que ma personne ressource n’était ni plus ni moins que le Batman. Même qu’il me prête son costume quand j’en ai besoin, et toc… Et je n’ai pas honte de le dire. Après tout, l’armure de Batman l’a protégé des pires criminels de l’histoire. Alors, pourquoi ne me protégerait-elle pas des petites vicissitudes de la vie quotidienne ? Avant, pour moi, la moindre confrontation ressemblait à une bataille de fin d’aventure avec le Joker. J’avais peur même de mon ombre. Grâce à ma personne ressource, les défis de la vie ordinaire ne sont plus que de vulgaires voleurs arrêtés
entre deux grandes aventures.
Quand je crains de ne pas être capable, je me souviens de ce qu’il m’a appris : « L’entraînement n’est rien, seule compte la volonté. » Quand je manque d’entrain, de motivation, d’envie, je me souviens que mon héros ne reculerait devant rien. Parce qu’il sait pourquoi il agit. Il sait que ses actes ne seront pas vains et montreront l’exemple. La « volonté » dont il parle, c’est la motivation qui l’anime, les valeurs qu’il défend. Ce n’est pas une « volonté de fer » de tout contrôler, une volonté qui (s’) épuise. C’est plutôt la volonté sans faille de laisser s’exprimer ce qu’il est et ce qui le guide. L’affirmation de soi n’est donc pas, comme on nous le sous-entend ici ou là, la capacité d’être fort, de s’opposer. Il
est certain que celle-ci ne peut que s’épuiser, car elle ne représente que « l’entraînement », la difficulté incessante de faire toujours plus. La « volonté » à laquelle il accède est plutôt celle d’être soi-même, activement et en défendant nos valeurs propres. Cette distinction est importante. Pour prendre un exemple clinique simple, on sait qu’un fumeur qui dit arrêter « par la force de la volonté » (en fait un « entraînement » sans fin) finit par s’épuiser, contrairement à celui qui sait de façon déterminée et tranquille, dans une volonté réelle et apaisée, que c’est dans cette direction qu’il veut aller. On lira à ce sujet ce qu’écrit J.-M. Benhaiem. Dans la même veine, Roustang nous affirme qu’il « suffit d’un geste ».
Mais un geste qui soit « tout », un geste qui soit notre volonté réelle, un geste qui soit « nous-même », car comme il le dit, « si ce n’est moi, qui provoque le changement ? » L’entraînement peut se pratiquer avec un maître, tout comme l’hypnose peut se pratiquer avec un thérapeute, mais l’objet de cette rencontre est de faire naître la « volonté », de mettre en demeure le patient de sauter le pas, mais de savoir qu’on est dans l’incapacité radicale de le faire à sa place.
C’est à lui de mettre le masque qui le représente, le masque qui le démasque. Ou enfin pour le dire comme Erickson : de peser de tout son poids… pour obtenir un changement spontané de la part du patient ! C’est cette « spontanéité », cette « affirmation » d’un acte volontaire,;qui les représente et représente leur idéal et leur projet qui est l’aspect le plus caractéristique des super-héros. Quand j’ai peur de m’affirmer, je mets le masque aux oreilles pointues et je me dis que je dois être impressionnant. Enfin, petite confidence, il m’arrive de mettre un T-shirt superman sous mon pull quand je dois parler en public. Mais chut, mon identité doit rester secrète…
Le flow, un super pouvoir d’hypnothérapeute
En réfléchissant encore plus en avant sur mes choix de carrière, il m’est apparu que mon attirance pour l’hypnose ne s’est pas imposée par hasard. La transe hypnotique dans laquelle nous sommes plongés en séance ressemble à la capacité commune à tous les héros, celle d’être en totalité orienté vers un but : c’est le flow. Ce concept, élaboré par le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi, représente l’état mental de concentration optimale où l’individu se retrouve immergé dans son action, voire devient l’action, agit quasi automatiquement par réflexe. Les caractéristiques essentielles du flow sont la clarté perçue des objectifs à atteindre, la sensation d’avoir les compétences nécessaires pour atteindre l’objectif, la satisfaction que procure l’activité pendant le flow, un hyperfocus, c’est à dire une concentration maximale sur un champ limité de conscience avec une perte partielle du sentiment de conscience de soi. Mais surtout, en pleine action, le sujet à une sensation de distorsion temporelle, une action très rapide semblant se dérouler au ralenti avec une rétroaction immédiate qui permet d’ajuster en permanence son action avec une sensation de contrôle de soi et de l’environnement.
