Trouble du comportement à l’adolescence. Arnaud Zeman.


Mon activité de psychologue se déroule
au quotidien dans un ITEP, un Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique pour des adolescents en grande difficulté avec ce qui relève du scolaire et ayant ce que l’on appelle
« des troubles du comportement ».



Les troubles du comportement sont tous les actes que font ces jeunes qui ne sont pas attendus d’eux et, par conséquent, troublent l’ordre public et rendent difficiles les processus de socialisation, ainsi que les processus relationnels. Cela va de la provocation de collégien en classe aux actes délinquants, en passant par les insultes, les menaces, les actes de transgression, etc. Autrement dit, ce sont des jeunes qui ont des relations aux autres perturbées et perturbantes. Travailler avec des adolescents qui présentent ce genre de troubles signifie travailler sur la relation. L’attention dans ce texte sera portée sur les implications des dissonances relationnelles, voire de conflits ouverts, entre parents et enfants et notamment sur les difficultés de construction chez ces adolescents d’une autonomie relationnelle.

Tout d’abord, une présentation sera faite du contexte d’apparition des troubles du comportement chez l’adolescent et les processus relationnels dans lesquels parents et enfants se situent. Ensuite, des pistes d’explication ainsi que des conséquences qu’un tel processus génère. Enfin, la démarche thérapeutique sera présentée en se concentrant sur la question de l’alliance avec les adolescents, sur l’approche solutionniste et sur le travail avec l’hypnose.
Les questions sont les suivantes :

• Quels sont les processus dans lesquels ces jeunes sont pris ?

• Du fait de leurs modalités relationnelles, dans quelles impasses entrent-ils ?

• Quelles sont les possibilités de dégagement qui s’offrent à eux ?
• Quelles thérapies pour ces adolescents ?

1- CONTEXTE. Rapport de force entre parents et adolescents

L’adolescence est une étape qui peut s’avérer difficile, voire douloureuse, dans ce passage de l’âge de l’enfance à celui de l’âge adulte. L’enfant se caractérise par un besoin de protection lié à une dépendance vis-à-vis des parents, celle de l’âge adulte par la capacité à l’indépendance, à exercer des choix en responsabilité. L’adolescent, on le sait, est pris dans un double mouvement, celui d’une demande de protection associée à une demande d’indépendance. Cette double demande parasite les échanges entre adolescents et parents et sont la source de conflits.
Lorsque l’enfant présente des troubles du comportement, ce contexte conflictuel va se muer en un rapport de force. Celui-ci se situe sur le registre de la rhétorique guerrière : il s’organise en deux camps séparés et opposés, avec la recherche réciproque d’un gagnant et d’un perdant. C’est la lutte et l’escalade réciproques. Le parent va vouloir obtenir par différents moyens (y compris des moyens coercitifs) le comportement attendu de l’enfant. L’enfant, de son côté, bien en difficulté pour satisfaire cette demande du parent, va perdre une partie de la confiance qu’il accordait à son parent. Des deux côtés, la confiance va s’émousser, s’étioler, se désagréger, jusqu’à laisser place à la méfiance. D’une confiance mutuelle nécessaire au développement de l’enfant, la relation parent-enfant va passer à une méfiance mutuelle. Les propos et les actes de l’enfant vont être perçus et compris par le parent comme constituant des intentions agressives envers lui. En retour, les messages du parent vont être perçus d’une manière identique par l’enfant. Parents et enfants ne perçoivent alors plus l’intention positive portée par les actions et les propos de l’autre. Ils entrent dans un processus rivalitaire.
L’adolescent va se tourner vers des pairs, des jeunes qui se trouvent dans le même monde que lui, qui partagent les mêmes expériences, et qui en tirent (parfois intuitivement) les mêmes constats et les mêmes bénéfices. Ils vivent dans le même monde, dans le même système, et ils se comprennent, ils se rassurent, en se disant qu’ils ne sont pas seuls et incompris. L’adolescent partage avec eux la même vision du monde, il a les mêmes goûts (en nourriture, en musique, en jeux vidéo), les mêmes codes vestimentaires, le même langage, le même rythme de vie, etc. Il se sent également accepté pour ce qu’il est. Il se sent compris et valorisé dans ses choix et ses actions, même quand ces actions sont celles que son parent réprouve.
En réponse, les parents vont mettre en place un discours et un com- portement. Cela se traduit par des énoncés du type : « cesse d’avoir de mauvaises fréquentations », « arrête de faire des bêtises », « change de comportement », « les jeunes n’ont plus de respect », etc. Cette rhétorique du droit chemin va se mettre en place, soutenue généralement par les amis proches ou par d’autres parents, logique discursive qui se verra donc validée socialement.
L’adolescent a toute fois besoin d’un parent pour les outenir et pour l’aider à se construire. Il a besoin d’un tiers pour être validé dans ses actions et engager une nouvelle action. Le parent constitue ce tiers en position d’autorité qui permet que l’action de l’enfant soit validée. Cette validation confirme l’action, comme s’il disait « c’est OK, tu peux continuer ». A l’inverse, lorsque l’enfant n’est pas validé, il se trouve dans l’attente d’une validation de son action, il va hésiter, il va buter, et il se retrouve bloqué.

