© Maya Vincent
La tyrannie du risque zéro
La peur est le souci principal invoqué dans de nombreuses consultations et présenté comme source de gêne voire de handicap dans la vie du patient. La demande est souvent explicite : « Je ne veux plus ressentir ça », avec la croyance que l’hypnose serait le remède magique pour y arriver. Or, la peur, comme chacune de nos émotions, est un signal corporel spontané, naturel et essentiel qui informe sur ce qui nous entoure afin de pouvoir s’y ajuster. Elle n’est qu’un mot que l’être humain utilise pour décrire une sensation. Un mot... les premières lettres d’une histoire que l’on se raconte : « Je suis devenue une peureuse », « je suis stupide d’avoir peur d’une aiguille, une vraie froussarde », « je suis un merdeux, une vraie larve tellement j’ai peur des autres », « sans ce médicament, je n’y arrive pas, la peur fait de moi un lâche »…
Dans ces histoires déficitaires, l’événement de vie qui génère la peur enferme la personne dans la passivité, une position victimaire qui l’empêche d’agir et d’être libre. Le coup porté à l’identité définit un monde étriqué où les événements de vie ont un potentiel traumatique puisque les besoins, disqualifiés par le récit que l’on fait de la peur, restent forcément silencieux. Que dire du rôle d’une société qui lisse les émotions jusqu’à les marginaliser et qui dans un autre temps utilise la stratégie du choc et l’épidémie de la peur pour gagner en audience, en popularité ou en pouvoir ? L’immédiateté, le virtuel, la technologie et l’utopie d’un con - trôle absolu transforment l’impossible en impuissance, empêchant de faire face à l’incertitude et la finitude des choses. Dans un monde où l’on ne prend plus le temps d’entrer en relation pour éprouver avec l’autre, les yeux rivés sur des écrans, nous courons tels des hamsters dans une roue qui tourne sans fin, cherchant un sens à un chemin sans direction. Figés dans la tyrannie du risque zéro, nous attendons souvent dans la plainte que le monde ou l’autre change, chassant nos émotions pourtant bienveillantes, dans l’illusion d’un monde sans douleur.
« On ne s’en sort jamais »
La tentation d’annuler ou de contrôler l’événement est bien là. Thomas avale un anxiolytique à chaque fois qu’il doit sortir... Céline ouvre son frigo quand la peur d’être seule l’envahit... Sophie se palpe régulièrement les seins depuis son cancer, à la moindre inquiétude elle appelle son médecin et demande un examen... ce qui la rassure quelques heures ou quelques jours...
- Sophie : « Je crois qu’on ne s’en sort jamais.
- Moi, naïvement : Du cancer ?
- Sophie : Non, de la peur ! »
« Gérer » la peur pour ne pas la traverser condamne à une répétition sans fin de tentatives de solutions pour éviter de ressentir. La pathologie s’installe avec la croyance qu’il est possible d’être un super-héros, anesthésié de toute peur, pouvant affronter n’importe quel danger étant donné ses super pouvoirs. La dissociation devient la seule option dans cette version-là de l’histoire. « Je serai courageux quand je n’aurai plus peur », me dit Thomas. Le double lien est terrifiant et la conclusion identitaire menaçante :
- Thomas : « J’ai l’impression de devoir choisir entre la tristesse ou la peur.
- Moi : La tristesse ?
- Thomas : Quand j’ai peur je suis déçu d’être moi.
- Moi : D’être toi ?
- Thomas :D’être un lâche… qui manque de courage, qui recule devant tout…
- Moi : Pourquoi penses-tu que tu manquerais de courage ?
- Thomas : Parce que j’ai peur. » Prisonnier de ce paradoxe, il n’a plus accès à l’évidence : c’est la peur qui convoque le courage. Pétrifié par la peur d’avoir peur, il évite le monde autant que possible, écrivant progressivement une histoire de plus en plus étroite où le réel se rétrécit à mesure que la mésestime de soi grandit, avec le regard de l’autre comme seule mise à jour possible...
