Ce travail nous amène à faire un rapprochement entre le langage poétique et le langage hypnotique. Nous découvrirons les points de ressemblance, comme l’utilisation de l’imaginaire pour toucher l’émotion, le corps, l’inconscient. La différence se fera dans la relation à l’autre et le rôle du patient en tant que cocréateur du langage figuratif.
Le langage poétique ne se définit pas simplement par la versification. La lecture d’un texte poétique se fait sur quatre niveaux : le plan sémantique, relatif aux sens des mots, c’est le lexique, les connotations, les images ;le plan syntaxique qui étudie la construction des phrases ; le plan rythmique qui porte sur la mesure, le vers ; et le plan phonique qui s’appuie sur la connaissance des sonorités.
Ce travail de comparaison entre les deux fonctions créatives que sont la poésie et le langage hypnotique porte essentiellement sur le plan sémantique, même si nous abordions quelques instants sur les rivages de la syntaxe et du rythme hypnotiques.
Le poète est celui qui crée avec des mots. Cette création met en œuvre toutes les ressources du langage. Elle établit des liens particuliers entre la forme et le sens, comme beaucoup d’autres formes littéraires, mais sa particularité semble être sa capacité d’enrichir ou de renouveler le sens des mots en jouant sur leur polysémie6, sur leurs connotations sur les figures qui les détournent de leur sens habituel. La notion même de «figure » suppose qu’il existe une différence entre un emploi non figuré (ou littéral) du langage et un emploi figuré (non littéral, détourné). La figure est donc le moyen de ne pas appeler un chat un chat, tout en faisant pourtant comprendre à un auditeur ou à un lecteur que l’on parle d’un chat.
Dans le royaume de la poésie, l’image est la réalité première et gouverne par ses métamorphoses successives, l’âme du poète comme celle du lecteur. Issues des songes du poète, transmuées en germes de mots et en rythmes par l’écriture, les images ont la vertu essentielle de communiquer leurs vibrations à l’âme du lecteur. Selon G. Bachelard : « Par la rêverie seule, on peut communiquer des images singulières.» Il faut vivre les images des poètes en « rêverie première ».
L’image semble bien être la caractéristique de l’écriture poétique. L’image est ce mélange de métaphore, de comparaison, d’analogie, bref de décrochage d’une langue commune vers une parole plus individuelle qui traverse les données du réel pour faire apparaître des correspondances jusque-là cachées, voire inconnues. Faire une image revient à préférer le figuré au littéral ; à déplacer et à défaire les lignes de la représentation concrète ; en un mot, à inaugurer une liaison neuve, à travers la parole, entre soi et le monde. P. Eluard nous surprend lorsqu’il écrit: «La terre est bleue comme une orange. »
Les procédés de rhétorique de l’image vont de l’allégorie à la métaphore. Ces procédés servent à la construction d’un sens figuré : agencer les mots de façon plus ou moins détournée du sens commun. Ainsi, de l’allégorie à la métaphore qui sont les deux termes extrêmes de cette échelle de procédés, le degré de figuration passe d’un sens codé et clairement lisible à un sens souvent caché et moins saisissable. L’allégorie, c’est l’art de la transposition. Elle offre une représentation figurée de notions abstraites, sous forme de récits, de tableaux. Autrement dit, elle propose une mise en action d’idées en s’appuyant sur un principe de transposition évident, sur une conception rigoureusement codée du monde. L’allégorie installe deux lectures parallèles, qui ne correspondent point par point, l’un étant la traduction de l’autre. Il s’agit donc de l’explication d’un élément ou d’une notion à travers une autre. La métaphore consiste à désigner une chose par le nom d’une autre chose avec laquelle elle entretient un rapport de ressemblance. Par la métaphore, l’on passe d’une relation de comparaison entre un comparé et un comparant, à une relation d’assimilation, d’union profonde : c’est le moment le plus créatif du poète. « Que le ciel est.../Un jardin bleu rempli de lis qui sont des astres/Et d’étoiles qui sont des fleurs... », clame V. Hugo. L’allégorie a souvent été définie comme une métaphore étendue.
Le Langage poétique comme le langage hypnotique, initié par deux personnes, n’imite pas la réalité, il la crée. Comment connaissons-nous ce qui se produit lors de l’écoute du poème ou de sa lecture ? Par introspection ; et, si nous cherchons à confirmer une impression, une émotion, nous avons recours aux récits que d’autres peuvent nous faire de leur écoute ou de leur lecture. Cependant deux récits portant sur le même texte ne seront jamais identiques. Comment expliquer cette diversité ? Par le fait que ces récits décrivent, non l’univers du poète lui-même, mais cet univers transformé, tel qu’il se trouve dans la psyché de chaque individu.
