Psychopathologie fonctionnelle
Toute description d’un problème doit chercher à le faire décrire et à se représenter comment il fonctionne, indépendamment de la connaissance médicale. Ces patients, plutôt ces patientes, se plaignent principalement de douleurs ou de fatigue, la plupart du temps plutôt l’une que l’autre. Il est important d’avoir cette donnée car il est inutile de parler avec un patient de ce qui le gêne moins. Ensuite, il est utile de rechercher la gêne entraînée par le symptôme. Le travail est souvent impacté, mais aussi la vie personnelle et familiale. Quelle que soit la situation, la personne est touchée dans sa capacité à incarner des valeurs, que ce soit celle de travailleur, de parent, ou bien autre chose. L’exigence sociale actuelle d’épanouissement étant centrée sur le système de valeurs, cette personne qui ne peut plus être une bonne mère ne pourra plus jamais être épanouie et se sentira donc exclue de la normalité sociale. Au-delà des symptômes, la souffrance des maladies chroniques vient de là.
Face à cela, elle va lutter. Elle va lutter contre la douleur, contre la fatigue. Quelquefois, elle va lutter par l’hyperactivité pour ne plus penser à son problème, ce qui va l’épuiser encore plus. Elle va lutter en utilisant les ressources de la médecine allopathique, mais aussi celles des médecines douces et des guérisseurs. Pour les personnes que je rencontre, ces tentatives se sont faites en vain, ce qui n’est pas une vérité générale. En raison de l’absence de substrat organique, la tendance à se plaindre va être amplifiée et entraîner l’incompréhension et du rejet de la part des proches tout autant que des professionnels. Ceci va renforcer le désir de reconnaissance de la maladie qui, progressivement, va figer la communication sur un mode rigide, augmentant ainsi le rejet. Bien souvent le milieu médical va penser hystérie ou simulation. Peu importe que ce soit dit ou pas : ceci ne fait qu’augmenter la disqualification et le sentiment d’exclusion. Progressivement, celui-ci se construit, renforcé par les conséquences de l’incapacité professionnelle et les anticipations négatives que se font les proches et les employeurs.
Exclusion des idéaux sociaux, exclusion des projets sociaux professionnels et familiaux, incapacité à se faire comprendre vont progressivement amener le repli avant la phase finale qui est celle de l’abandon de toute lutte. Ce sentiment d’exclusion, cette déception, cette frustration vont s’accompagner, au-delà du syndrome polymyalgique diffus, de sensations coenesthésiques diverses à type d’oppression, de constrictions, que les patientes ont du mal à distinguer des autres sensations corporelles. Néanmoins, elles décrivent les efforts qu’elles font pour mieux respirer ou pour chasser ces sensations, efforts tout autant inutiles et qui ne font que renforcer encore un cercle vicieux corporel. Cette déception est d’autant plus forte que, bien souvent, l’histoire de vie de ces personnes peut se résumer par une attente déçue. Assez souvent, mais pas toujours, ces patientes ont commencé par donner pour être aimées et appréciées. Ceci a fait que les personnes vers lesquelles se tournaient ces demandes ont été amenées à pouvoir abuser de la situation et à demander encore plus, ne faisant qu’entretenir à leur tour le cercle vicieux.
Ces cercles vicieux de la plainte, du désir de reconnaissance, du désir d’être compris, des sensations corporelles coenesthésiques, vont devenir une prison. La plainte ne fonctionne pas, la reconnaissance n’arrive jamais pas plus que la compréhension, le corps ne s’apaise jamais : au total, le seul fruit de tous les efforts est la déception, la rancœur avant le lâcher- prise dépressif. Ceci m’amène à dire fréquemment que la fibromyalgie est la forme clinique corporelle de la dépression. Au-delà de l’amélioration obtenue par l’hypnose, aider ces personnes nécessitera de bloquer les cercles vicieux de ces tentatives de solutions inefficaces. En effet, l’amélioration peut amener à penser qu’il s’agissait bien de « cinéma » ; elle ne permettra donc pas d’être reconnue, comprise. Surtout, le cercle vicieux de donner plus pour recevoir plus va fonctionner à nouveau et nourrir à nouveau les mêmes conséquences.
