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L'acédie ou l'extinction de la voie intérieure. Dr MALAREWICZ.


Par le Dr Jacques-Antoine MALAREWICZ, psychiatre et psychothérapeute.



L'acédie ou l'extinction de la voie intérieure. Dr MALAREWICZ.
La conférence de Jacques- Antoine Malarewicz fut un des grands temps forts du congrès de Saint-Malo. Replacer brillamment la dépression dans l'histoire de ses désignations successives l'amena à en présenter un visage méconnu sinon oublié. Avec le ton qu'on lui connaît, entre humour et décryptage. En a-t-il assez dit ? Il est entre autres, enseignant en hypnose et thérapies brèves orientées solution au CHTIP Collège d'Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris

La souffrance psychique qui, de nos jours, relève du cadre très général de la dépression a toujours existé, d’une façon ou d’une autre, sous une dénomination ou sous une autre. En effet, chaque culture propose aux membres qui la constituent des modes d’objectivation de leurs douleurs, c’est-à-dire des discours cohérents et rassurants, des configurations théoriques tautologiques qui leur permettent de mettre des mots, et donc des compréhensions, sur ce qu’ils vivent et ressentent. Par exemple, même si le terme s’est en bonne partie effacé de notre mémoire, l’acédie fait partie de notre héritage culturel. De quoi s’agit-il exactement ?

LE MAL-ÊTRE DES MOINES

La notion d’acédie est née au IVe siècle sous la plume d’un ascète du désert égyptien, Evagre le Pontique. Il n’en donne pas une seule définition, mais tente plutôt de décrire l’ensemble des caractéristiques qui font que des moines -car il s’agit d’eux - ne parviennent plus à répondre aux exigences spirituelles pour lesquelles ils se sont engagés. Nous voilà au cœur du désert pour les anachorètes, ou dans la promiscuité des couvents pour les cénobites. Ainsi, ces moines, par des chemins très divers qui passent aussi bien par le manque d’ardeur que l’hyperactivité, s’éloignent de leurs pratiques. Cette polysémie du terme fait que la lecture des textes, bien évidemment anciens et traduits du latin ou du grec, surtout celle des exégètes de l’acédie, laisse perplexe ! A chacun son « acédie », à chacun sa propre compréhension de ce que cette notion a pu recouvrir. Il est vrai qu’au cours des siècles, la pratique religieuse a évolué et, dès lors, la souffrance qui a pu lui être attachée.

Il est ainsi question d’atonie, d’ennui, d’oisiveté, d’indolence, de manque d’ardeur, de relâchement de l’âme, de négligence dans l’ascèse, d’un empressement au travail des mains, mais également de manque de soins aux morts, de repli sur soi ou, tout à l’inverse, de fuite en avant… Jusqu’à une définition bien moderne, qui est celle de saint Bonaventure, au XIIIe siècle : l’acédique « désire ce qu’il ne devrait pas désirer et ne désire pas ce qu’il devrait désirer ». Plus simplement, dans une logique religieuse, ce mal risquait de faire sortir le moine de sa condition de reclus. Selon certains, elle « frappait » plutôt à l’heure du déjeuner, ainsi l’acédie était le démon de la méridienne - le démon de midi -, on sait ce qu’il est devenu dans sa sexualisation au mitan de la vie…

Surtout, dans l’esprit d’Evagre le Pontique, l’acédie était un vice, plus exactement un péché qui pouvait être une des conséquences des menées du diable et remettre en question la pratique religieuse. D’ailleurs, elle faisait partie des huit péchés capitaux jusqu’à ce qu’ils soient réduits à sept, avec Grégoire le Grand au VIe siècle, qui l’associe à la paresse.

