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Milton H. Erickson, mon père. Roxanna raconte.


Par Roxanna ERICKSON KLEIN
Diplômée en soins infirmiers et en counseling et exerce à Dallas (Texas). Intègre dans son travail et dans son enseignement, ainsi que dans son travail d’écriture, l’expérience de l’hypnose qu’elle a eue tout le long de sa vie. Elle apporte également son aide au Conseil des Directeurs de la Fondation Erickson.
Traduction : Armelle TOUYAROT



Roxanna Erickson-Klein, la plus jeune fille d’Erickson, nous fait vivre de l’intérieur l’ambiance familiale et la proximité de son père.

Plus de trente ans sont passés depuis la mort de Milton H. Erickson, mais l’intérêt pour son travail ne cesse de s’étendre. Ses articles publiés entre les années 1920 et 1970 ont été plusieurs fois réédités.

Les collaborations avec des collègues, les demandes de traductions, de compilations et d’articles débutèrent dans les années 1950 pour s’étendre jusqu’à nos jours. A chaque nouvelle publication, des vagues d’intérêt agitent l’ensemble de la communauté professionnelle et de nouveaux cercles d’intérêt se développent. Au centre de la houle, il y a Erickson, décédé en 1980, mais dont le travail suscite toujours l’impression paradoxale d’un nouveau commencement.

Les manuels reconnaissent rarement les approches éricksoniennes comme une école majeure de thérapie : Erickson y est plutôt reconnu pour sa contribution à d’autres approches influencées par son travail ou construites sur son travail. Il est associé à ceux qui ont étudié son travail – Haley, Rossi, Zeig, Gilligan, Dilts, Yapko, Madanes, De Shazer, et d’autres encore. Des spécialistes ont tenté d’expliquer ses stratégies et ont même essayé de contrefaire son travail ; néanmoins, la plupart de ses adeptes y ont gagné une compréhension propre à faciliter leur développement personnel et leur style individuel. En dépit d’un demi-siècle d’efforts pour apporter quelque clarté sur la façon de pratiquer effectivement une psychothérapie éricksonienne, bien des questions restent sans réponse.

Que le travail d’Erickson soit encore exploré comme s’il s’agissait d’une idée nouvelle, suggère son caractère d’universalité. Ce qui semblait original et d’actualité dans les années 1950 semble toujours original et d’actualité aujourd’hui. Non seulement le travail d’Erickson reste à la pointe de la connaissance thérapeutique, mais il répond aussi aux exigences de pertinence interculturelle. Les points de vue psychologiques sont déterminés culturellement et socialement ; le travail d’Erickson suscite toujours une réelle attention sur le plan international. L’étude de son travail révèle une convergence qui englobe des pays, des cultures, des climats sociaux et des langues différents.

Cette vaste diversité d’intérêt est peutêtre en rapport avec ce qui n’est pas dit. Quand quelque chose ou quelqu’un génère un sentiment d’appartenance parmi des individus très différents, c’est probablement qu’une certaine imprécision invite l’apprenant à remplir les blancs avec sa propre histoire. Se pourrait-il que les écrits professionnels d’Erickson soient si ouverts que même des lecteurs avertis soient amenés à connecter les blancs de l’histoire avec leurs propres perceptions ?

Cet article donne un aperçu du travail d’Erickson à partir d’un autre point de vue, un point de vue personnel. Je vais considérer l’intégrité de l’homme et sa façon de pratiquer. Les valeurs qui le guidaient tous les jours dans son rôle de père, d’époux et de membre de la communauté se reflètent dans son travail et sa manière d’aborder les préoccupations des patients. A cet égard, il a vécu sa vie en accord avec lui-même.

