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La peur de soi dans le processus de guérison Pascale Chami. Hors-Série Peurs et Phobies n°15 de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves


Et si l’hypnose était le chemin thérapeutique de la rencontre avec soi...



© Maya Vincent
© Maya Vincent
A la question incongrue posée par le thérapeute : « Est-ce que cela va vous manquer lorsque vous n’aurez plus vos tics ? », une lueur d’effroi apparaît dans les yeux du patient. Le visage avenant d’une vingtaine d’années s’immobilise un court instant, demeure silencieux et pensif... avant que les mouvements involontaires ne reprennent leur assaut : clignements d’yeux, hochements de tête, et parfois des raclements de gorge, son quotidien depuis le plus jeune âge.

Le moment de perplexité passé, la réponse vient : « Si vous m’enlever mes tics, je ne vais plus être Moi... j’ai des tics depuis que je suis tout petit ! » Que redoute le patient ? De ne plus se reconnaître, changer d’identité, de personnalité. Ne plus être lui-même, ne plus être ! Le symptôme chronique est devenu identitaire, colle au patient. Comment s’en défaire sans changer de peau, sans muer ? Est-ce seulement possible ? La demande est gageure pour le thérapeute et le patient : guérir sans perdre son identité. Peut-on seulement changer sans changer ? Mais alors, se défaire d’un symptôme serait se dénuder l’âme, se révéler tel que l’on est ? Voilà le voyage auquel est invité le patient, l’aventure de se redéfinir autrement pour être véritablement, et in fine : Etre sans paraître.

Aller du Moi au Soi : le chemin thérapeutique ?

Le « moi » est conscience, s’encombre aussi de croyances, de présupposés et de peurs. Le moi est « ce que je crois être et ce que je donne à voir ». Le moi est le Je, jeu, de l’ego. Il est la carapace qui protège mais peut être également celle qui emprisonne. Le Soi est notre véritable nature, identité. Selon Jung, il est un âge autour de la cinquantaine où le passage du moi au soi se fait naturellement. Quête de vie, de sens, le véritable soi se révèle comme une mutation, une mue. Pour les bouddhistes le chemin de l’éveil ne s’arrête pas là, il s’agit d’aller encore au-delà et dépasser le Soi pour accéder au Non-soi. Mais cela est encore une autre affaire... En quoi l’hypnose peut-elle aider dans cet accomplissement ? Et si l’hypnose était ce chemin thérapeutique qui rend cette individuation possible, cette révélation à soi-même, ce que je suis réellement sans la douleur, sans le produit toxique, sans la peur, sans l’Autre... ? Le chemin de guérison a été pour ce jeune homme celui de la rencontre avec soi : se découvrir sans les tics. Un phénomène de maturation naturelle suscitée par l’expérience de l’hypnose. Si la demande désespérée de certains patients d’une trépanation pour leur ôter l’obsession ou la souffrance – « enlevez-moi ça de la tête ! » – témoigne de leur ras-le-bol à vivre le symptôme, le rapport au symptôme n’en reste pas moins complexe, voire ambivalent. Le postulat de l’indispensable rencontre avec soi comme voie de guérison n’exclut pas le caractère complexe de la démarche. Car comment conduire le patient devant cet abîme afin qu’il prenne le risque de la rencontre avec Soi ?

Guérir serait donc cette révélation de soi-même ?

Dès le premier échange avec la jeune femme, l’accordage avait eu lieu... du moins me semblait-il... La trentaine, le teint pâle, les yeux hagards. Je ne me souviens guère des éléments de sa vie, des raisons et des circonstances de l’apparition de cette peur. Je me souviens de son corps crispé, de la terreur à l’évocation de la lumière du jour, de cette étrange phobie (héliophobie) qui la contraignait à vivre en oiseau de nuit.

