Le travail avec les patientes anorexiques reste difficile et souvent décourageant devant les résistances, les rechutes nombreuses, voire les échecs.
Les réflexions qui vont suivre sont les fruits d’une dizaine d’années de recherche en prenant en compte les réussites et les échecs lors du travail avec l’hypnose. Si très vite nous avons pressenti la grande utilité de l’hypnose au coté des autres formes de thérapies proposées pour ces patientes, la place de la vidéo dans notre pratique quotidienne nous fut d’une grande aide.
OBSERVER LA JEUNE ANOREXIQUE
Le thérapeute est confronté dans la relation avec ces jeunes filles et leurs familles à des processus que nous connaissons bien lorsque nous travaillons avec l’hypnose : la focalisation de l’attention, la confusion.
La gravité de la situation, le caractère d’urgence, la pression familiale ou médicale, l’aspect parfois inquiétant ou très déstabilisant de ces patientes focalisent notre attention, réduisant notre capacité à prendre en compte le problème de façon globale et simple, là où peut se développer notre créativité thérapeutique.
Nous avons appris à écouter. Nous avons été, dans notre formation à la psychologie, entraînés à cela. Nous avons appris pendant toutes ces années de travail avec nos patientes, que l’écoute attentive des jeunes filles anorexiques et de leurs familles nous entraîne inexorablement dans leur complexité et dans leur propre confusion. Elles construisent, à travers leur « orientation à la réalité », une définition de leur histoire, les causes de leur problème, elles font beaucoup cas de leurs « états d’âmes », de leurs idées noires ou suicidaires parfois, des conflits avec leurs parents, de leur obsession de la maigreur etc.
Cela, repris par les médias et la littérature, semble avoir permis la suggestion pour nous, thérapeutes, que l’anorexie est un problème complexe, chronique, et selon un principe fondamental en psychologie, que chaque cas est particulier et unique. « Cette thérapie va être difficile et ardue, elle va durer longtemps, nous ne sommes pas au bout de nos peines etc. ». L’étude des bandes vidéo a mis en évidence que nous perdons trop souvent de vue un des fondamentaux du travail avec l’hypnose : L’OBSERVATION. Avant même d’écouter la patiente et sa famille, il convient d’observer en devenant momentanément « sourd »….. Et ce, dès la prise de contact dans la salle d’attente.
L’aspect général de la jeune anorexique
Toutes ces patientes ne nous donnent pas la même impression au moment du premier contact visuel. D’une façon schématique, certaines d’entre elles sont très en retrait, fermées au contact, d’autres au contraire sont souriantes et plutôt avenantes. Elles peuvent être habillées avec des vêtements simples très près du corps, sans recherche vestimentaire, sans maquillage. D’autres ont déjà tous les attributs de la féminité ou sont habillées avec des vêtements larges qui cachent leurs formes, ce que nous appelons « les tenues de camouflage ». Il convient d’être attentif à leur physionomie : certaines jeunes filles n’ont aucunes formes, pas de hanches, pas de poitrine, pas de fesses. D’autres, au contraire, même si elles sont trop maigres, gardent d’une façon étonnante et presque sélective, des formes très féminines, la silhouette est bien marquée, les seins sont bien présents et le visage semble épargné par l’amaigrissement. Ces attributs féminins se retrouvent dans leur démarche. Certaines anorexiques en revanche sont « raides » avec le bassin bloqué leur donnant une démarche très particulière « à petit pas », alors que d’autres à l’inverse ont gardé une très bonne mobilité des hanches leur donnant une démarche féminine.
Le contact avec le thérapeute
Nous attachons beaucoup d’importance à cette notion car elle détermine en partie l’approche relationnelle pour le travail avec l’hypnose. Certaines anorexiques restent très à distance. Le contact physique (tendre la main pour dire bonjour par exemple) est très difficile voire impossible. Leur distance relationnelle est très grande. D’autres, à l’inverse, sont en grande proximité, elles se laissent facilement approcher et peuvent même parfois être d’emblée dans une relation de séduction.
Observer les dissociations
Toutes ces jeunes filles, quelque soit l’étape du processus anorexique, sont dans un état de dissociation qui s’inscrit à plusieurs niveaux. Le plus évident est la dissociation entre l’esprit d’un côté qui reste vif et le corps qui reste absent des préoccupations ou qui est au contraire rejeté car trop gros. Il existe classiquement un surinvestissement des fonctions intellectuelles sauf dans les cas de dénutrition majeure. Nous avons déjà signalé combien ces jeunes filles, dans la relation thérapeutique, insistent sur leurs « états d’âme », sur leurs préoccupations « intellectualisées » autour de leur poids, de la relation aux parents etc.