Septième des huit enfants de Milton et Elisabeth Erickson, inspirée par la passion de mon père, je suis devenue une professionnelle du soin, avec plus de trente-cinq ans d’engagement dans le domaine. C’est avec mon propre bagage éducatif et mes expériences personnelles que j’aborde la philosophie qui sous-tend la perspective éricksonienne. Deux éléments saillants de sa philosophie, le bon sens et l’utilisation des ressources inconscientes, fournissent le cadre de la discussion. Mon objectif n’est pas de répondre aux multiples questions qui subsistent sur le travail d’Erickson, mais plutôt d’éclairer une silhouette et permettre à chacun de relier plus facilement les innombrables points qui constituent le profil de ce père remarquable.

LA SAGESSE

 Souvent citée pour décrire Erickson, la sagesse est la capacité à réagir de manière congruente avec des principes, de la raison et du jugement. Le comportement humain se révèle d’une multitude de façons dans les réponses à l’information, émotions, réactions – tout aussi concrètes que les mots qui sont prononcés. Le fait de prêter une vive attention à la manière dont réagit un individu apporte une large information sur la personne observée. C’est la combinaison de la fascination d’Erickson pour une observation précise avec son attachement à encourager la progression vers un équilibre sain dans la vie qui a développé son bon sens, sa sagesse.

Quand Erickson discutait avec des personnes, il étudiait attentivement leurs réactions. Aussi petit ou discret que soit le geste, l’expression faciale ou un changement de posture, il l’observait parfaitement. Pour Erickson, les réponses non verbales étaient tout aussi importantes que le choix des mots. Des principes universels – tels que la protection de son corps, les soins apportés aux enfants, les engagements familiaux, le respect des droits d’autrui, les responsabilités envers la communauté et d’autres impératifs sociaux – sont nés de la civilisation humaine.

Ces principes ont fourni un cadre de logique et de congruence aux opinions d’Erickson. Avec un fort attachement pour ce qui constitue un comportement éthique et sain, il a appris à évaluer les limitations et les capacités d’un individu, puis à répondre d’une manière qui favorise les progrès vers la santé mentale. Les divers centres d’intérêt propres à mon père ont servi d’exemple aux membres de la famille. En outre, il nous encourageait à puiser dans nos propres sources d’intérêt. Parce que ma jeune sœur Kristi et moi-même étions intéressées par les soins de santé, il nous enseigna à profiter d’être dans une foule pour noter des troubles caractéristiques de la démarche et évaluer discrètement les différences associées à diverses étiologies. Une ataxie syphilitique, un syndrome pyramidal associé à un spina bifida, une faiblesse unilatérale d’un accident vasculo- cérébral et la perte musculaire irrégulière associée à la poliomyélite, ils se distinguent tous par une démarche différente. Papa nous a appris que nous pourrions mieux servir nos patients si nous savons noter ces distinctions. Quand il nous était donné l’occasion d’observer un trouble de la démarche, nous prenions plaisir à échanger nos observations pour conforter nos impressions.

Un jour Kristi, maintenant médecin, a correctement diagnostiqué une grave neuropathie génétique alors qu’elle marchait par hasard derrière une femme dans un aéroport. Kristi a remarqué qu’elle traînait très légèrement un pied, et en discutant avec cette femme, elle lui a conseillé de se faire dépister une maladie de Charcot- Marie-Tooth ; un contact ultérieur initié par cette femme confirma la présence de la maladie. La femme lui exprimait sa reconnaissance pour avoir pu la diriger vers le traitement de cette maladie passée inaperçue depuis des années. Cultiver nos talents personnels d’observation dans des contextes sociaux n’était qu’un élément de notre coaching. Papa nous encourageait aussi à être attentifs à des indices dans des environnements plus familiers. L’anecdote suivante montre la complexité qui survient quand les parents essayent d’aider les enfants à utiliser le temps efficacement ; dans ce cas, les efforts ont eu l’effet inverse.