Où avez-vous appris ça sur vous ?
Quand a commencé ce récit de vie où la peur fait problème ? Où a-ton appris que la peur était synonyme de « faible », « froussard », « merdeux » ou autres qualificatifs entendus dans les consultations ? Lorsque la peur nous traverse, quels sont les risques relationnels ? Avons-nous été libres de vivre nos émotions sans être menacés d’abandon ou de maltraitance ? Thomas quant à lui se souvient de sa première grande peur, la veille d’un examen de biologie, et du profond sentiment de solitude auquel se sont mêlées la honte et la peur de décevoir son père qui lui disait : « Tu ne dois pas avoir peur, il n’y a pas de raison. »
Sarah s’interdisait de dire à sa mère dépressive qu’elle avait peur pour ne pas l’attrister davantage. Jim avait bien retenu les recommandations de sa grand-mère qui lui disait de ne pas déranger ses parents très occupés avec ses inquiétudes non fondées. Vanessa s’est toujours dit que la vie était dangereuse puisque que sa mère ponctuait chaque phrase d’un « fais bien attention ». Marie ne met pas ses enfants à la garderie de l’école « parce que la gardienne est méchante comme un dragon, je ne veux pas qu’ils aient peur, ils ne savent pas se défendre »... Trop souvent les soignants font l’amalgame entre troubles de l’attachement et malveillance de la part des systèmes. Nombreux sont pourtant les témoignages teintés de bonnes intentions de la part des tiers qui bien malgré eux ont finalement appris aux patients à douter de leurs ressources, programmant la peur de la peur. La maman de Thomas lui proposera son tout premier Xanax pour lui donner du courage, infiltrant l’idée mortifère que ce dernier ne se trouve pas en lui...
« J’ai même eu peur de venir »
Nicolas : « Je suis rempli de peurs… peur de ce qui va arriver si c’est vrai, peur de la perdre… peur que ça se sache… peur de ce qu’on va dire… peur d’y penser… peur d’en parler… peur d’être là devant vous… qu’allez-vous penser de moi ? » Le thérapeute, cet autre, inconnu du patient, portera-t-il un regard critique sur sa manière de réagir, pour prononcer un diagnostic lourd de sens : « Vous êtes anxieux, vous êtes phobique, vous êtes hypocondriaque, paranoïaque, ou rassurez-vous juste hypersensible ? » Une vision linéaire qui a pour tradition de parler, raconter encore et encore le problème. Praticiens en hypnose, nous savons combien certains états de souffrance sont hypersuggestibles (1) nécessitant un emploi délicat des mots et des reformulations. Comment mobiliser les ressources nécessaires au chan - gement avec de telles étiquettes aussi inutiles que limitantes ?
- Violaine : « Je suis schizophrène à tendance paranoïaque.
- Moi : A quoi vous voyez ça ?
- Violaine : J’ai été hospitalisée plusieurs fois, à chaque fois on m’a dit que j’étais délirante. » Cette fascination pour l’histoire déficitaire prend patient et thérapeute au piège du paradoxe de l’aide : plus tu vas mal, plus je suis là pour toi. La résistance du patient, terme souvent utilisé par les soignants, est alors un indicateur puissant de la conviction du thérapeute en l’histoire dominante. Dans une approche coopérative elle nous informe sur notre posture thérapeutique et sur l’autonomie relationnelle (2) que le patient peut ou non (re)découvrir dans la rencontre.
