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Mon banal de la douleur.


La douleur chronique n’est pas qu’une douleur aiguë qui dure au-delà de trois à six mois, contrairement à la réduction qui en est souvent faite.
Antoine Bioy



Mon banal de la douleur.
Elle correspond à un ébranlement massif du sujet tel que la simple réponse inattendue aux traitements ou certains traits psychopathologiques suffisent à la définir, sans même qu’il soit question de la durée du tableau clinique. Malgré cela, la prise en charge de la douleur est souvent présentée sans justement ce qui la définit, sa psychopathologie. Et pourtant, là est bien le nœud de la situation.

J’admire2 les collègues qui arrivent à des merveilles avec des douleurs enkystées depuis des années, qui réaniment des Êtres enterrés sous le poids d’un corps devenu ennemi, qui savent manier les tours de passe- passe subtils d’une métaphore – abracadabra ! Qui sauvent les articulations et les bleus à l’âme, qui par le pouvoir de quelques mots réussissent là où tous – hormis eux – ont échoué, qui ont cette croyance si puissante qu’un sourire bienveillant met à distance toute cette satanée complexité cli- nique qui embrume l’esprit, lorsqu’on a le malheur de s’y attarder. Je les admire, car décidément, je n’y arrive pas.
Mes patients migraineux me pilonnent le crâne, ceux atteints d’algies vasculaires m’explosent la face ; mes consultants rhumato-enflammés me carbonisent l’énergie, ceux avec un colon sensible me rendent irritable.
Je dis « mes » patients, car évidemment mon implication est désespérément renforcée devant la souffrance inextricable de l’autre. Prendre de la distance, bien sûr, mais comment se détacher sans devenir irrespectueux ? Jusqu’où « être là » sans être dans une expectation défensive consistant à rester dans sa tour d’ivoire et surtout ne pas savoir ; trouver les bons arguments pour ne pas y toucher, avec dignité et si possible une hauteur qui laisse supposer que l’on tutoie les plus grands auteurs. Enfin, si possible, laisser penser que ce vide que l’on installe entre le patient et soi a la profondeur d’un souffle zen...

Pour ma part, je fais de la psychologie, pas de la religion. Je pratique la thérapie, pas le miracle. Ma présence consiste avant tout à m’interroger sur comment j’entre en relation, ce que je déploie au sentir de l’autre, de son Être sensible certes, avec cependant un angle d’entrée psychologique, puisque telle est ma profession, ma grille de lecture, ma façon de penser la place que je peux occuper pour l’autre. Cette grille s’appelle : psycho- pathologie. Et cette grille, j’en ai besoin. Plus que les patients sans doute, mais il est bien naturel que chaque artisan dispose de ses outils et les propose avant tout. C’est cela, ce que l’on nomme l’expertise.
Et elle me sert à quoi, cette grille ? A approcher le tableau clinique suivant, assez typique : des patients fatigués et même souvent épuisés, qui ont un sommeil en dents de scie et surtout pas réparateur. Leur alimentation est chaotique, sans plaisir, et à propos de non-plaisir, la sexualité est au mieux non satisfaisante, et au plus habituel inexistante. Les relations aux autres oscillent de « insupportables » à « supports fragiles à la plainte », sont entachées d’irritabilité, d’incompréhension, de culpabilité. Les troubles de l’attention sont bien là, et d’ailleurs il ne s’agit pas de la seule altération cognitive : il y a aussi des difficultés de mémorisation, de perception, etc. Et que dire de la vie affective et émotionnelle, complètement contaminée par les périodes douloureuses ? Le mal-être résonne non seulement sur la vie personnelle et aussi sur la vie professionnelle : arrêts de travail non réparateurs, sentiment d’inefficacité, là aussi culpabilité vis-à-vis des collègues. Les finances sont entamées, question difficile car cela a aussi des répercussions sur la famille et les suivis thérapeutiques (que dire des conseils de prendre du temps pour soi, voire des vacances, lorsque la menace financière pointe son nez ?).

L’anxiété est là, bien entendu, mais surtout l’angoisse qui ébranle l’équilibre interne du sujet dans ses principaux fondements. La privation des activités, empêchées par la douleur, amène de l’ennui, qui fait le lit de la résignation acquise et donc de la dépression avec son travail de perte.

Les troubles identitaires sont nombreux, et aussi la perte des valeurs du patient qui « ne se reconnaît plus ». La sidération est présente, tout autant que la destruction de la pensée, les menaces de l’équilibre interne et vital ; autrement dit, les signes du trauma psychique, si souvent oubliés dans les évaluations diagnostiques en douleur chronique alors qu’elles sont le commun de la pratique clinique. Ne voudrait-on pas voir ? Sidérations, effractions, empêchements, traumas, deuils : voilà les mots clefs des patients qui peuplent ma consultation. Impossible, depuis ma place en tout cas, de ne rien en faire3. Alors évidemment, le patient qui a déjà fait un travail avant d’arriver, c’est plus simple. Pour le convaincu par les pouvoirs magiques de l’hypnose aussi, bien entendu. Celui qui a une vie spirituelle établie, ouf !, on respire (avec lui), surtout s’il fait du yoga. Mais je ne sais pas pour vous, mais dans ma patientèle ces « patients vacances » restent l’exception. Sinon, ça rame. Et je rame avec eux, parfois plus qu’eux, puisque les douleurs les mobilisent plus qu’ils ne peuvent se mobiliser.

Comment (s’) en sortir ?

Les situations cliniques sont d’autant plus difficiles que les mouvements paradoxaux sont nombreux ; j’en cite trois qui me semblent parmi les plus habituels.
- Le sentiment d’être incompris par l’autre, en même temps qu’affirmer en quoi l’autre ne le comprend pas permet au patient de se définir, voire de maintenir dans un tout à peu près cohésif ce qu’il reste de sa personnalité, brisée par la douleur.
-L’agressivité plus ou moins directe envers les thérapeutes (de la remise en question de l’approche jusqu’à l’hostilité explicite) qui freine les prises en charge en même temps que cette agressivité permet de maintenir hors de soi les « mauvais objets » : tant que c’est l’environnement qui est inefficace, qui n’aboutit pas, qui ne fait pas ce qu’il faut, qui n’entend pas, etc., alors le patient peut maintenir de « bons objets » en soi : lui sait ce qu’il faudrait, pressent qu’il pourrait y avoir du bien, a du discernement sur la situation, etc.

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ANTOINE BIOY
Professeur de psychologie clinique et psychopathologie (Université de Paris 8 - Laboratoire de psychopathologie et neuropsychologie). Il est également responsable scientifique du centre Ipnosia (ipnosia.fr), conseiller scientifique auprès de l’Unesco (chaire 918), la Fondation de France, et de plusieurs sociétés savantes dont la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD). Il est aussi conseiller éditorial et scientifique de la revue « Transes » (Dunod). Après quinze années au CHU Bicêtre en douleurs et soins palliatifs, il exerce actuellement en pratique libérale sur Paris.




Rédigé le 11/01/2020 à 21:38 | Lu 357 fois | 0 commentaire(s) modifié le 15/01/2020





Philippe AÏM
Hypnothérapeute, Psychiatre, Praticien en EMDR - IMO, Président de l'Institut Uthyl, responsable de... En savoir plus sur cet auteur

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