Il existe d’autres niveaux de dissociation qu’il convient d’observer attentivement car ils pèsent sur les stratégies thérapeutiques. D’une façon ordinaire, nous pouvons considérer que les sensations corporelles (surface de la peau, sensation interne de chaleur ou de froid) sont comme « accrochées » à des réponses émotionnelles accompagnées d’un vécu agréable ou désagréable. Chez ces jeunes filles, il est remarquable de constater, pour peu que nous prenions le temps de l’explorer, qu’il existe des zones de la surface du corps qui, soit ne déclenchent aucun ressenti, comme si ces endroits étaient « anesthésiés », soit provoque un ressenti très nettement agréable ou franchement désagréable. Il est fréquent, dès que le lien thérapeutique est installé, de demander à ces jeunes filles de « tes ter » leurs sensations avec de l’eau chaude lors de la douche et d’établir une carte détaillée de la surface de leur corps en relevant les zones neutres, agréables ou désagréables.
Au delà de l’intérêt immédiatement thérapeutique d’aider ces patientes à se recentrer sur leur corps, ces cartographies se sont avérées être toutes semblables en correspondance avec la physionomie de ces jeunes filles.
Les anorexiques sans aucune féminité sont le plus souvent anesthésiées sur une grande partie de leur corps avec parfois quelques sensations désagréables sur les zones sexuelles (seins, hanches, pubis, intérieurs des cuisses). Les jeunes filles anorexiques à la féminité plus affirmée sont beaucoup plus rarement anesthésiées. Il existe des sensations très agréables sur toutes les zones non connotées sexuellement, ces dernières donnant des sensations franchement désagréables.
Dissociation et âge clandestin
Avant même d’écouter parler nos patientes, l’observation lors du premier contact met en évidence un autre niveau de dissociation. Si dans leur vie quotidienne, toutes ces jeunes filles revendiquent leur statut d’adulte, nous observons bien autre chose : des adolescentes voire des toutes petites filles, dans leur gestuelle, leurs attitudes, ou bien nous pouvons avoir l’impression d’être en relation avec des femmes très âgées. La prise en compte d’un âge émotionnel différent de l’âge officiel est fondamentale pour le travail avec l’hypnose, et donne un éclairage sur le processus dans lequel ces jeunes filles sont installées.
Les réflexions qui vont suivre sont les fruits d’une dizaine d’années de recherche en prenant en compte les réussites et les échecs lors du travail avec l’hypnose. Si très vite nous avons pressenti la grande utilité de l’hypnose au coté des autres formes de thérapies proposées pour ces patientes, la place de la vidéo dans notre pratique quotidienne nous fut d’une grande aide.
OBSERVER LA JEUNE ANOREXIQUE
Le thérapeute est confronté dans la relation avec ces jeunes filles et leurs familles à des processus que nous connaissons bien lorsque nous travaillons avec l’hypnose : la focalisation de l’attention, la confusion.
La gravité de la situation, le caractère d’urgence, la pression familiale ou médicale, l’aspect parfois inquiétant ou très déstabilisant de ces patientes focalisent notre attention, réduisant notre capacité à prendre en compte le problème de façon globale et simple, là où peut se développer notre créativité thérapeutique.
Nous avons appris à écouter. Nous avons été, dans notre formation à la psychologie, entraînés à cela. Nous avons appris pendant toutes ces années de travail avec nos patientes, que l’écoute attentive des jeunes filles anorexiques et de leurs familles nous entraîne inexorablement dans leur complexité et dans leur propre confusion. Elles construisent, à travers leur « orientation à la réalité », une définition de leur histoire, les causes de leur problème, elles font beaucoup cas de leurs « états d’âmes », de leurs idées noires ou suicidaires parfois, des conflits avec leurs parents, de leur obsession de la maigreur etc.
Cela, repris par les médias et la littérature, semble avoir permis la suggestion pour nous, thérapeutes, que l’anorexie est un problème complexe, chronique, et selon un principe fondamental en psychologie, que chaque cas est particulier et unique. « Cette thérapie va être difficile et ardue, elle va durer longtemps, nous ne sommes pas au bout de nos peines etc. ». L’étude des bandes vidéo a mis en évidence que nous perdons trop souvent de vue un des fondamentaux du travail avec l’hypnose : L’OBSERVATION. Avant même d’écouter la patiente et sa famille, il convient d’observer en devenant momentanément « sourd »….. Et ce, dès la prise de contact dans la salle d’attente.