Quand une camarade de classe m’a demandé de l’aide pour apprendre à faire du crochet, je me suis acharnée sans succès à lui apprendre quelques points de base. Papa nous vit assises sur le canapé et plus tard, il me demanda : « Combien as-tu passé de temps à lui apprendre quelque chose qu’elle ne voulait pas apprendre ? » Fâchée que mon père en eût conclu que mon amie n’était pas intéressée, j’ai cherché à utiliser ma patience et ma ténacité pour lui prouver le contraire. Après bien des heures, j’ai fini par en conclure que mon amie ne cherchait pas à apprendre à faire du crochet, mais appréciait plutôt le temps et l’attention que je lui accordais. Cette leçon fastidieuse m’a appris à reconnaître que les actes parlent plus fort que les mots. Quand mon père m’eût soufflé cette idée, j’ai pu voir que le langage corporel de mon amie n’était pas focalisé sur la leçon mais plutôt sur la conversation et l’attention. Mon père a vu en un coup d’œil ce qu’il m’a fallu des heures à conclure. Puis il s’est mis en retrait pour me donner l’occasion d’apprendre la leçon à ma façon. On ne peut pas ignorer la différence entre une conscience adulte et la compréhension subjective d’un enfant, même si le bon sens est présent.

Bien que je n’eus jamais reconnu mon erreur auprès de mon père, je suis sûre qu’il a remarqué l’abandon du projet crochet. Par la suite, il s’est gardé de me faire d’autres observations sur mes amis sans y être sollicité. Erickson croyait qu’il y a tout autant à déduire d’individus rencontrés par hasard – un vendeur, un voisin, ou un travailleur manuel – que d’un savant émérite ou d’un homme d’affaires prospère. Bien que les gens différents aient des opportunités uniques, ils possèdent tous une mine de connaissances glanées au fil de leurs expériences personnelles.

L’information acquise auprès de nos semblables est tout aussi pertinente quel que soit leur bagage. A l’école primaire, j’ai été déçue de ne pas avoir un enseignement exclusivement en espagnol ; papa m’a guidée vers la meilleure source – des gens dont c’est la langue maternelle et des occasions quotidiennes de pratiquer. Suivant ses conseils, j’ai changé mes horaires de repas pour passer du temps avec des enfants qui parlaient espagnol et j’ai commencé à rendre visite à des voisins très âgés qui ne parlaient pas anglais. Le conseil de papa a déplacé ma déception sur le chemin de l’autonomie. Non seulement son accompagnement m’a guidée dans une bonne direction, mais il a aussi commencé à me former aux règles sociales, ce qui continue à me servir. La notion d’apprendre selon deux manières nous a été minutieusement expliquée à mes frères et sœurs et à moi-même. Nos parents nous ont tous deux montré comment se comporter pour faire en sorte d’obtenir de nos voisins des descriptions sur leur profession et leurs passe-temps.


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Il s’ouvre avec un double éditorial où Patrick Bellet évoque l’apport du Sage de Phœnix comme celle d’ « Un nouveau Copernic »,
puis Thierry Servillat s’imagine écrire une curieuse lettre à Milton, le maître de « L’art de la joie ».
Roxanna Erickson-Klein livre un texte inédit : « Mon père »,
puis Dominique Megglé, biographe attitré, relit à la lumière de notre époque la vie de « Milton Hyland Erickson., le conquérant immobile ».
Jeffrey Zeig, président de la Fondation Erickson, avec un détaillé « Abécédaire des postures éricksoniennes », nous fait percevoir l’essence de cette approche thérapeutique si peu théorisable.
Patrick Bellet traite ensuite, en nous étonnant, « De la nature végétale de l’hypnose ».
L’ « Erickson’s Touch. Quintessence hypnotique » est détaillée par Richard Van Dyck,
avant que Michel Kerouac envisage Milton H. Erickson comme « Un artiste sauveteur. Comme un visionnaire inouï ».
A l’instar d’Erickson qui s’est affranchi de carcans théoriques, il convient avec Maurice Corcos de considérer avec un bel esprit critique ce nouvel ordre mondial psychiatrique qu’est le DSM !

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Rédigé le 05/08/2018 à 00:11 | Lu 519 fois | 0 commentaire(s) modifié le 05/08/2018





Marion CHERVY
Rédactrice de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves Web. Chargée de Communication au sein des... En savoir plus sur cet auteur

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