Cet état très hypnotique se retrouve notamment chez les sportifs de haut niveau pendant la performance mais aussi… dans nombre de planches issues des comics. Si le flow peut aussi faire partie de l’expérience de musiciens qui improvisent, de danseurs (lire à ce sujet le poème de Michael Jackson Dancing the dream), ou d’expériences spirituelles, ce sont encore les sportifs qui en parlent le mieux. Ils disent qu’ils sont « dans la zone ». Ainsi le légendaire joueur de football Pelé : « J’ai ressenti comme un étrange calme... une sorte d’euphorie. J’ai eu l’impression de pouvoir courir une journée entière sans fatigue, de pouvoir dribbler à travers toutes leurs équipes ou à travers tous, que je pouvais presque leur passer à travers physiquement.» Ou le pilote de Formule 1 Ayrton Senna, durant les qualifications du grand prix de Monaco 1988 : «J’étais déjà en pole position, [...] et je continuais. Tout à coup j’avais deux secondes d’avance sur tout le monde, même sur mon binôme qui avait la même voiture. Et tout à coup j’ai réalisé que je ne conduisais plus la voiture consciemment. Je la conduisais comme instinctivement, mais j’étais dans une autre dimension. J’étais comme dans un tunnel […] tout le circuit était un tunnel. Je continuais et continuais, encore et encore et encore et encore. J’avais largement dépassé la limite mais j’étais toujours capable de trouver plus.»
Commandez ce numéro Hors-Série n°8 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves: “Hypnose & Enfants"
Version papier épuisée de ce numéro, la version PDF est fournie à la place
1ère partie : hypnose pour l’enfant douloureux
Introduction ; recherches scientifiques clefs, avantages généraux de l’hypnose chez l’enfant douloureux (Chantal Wood)
Avantages de l’autohypnose et comment la proposer et suivre l’enfant (Isabelle Ignace)
Illustrations dans l’urgence et dans la durée (Thierry Moreaux)
Ce que l’hypnose modifie dans la relation entre soignant et soigné douloureux (Chantal Wood)
2ème partie: l'enfant et le monde
Déliances de l’enfance, reliances de l’adulte (Armelle Touyarot et Félix Benchimol)
Histoire de mère, histoire de bébé (Isabelle Stimec)
Double hommage à D. Stern (Luc Farcy. Stefano Colombo)
Un père raconte (Jean-Michel Hérin)
Le monstre dans la littérature fantastique (Didier Lafargue)
TOC chez l'enfant (Jean-François Marquet)
Hypnose solutionniste en pédiatrie ambulatoire (Hervé Fischer et Dominique Farges-Queraux)
De la pratique thérapeutique à l’art de vivre (Isabelle Celestin Lhopiteau)
3ème partie: l'enfant : un être de projet
L'importance de la relation en hypnothérapie avec l'enfant (Antoine Bioy, Chantal Wood))
Mon Alter Héros (Maxime Lamourette)
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
1ère partie : hypnose pour l’enfant douloureux
Introduction ; recherches scientifiques clefs, avantages généraux de l’hypnose chez l’enfant douloureux (Chantal Wood)
Avantages de l’autohypnose et comment la proposer et suivre l’enfant (Isabelle Ignace)
Illustrations dans l’urgence et dans la durée (Thierry Moreaux)
Ce que l’hypnose modifie dans la relation entre soignant et soigné douloureux (Chantal Wood)
2ème partie: l'enfant et le monde
Déliances de l’enfance, reliances de l’adulte (Armelle Touyarot et Félix Benchimol)
Histoire de mère, histoire de bébé (Isabelle Stimec)
Double hommage à D. Stern (Luc Farcy. Stefano Colombo)
Un père raconte (Jean-Michel Hérin)
Le monstre dans la littérature fantastique (Didier Lafargue)
TOC chez l'enfant (Jean-François Marquet)
Hypnose solutionniste en pédiatrie ambulatoire (Hervé Fischer et Dominique Farges-Queraux)
De la pratique thérapeutique à l’art de vivre (Isabelle Celestin Lhopiteau)
3ème partie: l'enfant : un être de projet
L'importance de la relation en hypnothérapie avec l'enfant (Antoine Bioy, Chantal Wood))
Mon Alter Héros (Maxime Lamourette)
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici