Fils de médecin professeur d’hygiène , Marcel Proust a, dès l’enfance, une santé vulnérable, jalonnée par des crises d’asthme. Souvent alité et enfermé au milieu du brouillard des fumigations comme dans l’Arche de Noé, il écrit dans Les plaisirs et les jours : « Les malades se sentent plus près de leur âme (…) Je fus souvent malade, et pendant de longs jours, je dus rester aussi dans « l’arche ». Je compris alors que jamais Noé ne pût si bien voir le monde que de l’arche, malgré qu’elle fût close et qu’il fit nuit sur la terre. »
Son parcours étudiant à travers les lettres et la philosophie le conduit à la Sorbonne, où il suit les cours d’Henri Bergson qui vient de publier son Essai sur les données immédiates de la conscience. De ce « retour conscient et réfléchi aux données de l’intuition » où l’intuition de la durée est le centre d’une proposition philosophique qui se fond dans un « élan vital », il retient désormais que « la permanence et la durée ne sont promises à rien, pas même à la douleur », et que « les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus ».
Comment alors faire resurgir ce qui n’est plus, si ce n’est par l’écriture ? Ainsi, dès sa jeunesse, dans Chroniques, il a énoncé que « seule la métaphore peut donner une sorte d’éternité au style ». Et c’est justement la grande métaphore proustienne qui peut métamorphoser à son tour le lecteur pour le conduire, à travers cette induction si particulière, vers un état de transe active et encore plus riche que celle habituellement nourrie par toute autre lecture. Bien plus, en se tournant vers Du côté de chez Swann, l’épisode célèbre de la « petite madeleine » se révèle même comme le déroulement d’un véritable exercice d’auto-hypnose.
Car s’y réunissent en particulier l’anamnèse, l’ouverture et l’utilisation des cinq sens (VAKOG) et des synesthésies, la résistance et le lâcher prise, les innombrables verbes mobilisateurs, l’évidente distorsion du temps et, de façon nommément exprimée, le processus dynamique d’expansion de la conscience. Laissez-vous donc aller à goûter ou regoûter quelques morceaux choisis de ce « petit coquillage de pâtisserie si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot ».
« Un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre (…) un peu de thé (…). Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines (…). Et bientôt, machinalement (…), je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, (…), sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. (…) D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? (…) Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui mais en moi. Il l’y a éveillée mais ne la connaît pas (…) Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? (…)
Son parcours étudiant à travers les lettres et la philosophie le conduit à la Sorbonne, où il suit les cours d’Henri Bergson qui vient de publier son Essai sur les données immédiates de la conscience. De ce « retour conscient et réfléchi aux données de l’intuition » où l’intuition de la durée est le centre d’une proposition philosophique qui se fond dans un « élan vital », il retient désormais que « la permanence et la durée ne sont promises à rien, pas même à la douleur », et que « les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus ».
Comment alors faire resurgir ce qui n’est plus, si ce n’est par l’écriture ? Ainsi, dès sa jeunesse, dans Chroniques, il a énoncé que « seule la métaphore peut donner une sorte d’éternité au style ». Et c’est justement la grande métaphore proustienne qui peut métamorphoser à son tour le lecteur pour le conduire, à travers cette induction si particulière, vers un état de transe active et encore plus riche que celle habituellement nourrie par toute autre lecture. Bien plus, en se tournant vers Du côté de chez Swann, l’épisode célèbre de la « petite madeleine » se révèle même comme le déroulement d’un véritable exercice d’auto-hypnose.
Car s’y réunissent en particulier l’anamnèse, l’ouverture et l’utilisation des cinq sens (VAKOG) et des synesthésies, la résistance et le lâcher prise, les innombrables verbes mobilisateurs, l’évidente distorsion du temps et, de façon nommément exprimée, le processus dynamique d’expansion de la conscience. Laissez-vous donc aller à goûter ou regoûter quelques morceaux choisis de ce « petit coquillage de pâtisserie si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot ».
« Un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre (…) un peu de thé (…). Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines (…). Et bientôt, machinalement (…), je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, (…), sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. (…) D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? (…) Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui mais en moi. Il l’y a éveillée mais ne la connaît pas (…) Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? (…)
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Ce hors-série traite des multiples visages de la douleur et explore les ressources créatives des patients et des thérapeutes.
Edito :“Mille douleurs“ Thierry Servillat
“Aide à l’accouchement“. Une hypnose extemporanée. Yves Halfon.
“Urgences en souffrances“. Les sphères de l’antalgie. Franck Garden-Brèche
“L’hypnose du dentiste“. D’abord pour le soignant ! Kenton Kaiser
“Après la torture“. Une hypnose hors du commun. Emmanuel Héau.
“Chirurgie carcinologique du sein“. Bénéfices hypnotiques. Fabienne Roelants et Christine Watremez
“En mode existentiel“. Témoignage auto-hypnotique. Sophie Cohen
“Douleur chronique“. Une ignorance qui structure. Antoine Bioy
Hypno-photomontage. Pierre-Henri Garnier
Coïncidences : “Les madeleines ou le secret du monde“ Jean-Pierre Meyzer
Humeur : “Avant de partir pour Terra Hypnosia“ Imelda Schwartz Haehnel
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
Ce hors-série traite des multiples visages de la douleur et explore les ressources créatives des patients et des thérapeutes.
Edito :“Mille douleurs“ Thierry Servillat
“Aide à l’accouchement“. Une hypnose extemporanée. Yves Halfon.
“Urgences en souffrances“. Les sphères de l’antalgie. Franck Garden-Brèche
“L’hypnose du dentiste“. D’abord pour le soignant ! Kenton Kaiser
“Après la torture“. Une hypnose hors du commun. Emmanuel Héau.
“Chirurgie carcinologique du sein“. Bénéfices hypnotiques. Fabienne Roelants et Christine Watremez
“En mode existentiel“. Témoignage auto-hypnotique. Sophie Cohen
“Douleur chronique“. Une ignorance qui structure. Antoine Bioy
Hypno-photomontage. Pierre-Henri Garnier
Coïncidences : “Les madeleines ou le secret du monde“ Jean-Pierre Meyzer
Humeur : “Avant de partir pour Terra Hypnosia“ Imelda Schwartz Haehnel
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