Un soin sécure
Un attachement sécure est fait de liberté et de conviction. Un autre qui nous offre une protection, un espace affectif où l’on est libre d’éprouver. Ainsi nous pouvons prendre appui sur sa croyance en notre capacité à faire face à nos émotions et à s’ajuster aux événements de vie qui nous tombent dessus. La peur et la ressource sont deux faces d’une même médaille qui permettent de mettre un terme à ce qui ne convient pas, de se protéger du danger ou d’identifier ce qui nous manque. Ainsi dans cet esprit, la rencontre thérapeutique écrit une histoire alternative partagée, un script nouveau qui permet d’accéder à une vision digne de soi redéfinissant la peur comme une amie bienveillante qui vient parler des risques rencontrés dans nos paysages relationnels. Le patient est alors autorisé à se souvenir des histoires de résilience toujours présentes malgré tout.
La peur est le souci principal invoqué dans de nombreuses consultations et présenté comme source de gêne voire de handicap dans la vie du patient. La demande est souvent explicite : « Je ne veux plus ressentir ça », avec la croyance que l’hypnose serait le remède magique pour y arriver. Or, la peur, comme chacune de nos émotions, est un signal corporel spontané, naturel et essentiel qui informe sur ce qui nous entoure afin de pouvoir s’y ajuster. Elle n’est qu’un mot que l’être humain utilise pour décrire une sensation. Un mot... les premières lettres d’une histoire que l’on se raconte : « Je suis devenue une peureuse », « je suis stupide d’avoir peur d’une aiguille, une vraie froussarde », « je suis un merdeux, une vraie larve tellement j’ai peur des autres », « sans ce médicament, je n’y arrive pas, la peur fait de moi un lâche »…
Dans ces histoires déficitaires, l’événement de vie qui génère la peur enferme la personne dans la passivité, une position victimaire qui l’empêche d’agir et d’être libre. Le coup porté à l’identité définit un monde étriqué où les événements de vie ont un potentiel traumatique puisque les besoins, disqualifiés par le récit que l’on fait de la peur, restent forcément silencieux. Que dire du rôle d’une société qui lisse les émotions jusqu’à les marginaliser et qui dans un autre temps utilise la stratégie du choc et l’épidémie de la peur pour gagner en audience, en popularité ou en pouvoir ? L’immédiateté, le virtuel, la technologie et l’utopie d’un con - trôle absolu transforment l’impossible en impuissance, empêchant de faire face à l’incertitude et la finitude des choses. Dans un monde où l’on ne prend plus le temps d’entrer en relation pour éprouver avec l’autre, les yeux rivés sur des écrans, nous courons tels des hamsters dans une roue qui tourne sans fin, cherchant un sens à un chemin sans direction. Figés dans la tyrannie du risque zéro, nous attendons souvent dans la plainte que le monde ou l’autre change, chassant nos émotions pourtant bienveillantes, dans l’illusion d’un monde sans douleur.
« On ne s’en sort jamais »
La tentation d’annuler ou de contrôler l’événement est bien là. Thomas avale un anxiolytique à chaque fois qu’il doit sortir... Céline ouvre son frigo quand la peur d’être seule l’envahit... Sophie se palpe régulièrement les seins depuis son cancer, à la moindre inquiétude elle appelle son médecin et demande un examen... ce qui la rassure quelques heures ou quelques jours...
- Sophie : « Je crois qu’on ne s’en sort jamais.
- Moi, naïvement : Du cancer ?
- Sophie : Non, de la peur ! »
« Gérer » la peur pour ne pas la traverser condamne à une répétition sans fin de tentatives de solutions pour éviter de ressentir. La pathologie s’installe avec la croyance qu’il est possible d’être un super-héros, anesthésié de toute peur, pouvant affronter n’importe quel danger étant donné ses super pouvoirs. La dissociation devient la seule option dans cette version-là de l’histoire. « Je serai courageux quand je n’aurai plus peur », me dit Thomas. Le double lien est terrifiant et la conclusion identitaire menaçante :
- Thomas : « J’ai l’impression de devoir choisir entre la tristesse ou la peur.
- Moi : La tristesse ?
- Thomas : Quand j’ai peur je suis déçu d’être moi.
- Moi : D’être toi ?