L’aspect général de la jeune anorexique
Toutes ces patientes ne nous donnent pas la même impression au moment du premier contact visuel. D’une façon schématique, certaines d’entre elles sont très en retrait, fermées au contact, d’autres au contraire sont souriantes et plutôt avenantes. Elles peuvent être habillées avec des vêtements simples très près du corps, sans recherche vestimentaire, sans maquillage. D’autres ont déjà tous les attributs de la féminité ou sont habillées avec des vêtements larges qui cachent leurs formes, ce que nous appelons « les tenues de camouflage ». Il convient d’être attentif à leur physionomie : certaines jeunes filles n’ont aucunes formes, pas de hanches, pas de poitrine, pas de fesses. D’autres, au contraire, même si elles sont trop maigres, gardent d’une façon étonnante et presque sélective, des formes très féminines, la silhouette est bien marquée, les seins sont bien présents et le visage semble épargné par l’amaigrissement. Ces attributs féminins se retrouvent dans leur démarche. Certaines anorexiques en revanche sont « raides » avec le bassin bloqué leur donnant une démarche très particulière « à petit pas », alors que d’autres à l’inverse ont gardé une très bonne mobilité des hanches leur donnant une démarche féminine.
Le contact avec le thérapeute
Nous attachons beaucoup d’importance à cette notion car elle détermine en partie l’approche relationnelle pour le travail avec l’hypnose. Certaines anorexiques restent très à distance. Le contact physique (tendre la main pour dire bonjour par exemple) est très difficile voire impossible. Leur distance relationnelle est très grande. D’autres, à l’inverse, sont en grande proximité, elles se laissent facilement approcher et peuvent même parfois être d’emblée dans une relation de séduction.
Observer les dissociations
Toutes ces jeunes filles, quelque soit l’étape du processus anorexique, sont dans un état de dissociation qui s’inscrit à plusieurs niveaux. Le plus évident est la dissociation entre l’esprit d’un côté qui reste vif et le corps qui reste absent des préoccupations ou qui est au contraire rejeté car trop gros. Il existe classiquement un surinvestissement des fonctions intellectuelles sauf dans les cas de dénutrition majeure. Nous avons déjà signalé combien ces jeunes filles, dans la relation thérapeutique, insistent sur leurs « états d’âme », sur leurs préoccupations « intellectualisées » autour de leur poids, de la relation aux parents etc.
Il existe d’autres niveaux de dissociation qu’il convient d’observer attentivement car ils pèsent sur les stratégies thérapeutiques. D’une façon ordinaire, nous pouvons considérer que les sensations corporelles (surface de la peau, sensation interne de chaleur ou de froid) sont comme « accrochées » à des réponses émotionnelles accompagnées d’un vécu agréable ou désagréable. Chez ces jeunes filles, il est remarquable de constater, pour peu que nous prenions le temps de l’explorer, qu’il existe des zones de la surface du corps qui, soit ne déclenchent aucun ressenti, comme si ces endroits étaient « anesthésiés », soit provoque un ressenti très nettement agréable ou franchement désagréable. Il est fréquent, dès que le lien thérapeutique est installé, de demander à ces jeunes filles de « tes ter » leurs sensations avec de l’eau chaude lors de la douche et d’établir une carte détaillée de la surface de leur corps en relevant les zones neutres, agréables ou désagréables.
Au delà de l’intérêt immédiatement thérapeutique d’aider ces patientes à se recentrer sur leur corps, ces cartographies se sont avérées être toutes semblables en correspondance avec la physionomie de ces jeunes filles.
Les anorexiques sans aucune féminité sont le plus souvent anesthésiées sur une grande partie de leur corps avec parfois quelques sensations désagréables sur les zones sexuelles (seins, hanches, pubis, intérieurs des cuisses). Les jeunes filles anorexiques à la féminité plus affirmée sont beaucoup plus rarement anesthésiées. Il existe des sensations très agréables sur toutes les zones non connotées sexuellement, ces dernières donnant des sensations franchement désagréables.
Dissociation et âge clandestin
Avant même d’écouter parler nos patientes, l’observation lors du premier contact met en évidence un autre niveau de dissociation. Si dans leur vie quotidienne, toutes ces jeunes filles revendiquent leur statut d’adulte, nous observons bien autre chose : des adolescentes voire des toutes petites filles, dans leur gestuelle, leurs attitudes, ou bien nous pouvons avoir l’impression d’être en relation avec des femmes très âgées. La prise en compte d’un âge émotionnel différent de l’âge officiel est fondamentale pour le travail avec l’hypnose, et donne un éclairage sur le processus dans lequel ces jeunes filles sont installées.
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Sophie TOURNOUËR
Hypnothérapeute, Thérapie EMDR, Thérapies Brèves Orientées Solution, Psychologue.
Exerce dans le Cabinet d'Hypnose, Thérapies Brèves et EMDR de Paris 11.
Chargée de Formation au CHTIP à Paris, à l’Institut Hypnotim à Marseille
Rédactrice web de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
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Hypnothérapeute, Thérapie EMDR, Thérapies Brèves Orientées Solution, Psychologue.
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Rédactrice web de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
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