Notre premier et unique rendez-vous eut donc lieu à la tombée de la nuit. Moment tant attendu qui rompait le sortilège et la délivrait de sa léthargie. L’expérience de l’hypnose a apporté de l’apaisement, la patiente est repartie soulagée et souriante. Comment comprendre son absence quinze jours plus tard, au deuxième rendez-vous donné dans l’après-midi d’un mois d’avril ? La voix à l’autre bout du fil est hésitante, incertaine, et finit par lâcher : « Ça a été trop vite, vous comprenez, du jour au lendemain je n’ai plus eu cette peur, je peux sortir à présent... mais je ne sais pas quoi faire de moi. »

Faut-il comprendre alors la lumière du jour comme un révélateur de soi ! Etre en plein jour, c’est être soi, sans ombres ni artifices. L’éclat astral oblige à la vie, au bonheur... qu’en faire ? La femme disait combien elle était peu prête au changement tant attendu, d’autant plus que le changement n’arrive pas toujours à l’endroit attendu. Alors, nous avons pris le temps d’apprivoiser la peur comme on apprivoise un animal. La femme est allée à la rencontre de ses aspirations, de ses souhaits, ses besoins... Elle s’est dévoilée à elle-même, non sans douleur car il lui a fallu faire le constat de l’absence, du vide affectif dans sa vie, pour finalement conclure : « Vivre sans la peur a été ma plus belle histoire. »

La peur de Soi

L’entrée dans l’expérience de l’hypnose est révélatrice de notre façon d’être au monde. La peur qu’elle peut susciter provient de la sensation de perte de contrôle, de l’expérience de bascule et de folie et de l’appréhension de ce qui est au rendez-vous de l’autre côté... Qu’est-ce qui attend l’hypnotisé lorsqu’il se laisse happer à l’intérieur de lui-même ?

Une femme, la cinquantaine, phobique, se laisse un temps porter dans l’expérience hypnotique, ferme les yeux, se détend, mais au moment précis où la bascule dans l’autre monde va se faire, elle est saisie de peur et ouvre les yeux subitement, elle regarde autour d’elle pour s’assurer que tout est bien comme elle l’avait perçu avant de fermer les yeux. Qu’est-ce qui peut bien faire peur à ce point, si ce n’est ce que nous fuyons en permanence ? La rencontre avec Soi a été rendue possible lorsque la fuite ne l’était plus. Un moment de vérité, d’adhésion à ce que nous sommes réellement. La patiente décrira « des retrouvailles ! » avec l’amie fidèle, la compagne de tous les voyages. « La résolution des tourments ».

Aussi libératrice qu’elle puisse être, l’expérience reste, pour certains, négligée, considérée comme n’en valant pas la peine, car l’extérieur qui nous meut est plus attrayant. Farfadet attiré par la lumière, l’or d’un soir, leurre d’une vie. Alors la vie qui nous veut du bien se fait entendre plus fort, nous chamboule, nous offre ce que nous redoutons le plus : maladie, accident, rupture avec ce qui faisait sens pour nous pousser à cette recon - version vers et avec nous-même.

« Si c’était aussi simple que cela, ça se saurait ! », me rétorque un patient outré par la proposition de ne plus rien faire si ce n’est de se laisser respirer.

Cela se sait depuis la nuit des temps, philosophes, prêtres, sages exhortent à cette intériorisation. Mais voilà, la chose est peut-être justement trop simple à concevoir, c’est banal mais pas si simple à réaliser. Quoi ? Ne pas avoir à parcourir la terre, arrêter toute quête, toute volonté, se tenir immobile pour que l’extraordinaire advienne ? Et même lorsque la proposition est entendue, très vite l’effort pour aller mieux vient s’insinuer. La méditation, l’autohypnose ont été dévoyées de leur essence même. Elles sont devenues une énième activité ajoutée, « pour »... Une recommandation non pas pour vivre sa vie ou mieux la vivre, mais pour mieux contrôler la vie. Méditation pour gérer le stress, auto-hypnose pour réussir un concours... et la vie désespère de ces rendez-vous manqués.