- Thomas :D’être un lâche… qui manque de courage, qui recule devant tout…
- Moi : Pourquoi penses-tu que tu manquerais de courage ?
- Thomas : Parce que j’ai peur. » Prisonnier de ce paradoxe, il n’a plus accès à l’évidence : c’est la peur qui convoque le courage. Pétrifié par la peur d’avoir peur, il évite le monde autant que possible, écrivant progressivement une histoire de plus en plus étroite où le réel se rétrécit à mesure que la mésestime de soi grandit, avec le regard de l’autre comme seule mise à jour possible...
Où avez-vous appris ça sur vous ?
Quand a commencé ce récit de vie où la peur fait problème ? Où a-ton appris que la peur était synonyme de « faible », « froussard », « merdeux » ou autres qualificatifs entendus dans les consultations ? Lorsque la peur nous traverse, quels sont les risques relationnels ? Avons-nous été libres de vivre nos émotions sans être menacés d’abandon ou de maltraitance ? Thomas quant à lui se souvient de sa première grande peur, la veille d’un examen de biologie, et du profond sentiment de solitude auquel se sont mêlées la honte et la peur de décevoir son père qui lui disait : « Tu ne dois pas avoir peur, il n’y a pas de raison. »
Sarah s’interdisait de dire à sa mère dépressive qu’elle avait peur pour ne pas l’attrister davantage. Jim avait bien retenu les recommandations de sa grand-mère qui lui disait de ne pas déranger ses parents très occupés avec ses inquiétudes non fondées. Vanessa s’est toujours dit que la vie était dangereuse puisque que sa mère ponctuait chaque phrase d’un « fais bien attention ». Marie ne met pas ses enfants à la garderie de l’école « parce que la gardienne est méchante comme un dragon, je ne veux pas qu’ils aient peur, ils ne savent pas se défendre »... Trop souvent les soignants font l’amalgame entre troubles de l’attachement et malveillance de la part des systèmes. Nombreux sont pourtant les témoignages teintés de bonnes intentions de la part des tiers qui bien malgré eux ont finalement appris aux patients à douter de leurs ressources, programmant la peur de la peur. La maman de Thomas lui proposera son tout premier Xanax pour lui donner du courage, infiltrant l’idée mortifère que ce dernier ne se trouve pas en lui...
« J’ai même eu peur de venir »
Nicolas : « Je suis rempli de peurs… peur de ce qui va arriver si c’est vrai, peur de la perdre… peur que ça se sache… peur de ce qu’on va dire… peur d’y penser… peur d’en parler… peur d’être là devant vous… qu’allez-vous penser de moi ? » Le thérapeute, cet autre, inconnu du patient, portera-t-il un regard critique sur sa manière de réagir, pour prononcer un diagnostic lourd de sens : « Vous êtes anxieux, vous êtes phobique, vous êtes hypocondriaque, paranoïaque, ou rassurez-vous juste hypersensible ? » Une vision linéaire qui a pour tradition de parler, raconter encore et encore le problème. Praticiens en hypnose, nous savons combien certains états de souffrance sont hypersuggestibles (1) nécessitant un emploi délicat des mots et des reformulations. Comment mobiliser les ressources nécessaires au chan - gement avec de telles étiquettes aussi inutiles que limitantes ?
- Violaine : « Je suis schizophrène à tendance paranoïaque.
- Moi : A quoi vous voyez ça ?
- Violaine : J’ai été hospitalisée plusieurs fois, à chaque fois on m’a dit que j’étais délirante. » Cette fascination pour l’histoire déficitaire prend patient et thérapeute au piège du paradoxe de l’aide : plus tu vas mal, plus je suis là pour toi. La résistance du patient, terme souvent utilisé par les soignants, est alors un indicateur puissant de la conviction du thérapeute en l’histoire dominante. Dans une approche coopérative elle nous informe sur notre posture thérapeutique et sur l’autonomie relationnelle (2) que le patient peut ou non (re)découvrir dans la rencontre.
