Milton Erickson a peu théorisé ou, pour le dire autrement, a laissé une perspective très ouverte qui rend possible, voire stimule la réflexion. Jean-Pierre Courtial, depuis de nombreuses années, a dirigé des thèses de Psychologie dans ce même esprit d’ouverture et, particulièrement, d’interculturalité. De quoi nous aider à attendre le prochain congrès mondial d’août prochain!
Qu’est-ce que l’état de transe ?
L’état de transe est souvent invoqué dans des contextes culturels différents, à propos de l’hypnose mais aussi du chamanisme, sans faire pour autant l’objet d’une définition rigoureuse. Bien que nous disposions de beaucoup d’observations à partir de l’imagerie cérébrale, celle-ci privilégie le patient (sujet isolé), alors que, en thérapie, la transe est un état relationnel, qui plus est pouvant faire intervenir des entités dites spirituelles. En simplifiant, la transe est le plus souvent définie en termes dissociatifs de rupture par rapport à une situation relationnelle déterminée déstabilisant le patient (Erickson) ou, au contraire, d’état de résonance morphique induit par les neurones miroirs (Rossi).
Nous disposons de témoignages de chamans (Beaugendre, 2014) décrivant l’état de transe comme induit par l’absorption d’une plante psychotrope (parfois dans un contexte dit de diète, la plante étant le seul aliment absorbé). Le chaman est alors dissocié de ses conduites instrumentales acquises, de sa mémoire autobiographique, au bénéfice d’états ressentis comme d’harmonie relationnelle avec l’environnement, définis comme liés à « l’esprit de la plante ». On constate en particulier que cette aptitude à la dissociation réassociation avec toutes les formes vivantes peut être durable, en dehors de l’absorption de plante. Une fois initié, le chaman est apte à percevoir les formes de vie/mort fondamentales caractéristiques d’un patient.
D’une induction hypnotique classique à une transe énergétique
La fin de vie peut également être un lieu privilégié d’observation d’états de transe spécifiques liés à l’état du corps. Un lien a été mis en évidence entre état de conscience et niveau de fonctionnement énergétique – au sens scientifique habituel – du cerveau. Par exemple, un véritable sentiment paradoxal d’être mort (syndrome de Cotard) peut être exprimé par un patient en rapport avec un fonctionnement énergétique du cerveau de faible intensité (Laureys, 2015).
Nous avons précisément le cas d’une personne très diminuée physiquement, mais accessible à des ressources profondes qu’un état de transe va permettre d’explorer. Cette personne avait de plus une activité sportive qui l’a amenée à gérer les rapports du corps et de l’esprit. Enfin, il lui est arrivé d’accompagner des non-voyants dans le cadre de sa pratique sportive, donc d’être attentif à un état relationnel de coordination gestuelle et verbale.
Voici le récit des séances effectué par le psychologue de l’équipe mobile soin de support :
L’unité de soins mobiles reçoit un appel téléphonique d’un médecin d’un service de médecine polyvalente des urgences (MPU). Un patient lui demande spontanément si le CHU propose de l’hypnose ou de la sophrologie. Il s’agit d’un patient de 66 ans immobilisé dans son lit. Il semble que de nombreuses vertèbres et cervicales soient fragilisées suite à un cancer. Le patient sait qu’il ne remarchera plus, mais espère pouvoir bénéficier d’un corset qui lui permettra de se tenir assis sans risquer la fracture d’une cervicale en C4-C5 (enjeu vital car C4 est en lien avec le diaphragme et la respiration).