L’homme âgé de 60 ans a tout essayé, toutes les médecines et toutes les pratiques, y compris celles dites alternatives, yoga, acupuncture, hypnose... y compris les pratiques les plus ésotériques, chamanisme, massages en tout genre, magnétisme, soins énergétiques, ouvertures des chakras... et dans les endroits les plus éloignés de la terre, sans oublier bien sûr la psychanalyse... les cures et les jeûnes en tout genre... Il a beaucoup travaillé et beaucoup travaillé sur lui, beaucoup appris mais pas l’essentiel. Sa curiosité reste douloureuse : elle le mène de l’exaltation de la recherche, de la découverte de la thérapie qui serait le Graal, le secret ultime ou l’élixir de jouvence, jusqu’à la déception de ce qui ne peut être. « “Ce n’est pas faute d’avoir essayé” sera mon épitaphe », ajoute-t-il avec humour. Peur de mourir, peur de vivre ou peur de soi ? La maladie, la perte de l’élan de vie, de l’énergie de vie, impose une pause et cet arrêt rend possible la ren - contre avec Soi. Le patient n’y est pas prêt. Il cherche encore le remède pour sa guérison, pour ne pas s’engager dans la guérison.

Peut-on se guérir de soi-même ?

Une femme de 42 ans, au sortir de l’expérience de l’hypnose, a une fulgurance ; elle vient d’expérimenter le temps d’un moment la jouissance de sa vie, mais elle mesure également l’interdit : « Je n’ai pas le droit d’être heureuse alors que ma jeune soeur est mourante d’un cancer ! » Jouir de la vie sans outrage, c’est composer avec la culpabilité, les doutes, les regrets, se pardonner d’avoir failli, de ne pas être le super-héros ou super-héroïne escompté(e), s’accepter ombre et lumière, failles et compétences comme un tout indistinct imparfait, et par là même parfait. Se guérir de soi c’est accepter sa propre reddition sans conditions de soi à soi. Dans La panthère des neiges Sylvain Tesson décrit le moment de l’attente à l’affût de la panthère comme une définition de l’amour ; rester immobile et silencieux l’un à côté de l’autre. Et si la rencontre merveilleuse et extraordinaire tant attendue était tapie là, en nous, source de lumière véritable, rencontre amoureuse ?

Cette peur ne vous appartient pas !

La jeune femme, étudiante en droit, se plaint de ressentir pression et stress. Peur du vide et peur de l’avion se sont installées à l’adolescence à l’occasion d’un voyage scolaire. Les camarades qui voyagent avec elle, ce jour-là, ne sont pas ses amies, elles se moquent fréquemment de la jeune fille et la rejettent. L’avion rencontre de fortes turbulences, ses camarades paniquent et manifestent leur peur. Ce n’est que quelque temps plus tard, lors d’un autre vol, qu’elle réalise avoir contracté la peur. En écoutant le récit de cette jeune fille, belle, intelligente, sensible, issue d’une famille aimante et sécurisante, me vient l’image de ces jeunes adolescents qui fument leur première cigarette pour ressentir l’appartenance au groupe. Elle adhère à la métaphore et ajoute qu’aujourd’hui encore, des années plus tard, elle n’arrive toujours pas à « rompre » avec ces camarades, qu’elle continue de fréquenter, craignant leur jugement, recherchant leur approbation... La peur du vide est la peur de l’absence, du rejet, de se ressentir vide sans elles jusqu’à préférer une relation toxique à une absence de relation.

Cependant elle va déjà mieux, elle a su s’investir affectivement dans de véritables amitiés et avec un petit ami. Il s’agit tout simplement de pour - suivre ce chemin de libération déjà initié.

Après lui avoir suggéré que cette peur ne lui appartenait pas, la jeune femme fait l’expérience de la lévitation inversée. Elle met en acte ainsi la pression, les tensions ressenties jusqu’à leur exacerbation, avant de tout relâcher et d’aller dans une détente profonde et rapide. Son corps s’affaisse dans le siège, sa tête penche en avant. Je l’enjoins à redécouvrir une intériorité qui lui appartient, sans influences extérieures, à pouvoir être telle qu’elle est, telle qu’elle souhaite être. La rencontre avec soi lui a été profitable, à l’issue de la transe elle se sent étrange mais pas étrangère à elle-même. Elle s’est affranchie du regard des camarades, a changé de regard sur elle-même... et décrit une sensation de douceur, « comme une enveloppe d’amour pour elle-même ».

Toujours changer pour ne surtout rien changer

La peur de soi dans le processus de guérison se retrouve chez nombre de nos patients. Elle a un écho tout particulier chez cet homme, la cinquantaine, diagnostiqué hyperactif. Sa vie est mouvement perpétuel : changement de lieu, de travail, de relation, d’activité, passage d’une vie...