Un soin sécure
Un attachement sécure est fait de liberté et de conviction. Un autre qui nous offre une protection, un espace affectif où l’on est libre d’éprouver. Ainsi nous pouvons prendre appui sur sa croyance en notre capacité à faire face à nos émotions et à s’ajuster aux événements de vie qui nous tombent dessus. La peur et la ressource sont deux faces d’une même médaille qui permettent de mettre un terme à ce qui ne convient pas, de se protéger du danger ou d’identifier ce qui nous manque. Ainsi dans cet esprit, la rencontre thérapeutique écrit une histoire alternative partagée, un script nouveau qui permet d’accéder à une vision digne de soi redéfinissant la peur comme une amie bienveillante qui vient parler des risques rencontrés dans nos paysages relationnels. Le patient est alors autorisé à se souvenir des histoires de résilience toujours présentes malgré tout.
La froussarde et la dresseuse de requins
Fabienne, 44 ans, consulte pour une phobie des aiguilles. Une extraction dentaire est prévue et la piqûre d’anesthésie la terrifie. Elle aimerait aussi faire un voyage humanitaire pour lequel des vaccins sont nécessaires. Elle nous dit dès les premières minutes de la rencontre que venir lui faisait peur... comme beaucoup de choses ces derniers temps, « je suis une froussarde ».
- Fabienne : « Je suis stupide d’avoir peur d’une aiguille.
- Thérapeute : Je crois au contraire que vous avez de bonnes raisons (3) d’avoir peur d’une aiguille.
- F. : J’ai peur depuis l’âge de 17 ans, j’ai subi une ponction ovarienne sans anesthésie.
- Th. : Si un photographe avait pris toute une série de photos de cet événement, laquelle vous fait le plus peur ?
- F. : Une énorme aiguille dans mon vagin.
- Th. : Pouvez-vous mettre cette photo sur ma main ?
- F. : (tremble, pleure) : ... Non, c’est trop dur, j’ai trop peur, je dois vraiment être folle, non ?
- Th. : (je retire ma main) : Trop dur, c’est où dans votre corps ?
- F. : Là (dans le bas-ventre).
- Th. : Là dans le bas-ventre, que ressentez-vous ?
- F. : De la colère... contre le gynéco.
- Th. : Concentrez-vous sur la sensation dans votre bas-ventre… peut-être déjà votre voix plus que la mienne “j’accepte cette sensation-là”... et suivez mes doigts avec vos yeux… qu’est-ce qui vient ? (4)
- F. : …
- Th. : En restant avec ce mieux que vous ressentez là, qu’est-ce que vous vous dites de différent sur votre peur ?
- F. : J’ai peur que le médecin ne m’écoute pas si je lui dis que j’ai mal.
- Th. : Restez avec ça et suivez mes doigts... qu’est-ce qui vient ?
- F. : Un mur, qu’est-ce que ça veut dire ?
- Th. : Un mur… restez avec ça et suivez mes doigts… qu’est-ce qui vient ?
- F. : Je ne sais pas, je vois ma combinaison de plongée.
- Th. : Restez avec ça, suivez mes doigts… qu’est-ce qui vient ?
- F. : Je cherche à me protéger ! (soupire)... (ancrage) (5).
- Th. : Je cherche à me protéger... c’est comment dans votre corps ?
- F. : (se redresse) : C’est calme (ancrage).
- Th. : En restant connectée à ce que vous venez de découvrir sur vous, tout à l’heure quand vous avez décidé de ne pas regarder ma main, à quoi vous avez donné de l’importance ?
- F. : Je me suis respectée ! (sourire)... (ancrage).
- Th. : Le respect, c’est important pour vous ?
- F. : Oui ! (ancrage).
- Th. : Ce oui, il est où dans votre corps ?
- F. : Là (plexus)... (ancrage).