Le langage figuratif en hypnose n’explique rien lui non plus, il crée, il évoque : tous les sens du patient sont et doivent être éveillés, mais à la différence du poète qui crée à partir de sa propre sensibilité pour offrir au lecteur son monde intérieur, l’hypnothérapeute construira le langage hypnotique à partir du monde intérieur du patient, de sa singularité par ses expériences et sa culture personnelle pour comprendre le réel.
YVES HALFON. Professeur à l’Ecole de Sages-femmes de Rouen. Psychologue clinicien. Président de l’Institut Milton H. Erickson de Normandie. Président de l’Association Francophone d’Hypnose Dentaire.
Le langage poétique ne se définit pas simplement par la versification. La lecture d’un texte poétique se fait sur quatre niveaux : le plan sémantique, relatif aux sens des mots, c’est le lexique, les connotations, les images ;le plan syntaxique qui étudie la construction des phrases ; le plan rythmique qui porte sur la mesure, le vers ; et le plan phonique qui s’appuie sur la connaissance des sonorités.
Ce travail de comparaison entre les deux fonctions créatives que sont la poésie et le langage hypnotique porte essentiellement sur le plan sémantique, même si nous abordions quelques instants sur les rivages de la syntaxe et du rythme hypnotiques.
Le poète est celui qui crée avec des mots. Cette création met en œuvre toutes les ressources du langage. Elle établit des liens particuliers entre la forme et le sens, comme beaucoup d’autres formes littéraires, mais sa particularité semble être sa capacité d’enrichir ou de renouveler le sens des mots en jouant sur leur polysémie6, sur leurs connotations sur les figures qui les détournent de leur sens habituel. La notion même de «figure » suppose qu’il existe une différence entre un emploi non figuré (ou littéral) du langage et un emploi figuré (non littéral, détourné). La figure est donc le moyen de ne pas appeler un chat un chat, tout en faisant pourtant comprendre à un auditeur ou à un lecteur que l’on parle d’un chat.
Dans le royaume de la poésie, l’image est la réalité première et gouverne par ses métamorphoses successives, l’âme du poète comme celle du lecteur. Issues des songes du poète, transmuées en germes de mots et en rythmes par l’écriture, les images ont la vertu essentielle de communiquer leurs vibrations à l’âme du lecteur. Selon G. Bachelard : « Par la rêverie seule, on peut communiquer des images singulières.» Il faut vivre les images des poètes en « rêverie première ».
L’image semble bien être la caractéristique de l’écriture poétique. L’image est ce mélange de métaphore, de comparaison, d’analogie, bref de décrochage d’une langue commune vers une parole plus individuelle qui traverse les données du réel pour faire apparaître des correspondances jusque-là cachées, voire inconnues. Faire une image revient à préférer le figuré au littéral ; à déplacer et à défaire les lignes de la représentation concrète ; en un mot, à inaugurer une liaison neuve, à travers la parole, entre soi et le monde. P. Eluard nous surprend lorsqu’il écrit: «La terre est bleue comme une orange. »
Les procédés de rhétorique de l’image vont de l’allégorie à la métaphore. Ces procédés servent à la construction d’un sens figuré : agencer les mots de façon plus ou moins détournée du sens commun. Ainsi, de l’allégorie à la métaphore qui sont les deux termes extrêmes de cette échelle de procédés, le degré de figuration passe d’un sens codé et clairement lisible à un sens souvent caché et moins saisissable. L’allégorie, c’est l’art de la transposition. Elle offre une représentation figurée de notions abstraites, sous forme de récits, de tableaux. Autrement dit, elle propose une mise en action d’idées en s’appuyant sur un principe de transposition évident, sur une conception rigoureusement codée du monde. L’allégorie installe deux lectures parallèles, qui ne correspondent point par point, l’un étant la traduction de l’autre. Il s’agit donc de l’explication d’un élément ou d’une notion à travers une autre. La métaphore consiste à désigner une chose par le nom d’une autre chose avec laquelle elle entretient un rapport de ressemblance. Par la métaphore, l’on passe d’une relation de comparaison entre un comparé et un comparant, à une relation d’assimilation, d’union profonde : c’est le moment le plus créatif du poète. « Que le ciel est.../Un jardin bleu rempli de lis qui sont des astres/Et d’étoiles qui sont des fleurs... », clame V. Hugo. L’allégorie a souvent été définie comme une métaphore étendue.