Je décide de rencontrer le patient. Première rencontre : échange verbal pour bien définir la demande du patient et construire l’alliance. L’identification des ressources du patient révèle de nombreuses expériences de transe diverses au travers de ses loisirs et de son ancienne activité professionnelle. Il décrit notamment qu’il était guide pour aveugle lors de randonnées de ski de fond. A travers sa pratique sportive, il s’est intéressé au « mental », selon ses termes. Il a expérimenté la sophrologie, le reiki et l’auto-hypnose. Il tient à nous préciser qu’il utilise des fichiers audio MP3. Il les a enregistrés lui-même, inspiré de ses lectures de scripts d’autohypnose sur Internet. Il nous montre son téléphone sur lequel il a enregistré sa voix qui lit les scripts. Il nous précise qu’il aimerait bien retrouver cet état mental de la transe qui l’a déjà aidé, mais qu’aujourd’hui sa situation somatique l’empêche de trouver seul « ce chemin ». Il exprime le besoin d’être guidé par un « pro ». Il précise qu’il a la sensation « d’être éparpillé mentalement » par la maladie. Il a besoin d’être aidé pour rassembler son énergie et ses ressources : « J’aimerais que vous m’aidiez à faire que mon esprit retrouve cette sensation d’évasion et de liberté. »
Je procède à une induction simple : séance dans la chambre. Je lui propose de trouver dans la pièce un détail, un point, une forme ou une couleur qui le ressource. Il propose le bleu du ciel qu’il perçoit par la fenêtre.
Je lui propose d’observer ce bleu, « voire de ressentir ce que suggère le bleu du ciel (…) puis, dès que son esprit inconscient sera prêt, je lui propose d’observer sous ses paupières, les yeux fermés, à l’intérieur de lui, comment il voit et ressent ce bleu ». Le patient ferme spontanément les yeux et décrit la sensation d’être au bord de la mer bleue, le ciel bleu… Il précise la sensation d’être en voyage sur un bateau (…), de léger balancement qui lui évoque également la sensation de mouvement alternatif dans le ski de fond (…), ça balance légèrement (…), il ressent qu’il vogue vers le Canada. Après cette séquence, il décrit une émotion liée au fait que le Canada lui rappelle un ami important et le désir de reprendre contact avec « cette belle personne » qu’il a connue (…), elle a été son guide au Canada. Je termine la séance en lui suggérant d’observer comment cette belle sensation pourrait continuer, voire évoluer, dans la journée. Je repasserai demain pour partager ce qui a émergé de ce voyage vers le Canada. A demain !
Le lendemain, deuxième séance : séance dans la chambre, en présence de la compagne du patient. Il débute en précisant qu’il n’a pas eu le temps de pouvoir se poser pour revivre la transe. Il précise que « ça n’a pas arrêté de défiler toute la journée (…), les soins et les visites médicales ». Il se sent éparpillé malgré la première séance. Rapidement, il tient à nous faire écouter sur son téléphone les fichiers audio qu’il avait enregistrés en auto-hypnose. Il nous fait écouter sa voix qui décrit les scripts. Il a nommé les fichiers « ma bulle rose », « mon sanctuaire », et surtout un fichier intitulé « mon guide spirituel ».
Qu’est-ce que l’état de transe ?
L’état de transe est souvent invoqué dans des contextes culturels différents, à propos de l’hypnose mais aussi du chamanisme, sans faire pour autant l’objet d’une définition rigoureuse. Bien que nous disposions de beaucoup d’observations à partir de l’imagerie cérébrale, celle-ci privilégie le patient (sujet isolé), alors que, en thérapie, la transe est un état relationnel, qui plus est pouvant faire intervenir des entités dites spirituelles. En simplifiant, la transe est le plus souvent définie en termes dissociatifs de rupture par rapport à une situation relationnelle déterminée déstabilisant le patient (Erickson) ou, au contraire, d’état de résonance morphique induit par les neurones miroirs (Rossi).
Nous disposons de témoignages de chamans (Beaugendre, 2014) décrivant l’état de transe comme induit par l’absorption d’une plante psychotrope (parfois dans un contexte dit de diète, la plante étant le seul aliment absorbé). Le chaman est alors dissocié de ses conduites instrumentales acquises, de sa mémoire autobiographique, au bénéfice d’états ressentis comme d’harmonie relationnelle avec l’environnement, définis comme liés à « l’esprit de la plante ». On constate en particulier que cette aptitude à la dissociation réassociation avec toutes les formes vivantes peut être durable, en dehors de l’absorption de plante. Une fois initié, le chaman est apte à percevoir les formes de vie/mort fondamentales caractéristiques d’un patient.