- Th. : Focalisez-vous sur cet endroit, quelle personne nous rejoint, là ? Suivez mes doigts avec vos yeux...
- F. : Isabella (ancrage).
- Th. : Qu’est-ce qu’elle nous dit ?
- F. : Que je peux dire non… que je sais dire non (sourire). » Consentir à la peur, la normaliser sans la banaliser permet à la patiente de redonner du sens à ses actions et l’informe sur ses besoins et ses valeurs.
Accepter ce qu’elle ressent réconcilie peur et identité préférée en accédant à l’intention positive du signal corporel tant refusé. Le thérapeute doit être, dès les premiers instants, le garant de l’histoire alternative, en s’alliant aux ressources, convaincu que la résistance est l’une d’entre elles (6). La rencontre permet alors une expérience correctrice ouvrant sur une proposition nouvelle. « Je ne veux plus être victime de ma peur », me dit Fabienne à la séance suivante. Remise en mouvement, l’émotion rend curieux et invite théra - peute et patient aux conversations de désengagement (7). Il est important de préciser que des questions telles que « est-ce que cela me convient ? », « est-ce que cela me ressemble ? », portent sur les effets de la peur et non la peur elle-même. La patiente se désengage d’une histoire qui ne parle pas d’elle, d’un comportement non conforme à ce qui est important pour elle et de l’identité qui en découle.
- F. : « Je ne me reconnais pas, renoncer à ce projet de voyage, ce n’est pas moi !
- Th. : Ce monde que vous me décrivez, avec lequel vous n’êtes plus d’accord, quel nom lui donnez-vous ?
- F. : Le monde de la soumission, je suis comme une petite fille apeurée, je ne sais pas faire autrement. » N’osant pas la peur, vécue comme insupportable, Fabienne est dis - sociée de ses ressources et de sa capacité à traverser cette émotion. Elle n’est plus en contact avec les expériences de vie où elle a su faire face malgré tout, même modestement et ne perçoit pas l’appui du tiers sécure qui soutient ses compétences. Le thérapeute, veilleur d’espérance (8), reste vigilant devant l’histoire dominante qui tente de l’aspirer dans une perception déficitaire de l’autre.
Pour lire la suite de l’article et commander ce Hors-Série n°15 de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves
Fabienne, 44 ans, consulte pour une phobie des aiguilles. Une extraction dentaire est prévue et la piqûre d’anesthésie la terrifie. Elle aimerait aussi faire un voyage humanitaire pour lequel des vaccins sont nécessaires. Elle nous dit dès les premières minutes de la rencontre que venir lui faisait peur... comme beaucoup de choses ces derniers temps, « je suis une froussarde ».
- Fabienne : « Je suis stupide d’avoir peur d’une aiguille.
- Thérapeute : Je crois au contraire que vous avez de bonnes raisons (3) d’avoir peur d’une aiguille.
- F. : J’ai peur depuis l’âge de 17 ans, j’ai subi une ponction ovarienne sans anesthésie.
- Th. : Si un photographe avait pris toute une série de photos de cet événement, laquelle vous fait le plus peur ?
- F. : Une énorme aiguille dans mon vagin.
- Th. : Pouvez-vous mettre cette photo sur ma main ?
- F. : (tremble, pleure) : ... Non, c’est trop dur, j’ai trop peur, je dois vraiment être folle, non ?
- Th. : (je retire ma main) : Trop dur, c’est où dans votre corps ?
- F. : Là (dans le bas-ventre).
- Th. : Là dans le bas-ventre, que ressentez-vous ?
- F. : De la colère... contre le gynéco.
- Th. : Concentrez-vous sur la sensation dans votre bas-ventre… peut-être déjà votre voix plus que la mienne “j’accepte cette sensation-là”... et suivez mes doigts avec vos yeux… qu’est-ce qui vient ? (4)
- F. : …
- Th. : En restant avec ce mieux que vous ressentez là, qu’est-ce que vous vous dites de différent sur votre peur ?