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PASCALE CHAMI

Psychologue clinicienne. Hypnothérapeute en libéral, Paris. Formatrice et enseignante, CHU Saint-Antoine, AFEHM Pitié-Salpêtrière, Hypnosium IMHE Biarritz-Pays basque, GEMA. Auteure de 30 jours pour pratiquer l’autohypnose : Stress, angoisses, insomnies, addictions... (Mango Editions) et de L’autohypnose facile et ludique pour l’enfant et ses parents (Le Courrier du livre).

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Cet ouvrage de 228 pages permet de comprendre les contextes relationnels favorisant les peurs et les phobies. « Le thérapeute, souligne Julien Betbèze, rédacteur en chef, est invité à découvrir une clinique fine qui passe par la différenciation entre trauma et situation angoissante, entre angoisse d’anticipation sans trauma et angoisse d’anticipation post-traumatique. » Vera Likaj, coordinatrice de l’ouvrage, a pensé ce numéro dans une approche plurielle et collaborative : des outils différents, des sensibilités uniques dans des cliniques parfois bien singulières revisitant la peur avec des lunettes culturelles chaque fois nouvelles. 
« J’invite le lecteur, nous dit-elle, à parcourir les articles avec l’œil de l’anthropologue, curieux et discret, s’émerveillant des différences qui viennent nourrir toutes nos rencontres thérapeutiques. »

Retrouvez les abstracts de la revue sur ce lien


Au sommaire : 
- Editorial : Peurs et phobies. L’hypnose comme levier de changement. Julien Betbèze
- Editorial : Et l’insouciance dans tout ça ? Vera Likaj
- Peurs traumatiques, peurs anticipatoires. Eric Bardot
- Peurs et risques psychosociaux au travail. Maxime Bellego
- Phobies. Et autres peurs ancrées. Jean-Marc Benhaiem
- Angoisse et hypnose en gériatrie. Jérôme Bocquet
- La peur de soi dans le processus de guérison. Pascale Chami
- La contrainte comme levier de changement ? Olivier Cottencin
- Croyances et anxiété. Yves Doutrelugne
- Faire corps avec la peur. La clinique de l’étrange. Nathalie Lampole
- Du lâche au héros. Revenir doucement à soi-même. Vera Likaj
- La peur de la peur. Retrouver des sensations qui nous guident. Emmanuel Malphettes
- Thérapie brève des phobies. Courtes réflexions. Dominique Megglé
- Peurs à l’école. Emmanuelle Piquet
- L’hypnose, un outil de gestion des phobies. Que nous apprend la recherche ? Audrey Vanhaudenhuyse et Marie-Elisabeth Faymonville
- Addictions et anxiété. David Vergriete


Tous les Hors-Séries de la Revue sont commandables sur le site www.hypnose-therapie-breve.org

MASTERCLASS: AUTOHYPNOSE en PEDIATRIE et en FAMILLE

L’autohypnose est une solution -non médicamenteuse- aux difficultés que rencontre l’enfant dans son chemin de vie.
C’est également une pratique naturelle auquel il a recours spontanément qui s’avère être nécessaire pour bien grandir.
La thérapie avec l’enfant consiste à lui redonner les clefs de son intériorité afin que l’enfant puisse dans les différentes circonstances de sa vie s’adapter et devenir.

Cette journée immersive dans le monde de l’enfance est le fruit de mon expérience de psychologue clinicienne auprès des enfants et de leur famille, que je partage avec vous. Très vite m’est venu un modèle thérapeutique innovant, la T.F.H, Thérapie Familiale par l’Hypnose, où l’hypnose se pratique avec toute la famille réunie.
Car le changement est une coconstruction qui s’appuie sur l’interaction et met la relation au centre de la thérapie.

Transmettre l’autohypnose à l’enfant c’est lui transmettre des outils relationnels précieux. Journée interactive et pratique, exercices, mise en situation, démonstration, cas cliniques, supervision.

Lire le programme sur le site

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Rédigé le 16/02/2022 à 01:10 | Lu 7996 fois | 0 commentaire(s) modifié le 18/10/2024





Laurent GROSS
- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies... En savoir plus sur cet auteur

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