D’une induction hypnotique classique à une transe énergétique
La fin de vie peut également être un lieu privilégié d’observation d’états de transe spécifiques liés à l’état du corps. Un lien a été mis en évidence entre état de conscience et niveau de fonctionnement énergétique – au sens scientifique habituel – du cerveau. Par exemple, un véritable sentiment paradoxal d’être mort (syndrome de Cotard) peut être exprimé par un patient en rapport avec un fonctionnement énergétique du cerveau de faible intensité (Laureys, 2015).
Nous avons précisément le cas d’une personne très diminuée physiquement, mais accessible à des ressources profondes qu’un état de transe va permettre d’explorer. Cette personne avait de plus une activité sportive qui l’a amenée à gérer les rapports du corps et de l’esprit. Enfin, il lui est arrivé d’accompagner des non-voyants dans le cadre de sa pratique sportive, donc d’être attentif à un état relationnel de coordination gestuelle et verbale.
Voici le récit des séances effectué par le psychologue de l’équipe mobile soin de support :
L’unité de soins mobiles reçoit un appel téléphonique d’un médecin d’un service de médecine polyvalente des urgences (MPU). Un patient lui demande spontanément si le CHU propose de l’hypnose ou de la sophrologie. Il s’agit d’un patient de 66 ans immobilisé dans son lit. Il semble que de nombreuses vertèbres et cervicales soient fragilisées suite à un cancer. Le patient sait qu’il ne remarchera plus, mais espère pouvoir bénéficier d’un corset qui lui permettra de se tenir assis sans risquer la fracture d’une cervicale en C4-C5 (enjeu vital car C4 est en lien avec le diaphragme et la respiration).
Je décide de rencontrer le patient. Première rencontre : échange verbal pour bien définir la demande du patient et construire l’alliance. L’identification des ressources du patient révèle de nombreuses expériences de transe diverses au travers de ses loisirs et de son ancienne activité professionnelle. Il décrit notamment qu’il était guide pour aveugle lors de randonnées de ski de fond. A travers sa pratique sportive, il s’est intéressé au « mental », selon ses termes. Il a expérimenté la sophrologie, le reiki et l’auto-hypnose. Il tient à nous préciser qu’il utilise des fichiers audio MP3. Il les a enregistrés lui-même, inspiré de ses lectures de scripts d’autohypnose sur Internet. Il nous montre son téléphone sur lequel il a enregistré sa voix qui lit les scripts. Il nous précise qu’il aimerait bien retrouver cet état mental de la transe qui l’a déjà aidé, mais qu’aujourd’hui sa situation somatique l’empêche de trouver seul « ce chemin ». Il exprime le besoin d’être guidé par un « pro ». Il précise qu’il a la sensation « d’être éparpillé mentalement » par la maladie. Il a besoin d’être aidé pour rassembler son énergie et ses ressources : « J’aimerais que vous m’aidiez à faire que mon esprit retrouve cette sensation d’évasion et de liberté. »
Je procède à une induction simple : séance dans la chambre. Je lui propose de trouver dans la pièce un détail, un point, une forme ou une couleur qui le ressource. Il propose le bleu du ciel qu’il perçoit par la fenêtre.
Je lui propose d’observer ce bleu, « voire de ressentir ce que suggère le bleu du ciel (…) puis, dès que son esprit inconscient sera prêt, je lui propose d’observer sous ses paupières, les yeux fermés, à l’intérieur de lui, comment il voit et ressent ce bleu ». Le patient ferme spontanément les yeux et décrit la sensation d’être au bord de la mer bleue, le ciel bleu… Il précise la sensation d’être en voyage sur un bateau (…), de léger balancement qui lui évoque également la sensation de mouvement alternatif dans le ski de fond (…), ça balance légèrement (…), il ressent qu’il vogue vers le Canada. Après cette séquence, il décrit une émotion liée au fait que le Canada lui rappelle un ami important et le désir de reprendre contact avec « cette belle personne » qu’il a connue (…), elle a été son guide au Canada. Je termine la séance en lui suggérant d’observer comment cette belle sensation pourrait continuer, voire évoluer, dans la journée. Je repasserai demain pour partager ce qui a émergé de ce voyage vers le Canada. A demain !