Face à cela, elle va lutter. Elle va lutter contre la douleur, contre la fatigue. Quelquefois, elle va lutter par l’hyperactivité pour ne plus penser à son problème, ce qui va l’épuiser encore plus. Elle va lutter en utilisant les ressources de la médecine allopathique, mais aussi celles des médecines douces et des guérisseurs. Pour les personnes que je rencontre, ces tentatives se sont faites en vain, ce qui n’est pas une vérité générale. En raison de l’absence de substrat organique, la tendance à se plaindre va être amplifiée et entraîner l’incompréhension et du rejet de la part des proches tout autant que des professionnels. Ceci va renforcer le désir de reconnaissance de la maladie qui, progressivement, va figer la communication sur un mode rigide, augmentant ainsi le rejet. Bien souvent le milieu médical va penser hystérie ou simulation. Peu importe que ce soit dit ou pas : ceci ne fait qu’augmenter la disqualification et le sentiment d’exclusion. Progressivement, celui-ci se construit, renforcé par les conséquences de l’incapacité professionnelle et les anticipations négatives que se font les proches et les employeurs.
Exclusion des idéaux sociaux, exclusion des projets sociaux professionnels et familiaux, incapacité à se faire comprendre vont progressivement amener le repli avant la phase finale qui est celle de l’abandon de toute lutte. Ce sentiment d’exclusion, cette déception, cette frustration vont s’accompagner, au-delà du syndrome polymyalgique diffus, de sensations coenesthésiques diverses à type d’oppression, de constrictions, que les patientes ont du mal à distinguer des autres sensations corporelles. Néanmoins, elles décrivent les efforts qu’elles font pour mieux respirer ou pour chasser ces sensations, efforts tout autant inutiles et qui ne font que renforcer encore un cercle vicieux corporel. Cette déception est d’autant plus forte que, bien souvent, l’histoire de vie de ces personnes peut se résumer par une attente déçue. Assez souvent, mais pas toujours, ces patientes ont commencé par donner pour être aimées et appréciées. Ceci a fait que les personnes vers lesquelles se tournaient ces demandes ont été amenées à pouvoir abuser de la situation et à demander encore plus, ne faisant qu’entretenir à leur tour le cercle vicieux.
Ces cercles vicieux de la plainte, du désir de reconnaissance, du désir d’être compris, des sensations corporelles coenesthésiques, vont devenir une prison. La plainte ne fonctionne pas, la reconnaissance n’arrive jamais pas plus que la compréhension, le corps ne s’apaise jamais : au total, le seul fruit de tous les efforts est la déception, la rancœur avant le lâcher- prise dépressif. Ceci m’amène à dire fréquemment que la fibromyalgie est la forme clinique corporelle de la dépression. Au-delà de l’amélioration obtenue par l’hypnose, aider ces personnes nécessitera de bloquer les cercles vicieux de ces tentatives de solutions inefficaces. En effet, l’amélioration peut amener à penser qu’il s’agissait bien de « cinéma » ; elle ne permettra donc pas d’être reconnue, comprise. Surtout, le cercle vicieux de donner plus pour recevoir plus va fonctionner à nouveau et nourrir à nouveau les mêmes conséquences.
Alliance
Elle est à construire avant l’hypnose. Elle va se composer de la description des problèmes, de propositions utiles, avant de décrire les tentatives de solution les plus épuisantes. La reformulation de la description précise des symptômes est très importante.
- « Si je comprends bien, vous présentez cette maladie qui vous touche particulièrement par la fatigue. Cette fatigue vous empêche de travailler et d’être une bonne professionnelle ; elle vous empêche également d’être une bonne mère et une bonne épouse, ce qui est, si j’ai bien compris, le plus important pour vous et vous amène malgré tous vos efforts à vous sentir exclue, déçue et abandonnée. Est-ce que, ainsi, nous réussissons à décrire assez bien votre problème ?
- Oui. »
Quelques conseils
Bloquer un certain nombre de tentatives de solutions inefficaces peut se faire avec des moyens simples. Je fais ces propositions dans la première séance car il me semble qu’elles aident à construire l’alliance par leur simplicité et leur pertinence. Le mot fibromyalgie étant devenu un épouvantail, mieux vaut apprendre à dire : « Je souffre d’une maladie musculaire qui donne de la douleur et de la fatigue. » C’est compréhensible par tout le monde, assimilé intuitivement à des myopathies, ce qui amène beaucoup plus facilement des comportements de compassion et d’aide.
