Revue Hypnose & Thérapies Brèves, Hors-Serie n°9
« Et si l’ordonnancier redevenait un objet hypnotique »
Revenir de la lecture de ce numéro riches de réflexions. Sur l’exercice médical ausssi…
Introduction
Tout débuta pour Monsieur Dupont, un lundi après-midi, aux environs de 17 heures. Il se trouvait dans le bureau d’un médecin. Lors de l’examen, son bras est resté comme cela suspendu dans l’air, à son grand étonnement. Incapable dans les instants qui ont suivi la prise du pouls, incapable de baisser son bras volontairement. Et la sueur coulait le long de son corps. Situation un peu ridicule, quelque peu gênante, et aussi troublante, jusqu’au moment où le médecin lui dit de baisser son bras : « Il est à vous ! »
Il fit la même expérience, quelque temps plus tard, dans le bureau du psychiatre qui lui convie d’apprécier, au cours d’un travail avec l’hypnose, la catalepsie du bras, une façon de ratifier la transe hypnotique et une forme de dissociation hypnotique : partie du corps, reste du corps, si importante en hypnose. « C’est un phénomène caractéristique du processus hypnotique », lui affirme ce psychiatre.
Carson McCullers, dans L’Horloge sans aiguilles2, nous raconte l’histoire de Malone pharmacien. Il apprend par son ami médecin qu’il est atteint d’une leucémie. Le héros se trouve dans le cabinet du médecin : « Le choc l’avait désorienté et la pièce lui semblait soudain glaciale. Il était hypnotisé par le coupe-papier que le docteur faisait tourner entre ses doigts courts et très propres. En lui s’éveilla vaguement un souvenir depuis longtemps endormi ; il prit conscience d’avoir oublié un incident humiliant, sans cependant que l’épisode lui-même se précisât. Ainsi souffrait-il de deux angoisses parallèles – appréhendant les paroles du médecin et cette mystérieuse humiliation oubliée. Les mains du docteur étaient blanches et poilues. Malone ne pouvait supporter de les voir jouer avec le coupe-papier et pourtant son attention en était mystérieusement captivée. »
Que peut-on dire de ces deux expériences ?
Si nous définissons l’hypnose comme un processus allant de la focalisation de l’attention, par un recentrage de l’extérieur de soi vers l’intérieur de soi, utilisant la dissociation et privilégiant une dissociation conscient/inconscient et surtout un mode de fonctionnement analogique, il y a évidemment une étonnante ressemblance dans la rencontre du patient, du malade avec son médecin, avec ce qui se passe dans une séance d’hypnose.
La consultation médicale est un modèle de ce qu’est l’hypnose, où bien souvent :
- par le centrage du patient sur son symptôme, sur sa plainte ;
- par le contexte où la rencontre a lieu, le cabinet médical ;
- par les gestes et les paroles du médecin sur le corps du patient ;
et - par le temps de l’ordonnance comme apothéose de tout cela, le patient se retrouve dans un état de transe hypnotique. Dans cette transe hypnotique, le fonctionnement de sa conscience est particulier, de là, pour le médecin, de bien utiliser ce moment pour générer une aide efficace. Et pourquoi, si ce n’est déjà fait, de faire de la consultation médicale un moment hypnotique intentionnel (c’est-à-dire conscient et voulu de la part du thérapeute) pour utiliser sa propre parole et son langage corporel comme élément de traitement, en utilisant la rhétorique hypnotique. Souvenons-nous des écrits de Sigmund Freud, dans Inhibition, symptôme et angoisse : « Les mots sont bien les instruments les plus importants de l’influence qu’une personne cherche à exercer sur une autre personne ; les mots sont de bons moyens pour provoquer des modifications psychiques (et corporelles) chez celui à qui ils s’adressent. »
I - L’attente
La double conscience du patient
Nous disposons de deux façons différentes et complémentaires d’accueillir et de traiter l’information : d’une part le traitement linéaire, analytique et séquentiel qui correspond schématiquement au cerveau cognitif, d’autre part le traitement spatial, global et synthétique, qui lui relève du cerveau émotionnel. Notre pensée, nos actes sont la conséquence d’un effort permanent de recherche d’équilibre entre d’un côté le cerveau cognitif, conscient raisonnable, logique ouvert sur le monde extérieur, et de l’autre côté un cerveau émotionnel, relié au corps. Ces deux cerveaux sont relativement indépendants l’un de l’autre et contribuent chacun de façon différente à notre expérience de la vie et à notre comportement.