Le lendemain, deuxième séance : séance dans la chambre, en présence de la compagne du patient. Il débute en précisant qu’il n’a pas eu le temps de pouvoir se poser pour revivre la transe. Il précise que « ça n’a pas arrêté de défiler toute la journée (…), les soins et les visites médicales ». Il se sent éparpillé malgré la première séance. Rapidement, il tient à nous faire écouter sur son téléphone les fichiers audio qu’il avait enregistrés en auto-hypnose. Il nous fait écouter sa voix qui décrit les scripts. Il a nommé les fichiers « ma bulle rose », « mon sanctuaire », et surtout un fichier intitulé « mon guide spirituel ».
Commandez ce numéro Hors-Série n°9 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves: “Hypnotiser: les techniques d'Induction"
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““Hors série n°9 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2015. “ C'est un numéro double de 196 pages. ““Thème : “Hypnotiser: techniques d'induction"
Hypnotiser, c’est « induire » la transe pour permettre la thérapie qui va suivre. L’hypnotisation et le travail thérapeutique sont bien deux temps séparés. Certains patients souhaitent inconsciemment la transe parce qu’ils savent en avoir besoin, mais leur esprit conscient s’y oppose. Ils vivent un conflit aigu entre leurs deux esprits. C’est notamment à ce type de sujets que s’adressent les techniques éricksoniennes de choc et de surprise, de confusion et de doubles liens. Grâce à elles, la transe apparaît rapidement.
Ce hors-série n°9 traite des multiples techniques qui permettent l’entrée en hypnose. Ses auteurs sont des hypnothérapeutes expérimentés : Yves Halfon, psychologue clinicien, Dominique Megglé, psychiatre, Thierry Servillat, psychiatre, Luc Farcy, psychiatre, Gaston Brosseau, psychologue, Delphine Provost, médecin anesthésiste, Christine Guilloux, psychothérapeute, Jean-Pierre Courtial, chercheur en psychologie, Pierre-Henri Garnier, psychologue clinicien, Laurent Gross, psychothérapeute, Isabelle Ignace, psychologue clinicienne, Kenton Kaiser, chirurgien dentiste, Xavier Penin, docteur en chirurgie dentaire, Francis Gajan, médecin généraliste.
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
““Hors série n°9 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2015. “ C'est un numéro double de 196 pages. ““Thème : “Hypnotiser: techniques d'induction"
Hypnotiser, c’est « induire » la transe pour permettre la thérapie qui va suivre. L’hypnotisation et le travail thérapeutique sont bien deux temps séparés. Certains patients souhaitent inconsciemment la transe parce qu’ils savent en avoir besoin, mais leur esprit conscient s’y oppose. Ils vivent un conflit aigu entre leurs deux esprits. C’est notamment à ce type de sujets que s’adressent les techniques éricksoniennes de choc et de surprise, de confusion et de doubles liens. Grâce à elles, la transe apparaît rapidement.
Ce hors-série n°9 traite des multiples techniques qui permettent l’entrée en hypnose. Ses auteurs sont des hypnothérapeutes expérimentés : Yves Halfon, psychologue clinicien, Dominique Megglé, psychiatre, Thierry Servillat, psychiatre, Luc Farcy, psychiatre, Gaston Brosseau, psychologue, Delphine Provost, médecin anesthésiste, Christine Guilloux, psychothérapeute, Jean-Pierre Courtial, chercheur en psychologie, Pierre-Henri Garnier, psychologue clinicien, Laurent Gross, psychothérapeute, Isabelle Ignace, psychologue clinicienne, Kenton Kaiser, chirurgien dentiste, Xavier Penin, docteur en chirurgie dentaire, Francis Gajan, médecin généraliste.
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