ACÉDIE ET MÉLANCOLIE

Ainsi, jusqu’aux XIIIe-XIVe siècles l’acédie est d’abord religieuse, ensuite elle se laïcise, se « psychologise », elle se rapproche de la tristesse pour se confronter directement à sa grande rivale : la mélancolie. Il en résulte souvent une confusion entre ces deux termes qui restent indifférenciés chez beaucoup d’auteurs. En fait, l’acédie est la version religieuse et chrétienne de la mélancolie, car la première est romaine et latine, et la seconde est plutôt laïque, elle renvoie à la pensée grecque et surtout à la théorie des humeurs. De plus, deux grandes différences peuvent être identifiées avec la mélancolie : la première est qu’elle ne relève pas d’un trouble physiologique et donc médical, comme la prévalence d’une humeur. La seconde est qu’elle ne correspond pas à une compétence, même paradoxale, car le mélancolique a souvent été associé à l’homme de génie.

Ainsi, pour ceux qui la décrivent, la mélancolie a manifestement une origine, elle peut être imputée à une cause. Mais cette cause - en fait, une succession de causes - restera impossible à objectiver pour la simple et bonne raison que l’humeur noire n’a jamais pu être effritée entre le pouce et l’index, elle ne s’est jamais déposée au fond d’une éprouvette, elle échappe donc à toute observation. C’est ce qui fait qu’au cours des siècles l’explication humorale a progressivement perdu de sa pertinence.

Tout à l’inverse, le sang immédiatement présent, abondant et déjà bien chargé de symboles, tend à devenir prépondérant. C’est ainsi que l’hystérie, féminine, périodique et mystérieuse, s’est peu à peu substituée à la mélancolie dans l’imaginaire médical. Mais, là encore, comment passer du sang, et de sa dynamique, au symptôme ? Comment suivre le chemin que semble indiquer ce sang menstruel pour intégrer la sexualité et la reproduction dans la compréhension de ce que montrent ces femmes ? Un temps, il a été question d’« esprit », de « vapeurs », mais ces notions ont elles-mêmes été discréditées. Jean-Martin Charcot a tenté de relever le défi ; en bon neurologue, il a cherché à « expliquer » l’hystérie en empruntant le modèle de l’épilepsie sans emporter la conviction de ses contemporains. Enfin, en inventant la psychanalyse et en ouvrant la voie à l’émergence de la psychothérapie, Freud sonne le glas de l’hystérie qui, en tant que diagnostic, a quasiment disparu du champ de la clinique contemporaine.

Ainsi, notamment avec le XIXe siècle, ce qu’il en est d’une subjectivité de la souffrance, et de sa construction, s’impose peu à peu dans le discours médical. Que nous reste-t-il de cette succession de notions ?

D’abord, avec les siècles, leur superposition entraîne une manière de rivalité pour tout ce qui concerne ce qu’on appelle actuellement la dépression, le moins être et la difficile accordance avec la réalité. La mélancolie nous est restée, comme une lointaine survivance de la Grèce antique, et l’acédie a disparu de notre bagage culturel en même temps que l’exaltation du sacrifice des moines et des nonnes. Par exemple, en 1790, dans un petit texte intitulé « Réflexions médicales sur l’état monastique », Philippe Pinel justifie la fermeture des monastères en considérant qu’il s’agit là d’une mesure de salubrité publique face à ce qu’il considère être des foyers de folie ! Il ne craint pas d’affirmer : « …Un isolement éternel et sans espoir, la dure contrainte de tous les penchants du cœur portent dans l’âme le dégoût et l’amertume… La folie met souvent le comble au désordre de l’entendement et quel monastère qui n’en offre point chaque jour de malheureux exemples. »


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“De la couleur avant toute chose. Sept modèles de changement dans la dépression“. Claude Virot
“Comment ne plus déprimer. De la loyauté à la dépression“. Bruno Dubos
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“L’avenir de la psychothérapie en hypnose“. La rubrique Humeur de ce n° a été confiée à Stephen Lankton, rédacteur en chef de l’American Journal of Clinical Hypnosis. Il nous interroge sur « la preuve scientifique » et « le bon sens » dans le domaine de l’hypnose. Traduction d’Armelle Touyarot.

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Rédigé le 02/08/2018 à 14:30 | Lu 374 fois | 0 commentaire(s) modifié le 02/08/2018





Philippe AÏM
Hypnothérapeute, Psychiatre, Praticien en EMDR - IMO, Président de l'Institut Uthyl, responsable de... En savoir plus sur cet auteur

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