Ces deux modes de fonctionnement du cerveau, émotionnel et cognitif, perçoivent l’information provenant du monde extérieur à peu près en même temps. A partir de là, ils peuvent ou bien coopérer, ou bien se disputer le contrôle de la pensée, des émotions et du comportement. C’est le résultat de cette interaction coopération/compétition qui détermine ce que nous ressentons, notre rapport au monde et notre rapport aux autres.
Dans la consultation médicale le cerveau cognitif est bien moins opérant et il ne contrebalance plus les activités du cerveau émotionnel.
Une position d’attente
Attendre amène à penser, à imaginer. L’attente est propice au foisonnement de pensées et d’images intérieures. Le symptôme, la plainte servant de point de focalisation au langage intérieur du patient, paroles internes adressées à nous-même, images, et reprenant des éléments de notre propre expérience ou de celle énoncée par l’autre.
« Ma voix qui s’éteint depuis un an et ce père décédé d’un cancer de la gorge, peut-être que cette femme médecin va me rassurer ? »
Ce travail intérieur se colore d’éventuelles émotions, anxiété, craintes et espoir, en fonction de ce que l’on pressent de la gravité éventuelle. Emile Zola : « L’attente devint insupportable, l’espérance redoublait l’angoisse. » L’attente entre espoir et désespoir, enfer et salut, renforce cet enfermement intérieur, et c’est la rencontre avec le médecin qui ramènera le patient à re-communiquer vers l’autre, à s’ouvrir, à sortir de cet enfermement intérieur.
Car l’attente, c’est le rendez-vous, c’est l’attente de la rencontre avec le médecin, l’attente du diagnostic, et du traitement et des effets de ce traitement. Le patient est déjà dans un état de réceptivité. Lorsque le médecin est sur le point de rencontrer le patient, quelques questions peuvent lui venir à l’esprit :
- dans quel état de conscience se trouve le patient ?
- qu’imagine-t-il ?
- quel monologue interne a-t-il ?
- quels sont les processus émotionnels mis en route, déclenchés par la plainte ou le symptôme ?
II - Le temps de l’examen
Plus on approche de la rencontre, plus il y a réduction des champs perceptifs et orientation de l’attention vers l’intérieur de soi, et plus la personne va être sensible à autre chose qu’une bonne information médicale donnée. Dans toutes ces situations, l’environnement fait l’objet d’une attention flottante, tandis que la personne concentre son attention sur le monde intérieur.
« Et si l’ordonnancier redevenait un objet hypnotique »
Revenir de la lecture de ce numéro riches de réflexions. Sur l’exercice médical ausssi…
Introduction
Tout débuta pour Monsieur Dupont, un lundi après-midi, aux environs de 17 heures. Il se trouvait dans le bureau d’un médecin. Lors de l’examen, son bras est resté comme cela suspendu dans l’air, à son grand étonnement. Incapable dans les instants qui ont suivi la prise du pouls, incapable de baisser son bras volontairement. Et la sueur coulait le long de son corps. Situation un peu ridicule, quelque peu gênante, et aussi troublante, jusqu’au moment où le médecin lui dit de baisser son bras : « Il est à vous ! »
Il fit la même expérience, quelque temps plus tard, dans le bureau du psychiatre qui lui convie d’apprécier, au cours d’un travail avec l’hypnose, la catalepsie du bras, une façon de ratifier la transe hypnotique et une forme de dissociation hypnotique : partie du corps, reste du corps, si importante en hypnose. « C’est un phénomène caractéristique du processus hypnotique », lui affirme ce psychiatre.