Le Langage poétique comme le langage hypnotique, initié par deux personnes, n’imite pas la réalité, il la crée. Comment connaissons-nous ce qui se produit lors de l’écoute du poème ou de sa lecture ? Par introspection ; et, si nous cherchons à confirmer une impression, une émotion, nous avons recours aux récits que d’autres peuvent nous faire de leur écoute ou de leur lecture. Cependant deux récits portant sur le même texte ne seront jamais identiques. Comment expliquer cette diversité ? Par le fait que ces récits décrivent, non l’univers du poète lui-même, mais cet univers transformé, tel qu’il se trouve dans la psyché de chaque individu.
Le langage figuratif en hypnose n’explique rien lui non plus, il crée, il évoque : tous les sens du patient sont et doivent être éveillés, mais à la différence du poète qui crée à partir de sa propre sensibilité pour offrir au lecteur son monde intérieur, l’hypnothérapeute construira le langage hypnotique à partir du monde intérieur du patient, de sa singularité par ses expériences et sa culture personnelle pour comprendre le réel.
YVES HALFON. Professeur à l’Ecole de Sages-femmes de Rouen. Psychologue clinicien. Président de l’Institut Milton H. Erickson de Normandie. Président de l’Association Francophone d’Hypnose Dentaire.
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“Hors série n°10 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2016. “ C'est un numéro double de 196 pages. “Thème : “Les métaphores". Utilisation de la pensée symbolique"
Construites ou filées, développées ou succinctes, universelles ou personnelles, les métaphores constituent une boîte à outils à l’immense portée thérapeutique. Comment les construire, comment les utiliser, c’est ce qu’explique avec de nombreux exemples ce hors-série n°10 de la revue Hypnose & Thérapies brèves.
- Hypnose et Thérapies Brèves. Leçon d’humilité… Histoire courte, conte, légende universelle, tableau de maître, ou simple image, la métaphore existe depuis la nuit des temps et inspire notre vie quotidienne.
- De la métaphore dans la maladie et le soin. Yves HALFON «En matière de métaphore, les apparences sont tout, sauf trompeuses.»
- Métaphores sur Grand Ecran : utilisation des films en thérapie narrative avec les toxicomanes - Le poète, le patient et l’hypnothérapeute - Les métaphores: Définitions. La métaphore, du grecμεταφορα (« metaphorá »= transport), est une figure de style fondée sur l’analogie. Un terme est substitué à un autre, issu d’un champ lexical différent, parce qu’il lui ressemble ou partage avec celui-ci une qualité essentielle.
- L’heure du changement: Deux images métaphoriques me servent « d’accroche » quand les patients les remarquent dans mon cabinet de consultations. - L’enchantement hypnotique des métaphores. Joyce C. MILLS, Ph.D.
- Fier d’être « un pot fêlé ». Il y a bien longtemps, un soignant m’envoya ce conte hindou. Je ne me souviens plus du nom du soignant...
- La métaphore, une communication intersubjective directe
- Henri le Hérisson. Céline BENHARROCH LEININGER - Création et utilisation de contes métaphoriques en hypnose - Les histoires de grand-père. Marco KLOP
- Le nez fin. Camille ROCHE-DJEFFEL
- La réification. Yves HALFON
- L’énigme de la Perle Noire. Métaphore de la rencontre du « Comte de Brosseau » Ou une métaphore qui en cache une autre.
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
“Hors série n°10 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2016. “ C'est un numéro double de 196 pages. “Thème : “Les métaphores". Utilisation de la pensée symbolique"
Construites ou filées, développées ou succinctes, universelles ou personnelles, les métaphores constituent une boîte à outils à l’immense portée thérapeutique. Comment les construire, comment les utiliser, c’est ce qu’explique avec de nombreux exemples ce hors-série n°10 de la revue Hypnose & Thérapies brèves.
- Hypnose et Thérapies Brèves. Leçon d’humilité… Histoire courte, conte, légende universelle, tableau de maître, ou simple image, la métaphore existe depuis la nuit des temps et inspire notre vie quotidienne.
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- La métaphore, une communication intersubjective directe
- Henri le Hérisson. Céline BENHARROCH LEININGER - Création et utilisation de contes métaphoriques en hypnose - Les histoires de grand-père. Marco KLOP
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- L’énigme de la Perle Noire. Métaphore de la rencontre du « Comte de Brosseau » Ou une métaphore qui en cache une autre.
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Valérie TOUATI
Hypnothérapeute, Thérapie EMDR, Ostéopathe.
Exerce dans le Cabinet d'Hypnose Médicale, Ostéopathie, EMDR de Paris 12.
Spécialisée sur les traitements et approches de la Fécondation In Vitro (FIV), et de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), Infertilité Inexpliquée.
Rédactrice web de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
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Hypnothérapeute, Thérapie EMDR, Ostéopathe.
Exerce dans le Cabinet d'Hypnose Médicale, Ostéopathie, EMDR de Paris 12.
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