- F. : J’ai peur que le médecin ne m’écoute pas si je lui dis que j’ai mal.
- Th. : Restez avec ça et suivez mes doigts... qu’est-ce qui vient ?
- F. : Un mur, qu’est-ce que ça veut dire ?
- Th. : Un mur… restez avec ça et suivez mes doigts… qu’est-ce qui vient ?
- F. : Je ne sais pas, je vois ma combinaison de plongée.
- Th. : Restez avec ça, suivez mes doigts… qu’est-ce qui vient ?
- F. : Je cherche à me protéger ! (soupire)... (ancrage) (5).
- Th. : Je cherche à me protéger... c’est comment dans votre corps ?
- F. : (se redresse) : C’est calme (ancrage).
- Th. : En restant connectée à ce que vous venez de découvrir sur vous, tout à l’heure quand vous avez décidé de ne pas regarder ma main, à quoi vous avez donné de l’importance ?
- F. : Je me suis respectée ! (sourire)... (ancrage).
- Th. : Le respect, c’est important pour vous ?
- F. : Oui ! (ancrage).
- Th. : Ce oui, il est où dans votre corps ?
- F. : Là (plexus)... (ancrage).
- Th. : Focalisez-vous sur cet endroit, quelle personne nous rejoint, là ? Suivez mes doigts avec vos yeux...
- F. : Isabella (ancrage).
- Th. : Qu’est-ce qu’elle nous dit ?
- F. : Que je peux dire non… que je sais dire non (sourire). » Consentir à la peur, la normaliser sans la banaliser permet à la patiente de redonner du sens à ses actions et l’informe sur ses besoins et ses valeurs.
Accepter ce qu’elle ressent réconcilie peur et identité préférée en accédant à l’intention positive du signal corporel tant refusé. Le thérapeute doit être, dès les premiers instants, le garant de l’histoire alternative, en s’alliant aux ressources, convaincu que la résistance est l’une d’entre elles (6). La rencontre permet alors une expérience correctrice ouvrant sur une proposition nouvelle. « Je ne veux plus être victime de ma peur », me dit Fabienne à la séance suivante. Remise en mouvement, l’émotion rend curieux et invite théra - peute et patient aux conversations de désengagement (7). Il est important de préciser que des questions telles que « est-ce que cela me convient ? », « est-ce que cela me ressemble ? », portent sur les effets de la peur et non la peur elle-même. La patiente se désengage d’une histoire qui ne parle pas d’elle, d’un comportement non conforme à ce qui est important pour elle et de l’identité qui en découle.
- F. : « Je ne me reconnais pas, renoncer à ce projet de voyage, ce n’est pas moi !
- Th. : Ce monde que vous me décrivez, avec lequel vous n’êtes plus d’accord, quel nom lui donnez-vous ?
- F. : Le monde de la soumission, je suis comme une petite fille apeurée, je ne sais pas faire autrement. » N’osant pas la peur, vécue comme insupportable, Fabienne est dis - sociée de ses ressources et de sa capacité à traverser cette émotion. Elle n’est plus en contact avec les expériences de vie où elle a su faire face malgré tout, même modestement et ne perçoit pas l’appui du tiers sécure qui soutient ses compétences. Le thérapeute, veilleur d’espérance (8), reste vigilant devant l’histoire dominante qui tente de l’aspirer dans une perception déficitaire de l’autre.
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VERA LIKAJ
Psychologue, praticienne en thérapies brèves, hypnose et mouvements alternatifs. Formatrice
à l’Espace du Possible, Tournai (Belgique). Intervenante au DU d’Hypnose médicale de Lille.
Enseignante en haute école, Bruxelles. Coauteure de Thérapies brèves plurielles : principes
et outils pratiques (Elsevier Masson) et Interventions et thérapies brèves : 12 stratégies concrètes
(Elsevier Masson).