Etre malade ne donne aucun droit. Au contraire, l’état de maladie empêche l’entourage de vivre la vie dont il pourrait rêver : la patiente doit donc apprendre à s’excuser. « Excusez-moi, je comprends que je dérange votre vie. » L’absence d’anomalie physique évidente fait que l’entourage va assez rapidement oublier l’état de maladie. C’est une réaction normale : il est de la responsabilité de la patiente de ramener régulièrement cette information sans se sentir incomprise. Ces informations vont généralement diminuer la plainte, la revendication et le sentiment d’isolement. Les membres de l’entourage ont du mal à apprécier la douleur ou la fatigue. S’ils sont informés visuellement par un simple trait sur le bord du tableau- liste de courses, chacun sera immédiatement au courant de l’état de cette femme, même les enfants.
Comprendre le fonctionnement du problème
Une fois ces éléments établis, il nous faudra entrer plus avant dans le fonctionnement du problème.
- La cœnesthésie. Tout d’abord, la patiente devra apprendre à distinguer entre symptôme et souffrance. Si certaines sont capables de percevoir, à côté de la douleur et de la fatigue, les sensations anxieuses, le meilleur outil sera souvent de proposer la flèche du pire.
- « Combien de temps pensez-vous que votre époux va supporter cet état de choses ?
- Pas très longtemps, il m’a déjà menacée de partir.
- S’il part, quelle sorte de personne allez-vous devenir ?
- Ça sera terrible, je ne serai même pas capable de m’occuper des enfants. - Vous vous retrouverez donc toute seule, quasiment sans ressources, dans un logement minable ?
- Oui, c’est ça.
- Est-ce cela que vous ruminez souvent ?
- Oui !
- Qu’est-ce que ça vous fait à l’intérieur quand vous voyez tout ça ?
- Ça m’oppresse, là !
- Si je comprends bien, cette oppression est souvent là ?
- Oui.
- Dites-moi, s’il n’y avait plus cette sensation et que vous puissiez mieux
respirer, est-ce que ça aggraverait la fatigue ?
- Non !
- A votre avis, est-ce que ça rendrait les choses plus supportables ou moins supportables ?
- Plus supportables !
- Est-ce que ça serait d’accord que, dans un premier temps, sans oublier ce qui vous amène, nous puissions travailler dans ce sens, simplement rendre les choses plus supportables ? »
- La métaphore.
Pour la suite de l'article de ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves, cliquez ici
- « Si je comprends bien, vous présentez cette maladie qui vous touche particulièrement par la fatigue. Cette fatigue vous empêche de travailler et d’être une bonne professionnelle ; elle vous empêche également d’être une bonne mère et une bonne épouse, ce qui est, si j’ai bien compris, le plus important pour vous et vous amène malgré tous vos efforts à vous sentir exclue, déçue et abandonnée. Est-ce que, ainsi, nous réussissons à décrire assez bien votre problème ?
- Oui. »
Quelques conseils
Bloquer un certain nombre de tentatives de solutions inefficaces peut se faire avec des moyens simples. Je fais ces propositions dans la première séance car il me semble qu’elles aident à construire l’alliance par leur simplicité et leur pertinence. Le mot fibromyalgie étant devenu un épouvantail, mieux vaut apprendre à dire : « Je souffre d’une maladie musculaire qui donne de la douleur et de la fatigue. » C’est compréhensible par tout le monde, assimilé intuitivement à des myopathies, ce qui amène beaucoup plus facilement des comportements de compassion et d’aide.
Etre malade ne donne aucun droit. Au contraire, l’état de maladie empêche l’entourage de vivre la vie dont il pourrait rêver : la patiente doit donc apprendre à s’excuser. « Excusez-moi, je comprends que je dérange votre vie. » L’absence d’anomalie physique évidente fait que l’entourage va assez rapidement oublier l’état de maladie. C’est une réaction normale : il est de la responsabilité de la patiente de ramener régulièrement cette information sans se sentir incomprise. Ces informations vont généralement diminuer la plainte, la revendication et le sentiment d’isolement. Les membres de l’entourage ont du mal à apprécier la douleur ou la fatigue. S’ils sont informés visuellement par un simple trait sur le bord du tableau- liste de courses, chacun sera immédiatement au courant de l’état de cette femme, même les enfants.