Carson McCullers, dans L’Horloge sans aiguilles2, nous raconte l’histoire de Malone pharmacien. Il apprend par son ami médecin qu’il est atteint d’une leucémie. Le héros se trouve dans le cabinet du médecin : « Le choc l’avait désorienté et la pièce lui semblait soudain glaciale. Il était hypnotisé par le coupe-papier que le docteur faisait tourner entre ses doigts courts et très propres. En lui s’éveilla vaguement un souvenir depuis longtemps endormi ; il prit conscience d’avoir oublié un incident humiliant, sans cependant que l’épisode lui-même se précisât. Ainsi souffrait-il de deux angoisses parallèles – appréhendant les paroles du médecin et cette mystérieuse humiliation oubliée. Les mains du docteur étaient blanches et poilues. Malone ne pouvait supporter de les voir jouer avec le coupe-papier et pourtant son attention en était mystérieusement captivée. »
Que peut-on dire de ces deux expériences ?
Si nous définissons l’hypnose comme un processus allant de la focalisation de l’attention, par un recentrage de l’extérieur de soi vers l’intérieur de soi, utilisant la dissociation et privilégiant une dissociation conscient/inconscient et surtout un mode de fonctionnement analogique, il y a évidemment une étonnante ressemblance dans la rencontre du patient, du malade avec son médecin, avec ce qui se passe dans une séance d’hypnose.
La consultation médicale est un modèle de ce qu’est l’hypnose, où bien souvent :
- par le centrage du patient sur son symptôme, sur sa plainte ;
- par le contexte où la rencontre a lieu, le cabinet médical ;
- par les gestes et les paroles du médecin sur le corps du patient ;
et - par le temps de l’ordonnance comme apothéose de tout cela, le patient se retrouve dans un état de transe hypnotique. Dans cette transe hypnotique, le fonctionnement de sa conscience est particulier, de là, pour le médecin, de bien utiliser ce moment pour générer une aide efficace. Et pourquoi, si ce n’est déjà fait, de faire de la consultation médicale un moment hypnotique intentionnel (c’est-à-dire conscient et voulu de la part du thérapeute) pour utiliser sa propre parole et son langage corporel comme élément de traitement, en utilisant la rhétorique hypnotique. Souvenons-nous des écrits de Sigmund Freud, dans Inhibition, symptôme et angoisse : « Les mots sont bien les instruments les plus importants de l’influence qu’une personne cherche à exercer sur une autre personne ; les mots sont de bons moyens pour provoquer des modifications psychiques (et corporelles) chez celui à qui ils s’adressent. »
I - L’attente
La double conscience du patient
Nous disposons de deux façons différentes et complémentaires d’accueillir et de traiter l’information : d’une part le traitement linéaire, analytique et séquentiel qui correspond schématiquement au cerveau cognitif, d’autre part le traitement spatial, global et synthétique, qui lui relève du cerveau émotionnel. Notre pensée, nos actes sont la conséquence d’un effort permanent de recherche d’équilibre entre d’un côté le cerveau cognitif, conscient raisonnable, logique ouvert sur le monde extérieur, et de l’autre côté un cerveau émotionnel, relié au corps. Ces deux cerveaux sont relativement indépendants l’un de l’autre et contribuent chacun de façon différente à notre expérience de la vie et à notre comportement.
Ces deux modes de fonctionnement du cerveau, émotionnel et cognitif, perçoivent l’information provenant du monde extérieur à peu près en même temps. A partir de là, ils peuvent ou bien coopérer, ou bien se disputer le contrôle de la pensée, des émotions et du comportement. C’est le résultat de cette interaction coopération/compétition qui détermine ce que nous ressentons, notre rapport au monde et notre rapport aux autres.
Dans la consultation médicale le cerveau cognitif est bien moins opérant et il ne contrebalance plus les activités du cerveau émotionnel.
Une position d’attente
Attendre amène à penser, à imaginer. L’attente est propice au foisonnement de pensées et d’images intérieures. Le symptôme, la plainte servant de point de focalisation au langage intérieur du patient, paroles internes adressées à nous-même, images, et reprenant des éléments de notre propre expérience ou de celle énoncée par l’autre.
« Ma voix qui s’éteint depuis un an et ce père décédé d’un cancer de la gorge, peut-être que cette femme médecin va me rassurer ? »
Ce travail intérieur se colore d’éventuelles émotions, anxiété, craintes et espoir, en fonction de ce que l’on pressent de la gravité éventuelle. Emile Zola : « L’attente devint insupportable, l’espérance redoublait l’angoisse. » L’attente entre espoir et désespoir, enfer et salut, renforce cet enfermement intérieur, et c’est la rencontre avec le médecin qui ramènera le patient à re-communiquer vers l’autre, à s’ouvrir, à sortir de cet enfermement intérieur.