à l’Espace du Possible, Tournai (Belgique). Intervenante au DU d’Hypnose médicale de Lille.
Enseignante en haute école, Bruxelles. Coauteure de Thérapies brèves plurielles : principes
et outils pratiques (Elsevier Masson) et Interventions et thérapies brèves : 12 stratégies concrètes
(Elsevier Masson).
Commandez le Hors-Série Peurs et Phobies n°15 de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves
Cet ouvrage de 228 pages permet de comprendre les contextes relationnels favorisant les peurs et les phobies. « Le thérapeute, souligne Julien Betbèze, rédacteur en chef, est invité à découvrir une clinique fine qui passe par la différenciation entre trauma et situation angoissante, entre angoisse d’anticipation sans trauma et angoisse d’anticipation post-traumatique. » Vera Likaj, coordinatrice de l’ouvrage, a pensé ce numéro dans une approche plurielle et collaborative : des outils différents, des sensibilités uniques dans des cliniques parfois bien singulières revisitant la peur avec des lunettes culturelles chaque fois nouvelles.
« J’invite le lecteur, nous dit-elle, à parcourir les articles avec l’œil de l’anthropologue, curieux et discret, s’émerveillant des différences qui viennent nourrir toutes nos rencontres thérapeutiques. »
Retrouvez les abstracts de la revue sur ce lien
Au sommaire :
- Editorial : Peurs et phobies. L’hypnose comme levier de changement. Julien Betbèze
- Editorial : Et l’insouciance dans tout ça ? Vera Likaj
- Peurs traumatiques, peurs anticipatoires. Eric Bardot
- Peurs et risques psychosociaux au travail. Maxime Bellego
- Phobies. Et autres peurs ancrées. Jean-Marc Benhaiem
- Angoisse et hypnose en gériatrie. Jérôme Bocquet
- La peur de soi dans le processus de guérison. Pascale Chami
- La contrainte comme levier de changement ? Olivier Cottencin
- Croyances et anxiété. Yves Doutrelugne
- Faire corps avec la peur. La clinique de l’étrange. Nathalie Lampole
- Du lâche au héros. Revenir doucement à soi-même. Vera Likaj
- La peur de la peur. Retrouver des sensations qui nous guident. Emmanuel Malphettes
- Thérapie brève des phobies. Courtes réflexions. Dominique Megglé
- Peurs à l’école. Emmanuelle Piquet
- L’hypnose, un outil de gestion des phobies. Que nous apprend la recherche ? Audrey Vanhaudenhuyse et Marie-Elisabeth Faymonville
- Addictions et anxiété. David Vergriete
Tous les Hors-Séries de la Revue sont commandables sur le site www.hypnose-therapie-breve.org
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- Editorial : Peurs et phobies. L’hypnose comme levier de changement. Julien Betbèze
- Editorial : Et l’insouciance dans tout ça ? Vera Likaj
- Peurs traumatiques, peurs anticipatoires. Eric Bardot
- Peurs et risques psychosociaux au travail. Maxime Bellego
- Phobies. Et autres peurs ancrées. Jean-Marc Benhaiem
- Angoisse et hypnose en gériatrie. Jérôme Bocquet
- La peur de soi dans le processus de guérison. Pascale Chami
- La contrainte comme levier de changement ? Olivier Cottencin
- Croyances et anxiété. Yves Doutrelugne
- Faire corps avec la peur. La clinique de l’étrange. Nathalie Lampole
- Du lâche au héros. Revenir doucement à soi-même. Vera Likaj
- La peur de la peur. Retrouver des sensations qui nous guident. Emmanuel Malphettes
- Thérapie brève des phobies. Courtes réflexions. Dominique Megglé
- Peurs à l’école. Emmanuelle Piquet
- L’hypnose, un outil de gestion des phobies. Que nous apprend la recherche ? Audrey Vanhaudenhuyse et Marie-Elisabeth Faymonville
- Addictions et anxiété. David Vergriete
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