Comprendre le fonctionnement du problème
Une fois ces éléments établis, il nous faudra entrer plus avant dans le fonctionnement du problème.
- La cœnesthésie. Tout d’abord, la patiente devra apprendre à distinguer entre symptôme et souffrance. Si certaines sont capables de percevoir, à côté de la douleur et de la fatigue, les sensations anxieuses, le meilleur outil sera souvent de proposer la flèche du pire.
- « Combien de temps pensez-vous que votre époux va supporter cet état de choses ?
- Pas très longtemps, il m’a déjà menacée de partir.
- S’il part, quelle sorte de personne allez-vous devenir ?
- Ça sera terrible, je ne serai même pas capable de m’occuper des enfants. - Vous vous retrouverez donc toute seule, quasiment sans ressources, dans un logement minable ?
- Oui, c’est ça.
- Est-ce cela que vous ruminez souvent ?
- Oui !
- Qu’est-ce que ça vous fait à l’intérieur quand vous voyez tout ça ?
- Ça m’oppresse, là !
- Si je comprends bien, cette oppression est souvent là ?
- Oui.
- Dites-moi, s’il n’y avait plus cette sensation et que vous puissiez mieux
respirer, est-ce que ça aggraverait la fatigue ?
- Non !
- A votre avis, est-ce que ça rendrait les choses plus supportables ou moins supportables ?
- Plus supportables !
- Est-ce que ça serait d’accord que, dans un premier temps, sans oublier ce qui vous amène, nous puissions travailler dans ce sens, simplement rendre les choses plus supportables ? »
- La métaphore.
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Dr Alain Vallée
Après une carrière de psychiatre hospitalier, il exerce maintenant comme psychothérapeute. Enseigne l’hypnose et les thérapies brèves dans plusieurs DU ainsi que dans divers instituts français et étrangers. Auteur de nombreux articles et d’un livre paru en 2017 : « Nouveau cours de TOS, dialogues et récits », éditions Satas, Bruxelles. Président de l’AREPTA - Institut Milton Erickson de Nantes.
Après une carrière de psychiatre hospitalier, il exerce maintenant comme psychothérapeute. Enseigne l’hypnose et les thérapies brèves dans plusieurs DU ainsi que dans divers instituts français et étrangers. Auteur de nombreux articles et d’un livre paru en 2017 : « Nouveau cours de TOS, dialogues et récits », éditions Satas, Bruxelles. Président de l’AREPTA - Institut Milton Erickson de Nantes.
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- Éditorial : De la douleur à la douceur ? M. Arnaud
- Fibromyalgie. A. Vallée
- Douleurs traumatiques. G. Chaboud
- Hypnose et recherche. A. Vanhaudenhuyse et M.-E. Faymonville
- Rééducation et hypnose. V. Monfort
- La présence. M. Galy
- Blessures de tennis. V. Dasle
- La douleur chronique. B. Dubos
- Mon banal de la douleur. A. Bioy
- Communication thérapeutique. E. Boselli
- Éditorial : P. Houssel
- Césarienne naturelle. F. Bernard
- Gant analgésique. X. Paqueron
- L’hypnose périopératoire. F. Roelants et C. Watremez
- Soins dentaires chez l’enfant. C. Martin
- Curiethérapie. E. Rigal
- Hypnose et anesthésie. F. Hamon
- Une conteuse au bloc opératoire. A. Khaled
- Aux Urgences. N. Guler et S. Weber
- Pédiatrie, dans un bloc opératoire. M. Marchal
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
- Éditorial : De la douleur à la douceur ? M. Arnaud
- Fibromyalgie. A. Vallée
- Douleurs traumatiques. G. Chaboud
- Hypnose et recherche. A. Vanhaudenhuyse et M.-E. Faymonville
- Rééducation et hypnose. V. Monfort
- La présence. M. Galy
- Blessures de tennis. V. Dasle
- La douleur chronique. B. Dubos
- Mon banal de la douleur. A. Bioy
- Communication thérapeutique. E. Boselli
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- Hypnose et anesthésie. F. Hamon
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