Car l’attente, c’est le rendez-vous, c’est l’attente de la rencontre avec le médecin, l’attente du diagnostic, et du traitement et des effets de ce traitement. Le patient est déjà dans un état de réceptivité. Lorsque le médecin est sur le point de rencontrer le patient, quelques questions peuvent lui venir à l’esprit :
- dans quel état de conscience se trouve le patient ?
- qu’imagine-t-il ?
- quel monologue interne a-t-il ?
- quels sont les processus émotionnels mis en route, déclenchés par la plainte ou le symptôme ?
II - Le temps de l’examen
Plus on approche de la rencontre, plus il y a réduction des champs perceptifs et orientation de l’attention vers l’intérieur de soi, et plus la personne va être sensible à autre chose qu’une bonne information médicale donnée. Dans toutes ces situations, l’environnement fait l’objet d’une attention flottante, tandis que la personne concentre son attention sur le monde intérieur.
Commandez ce numéro Hors-Série n°9 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves: “Hypnotiser: les techniques d'Induction"
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““Hors série n°9 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2015. “ C'est un numéro double de 196 pages. ““Thème : “Hypnotiser: techniques d'induction"
Hypnotiser, c’est « induire » la transe pour permettre la thérapie qui va suivre. L’hypnotisation et le travail thérapeutique sont bien deux temps séparés. Certains patients souhaitent inconsciemment la transe parce qu’ils savent en avoir besoin, mais leur esprit conscient s’y oppose. Ils vivent un conflit aigu entre leurs deux esprits. C’est notamment à ce type de sujets que s’adressent les techniques éricksoniennes de choc et de surprise, de confusion et de doubles liens. Grâce à elles, la transe apparaît rapidement.
Ce hors-série n°9 traite des multiples techniques qui permettent l’entrée en hypnose. Ses auteurs sont des hypnothérapeutes expérimentés : Yves Halfon, psychologue clinicien, Dominique Megglé, psychiatre, Thierry Servillat, psychiatre, Luc Farcy, psychiatre, Gaston Brosseau, psychologue, Delphine Provost, médecin anesthésiste, Christine Guilloux, psychothérapeute, Jean-Pierre Courtial, chercheur en psychologie, Pierre-Henri Garnier, psychologue clinicien, Laurent Gross, psychothérapeute, Isabelle Ignace, psychologue clinicienne, Kenton Kaiser, chirurgien dentiste, Xavier Penin, docteur en chirurgie dentaire, Francis Gajan, médecin généraliste.
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
““Hors série n°9 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2015. “ C'est un numéro double de 196 pages. ““Thème : “Hypnotiser: techniques d'induction"
Hypnotiser, c’est « induire » la transe pour permettre la thérapie qui va suivre. L’hypnotisation et le travail thérapeutique sont bien deux temps séparés. Certains patients souhaitent inconsciemment la transe parce qu’ils savent en avoir besoin, mais leur esprit conscient s’y oppose. Ils vivent un conflit aigu entre leurs deux esprits. C’est notamment à ce type de sujets que s’adressent les techniques éricksoniennes de choc et de surprise, de confusion et de doubles liens. Grâce à elles, la transe apparaît rapidement.
Ce hors-série n°9 traite des multiples techniques qui permettent l’entrée en hypnose. Ses auteurs sont des hypnothérapeutes expérimentés : Yves Halfon, psychologue clinicien, Dominique Megglé, psychiatre, Thierry Servillat, psychiatre, Luc Farcy, psychiatre, Gaston Brosseau, psychologue, Delphine Provost, médecin anesthésiste, Christine Guilloux, psychothérapeute, Jean-Pierre Courtial, chercheur en psychologie, Pierre-Henri Garnier, psychologue clinicien, Laurent Gross, psychothérapeute, Isabelle Ignace, psychologue clinicienne, Kenton Kaiser, chirurgien dentiste, Xavier Penin, docteur en chirurgie dentaire, Francis Gajan, médecin généraliste.
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