2 - Retrouver sa liberté et construire son autonomie

Dans un tel contexte, l’adolescent ne parvient pas à se construire, à se repérer dans ses choix et dans ses actions. Il perd alors en liberté et en autonomie. Autrement dit, il a du mal à percevoir le sens de ses actions tant il se perd dans cette version réductrice construite dans l’interaction avec son parent, celle de l’adolescent dont le comportement est inadapté et ne répond en rien aux attentes des parents et aux attentes sociales.

Dans un tel contexte, comment peut-il retrouver sa liberté, comment peut-il à nouveau redevenir maître et possesseur de ses actions et se les réapproprier ?

Une voie possible s’offre à l’adolescent : l’acte transgressif en lien avec ses copains, ceux qui lui ressemblent. Lorsqu’il effectue un acte transgressif, lorsqu’il fume, qu’il pénètre dans un lieu privé par infraction ou qu’il vole quelque chose, il est avec ses pairs, avec ses copains. Il agit comme ses copains et ils agissent comme lui. Il se sent alors en lien avec eux et il retrouve la reconnaissance qu’il cherchait et qui lui manquait. Autrement dit, il se réassocie par l’action dans sa relation à ses pairs. En effet, il trouve à travers les actes transgressifs la complicité dans le regard de ses copains. Il se sent validé dans ses actions et dans son identité : il est reconnu, apprécié et accepté. Dans la transgression de l’adolescent, quelque chose se forme d’une liberté en lien, il rencontre une certaine forme d’autonomie relationnelle qui faisait défaut. Il fait l’expérience que ses copains acceptent et comprennent son action puisqu’ils se comportent de la même manière. L’adolescent découvre alors un contexte dans lequel il se sent à nouveau libre dans ses actions et en relation avec autrui.

3 - Approches thérapeutiques

L’enjeu thérapeutique est de remettre l’adolescent en relation avec son expérience et avec son parent. Autrement dit, qu’il puisse vivre le moment de transgression comme un moment où il se sent en lien avec ses copains et par extension des moments où il se sent libre. Si le thérapeute parvient à mettre l’ado en lien avec l’intention positive sous-tendue par son action, c’est-à-dire en lien avec autrui, il pourra parallèlement plus facilement accéder à l’intention positive portée par les actions et les propos de son ou ses parents.

Cette approche n’a pas pour objectif de valider la transgression, de l’excuser ou de déresponsabiliser l’adolescent, mais au contraire de le rendre pleinement conscient et responsable de son acte, dont il est pleinement auteur et dans lequel il se réalise. Cette tentative est paradoxale, ou plutôt à 180 degrés de la position des parents.

Nous allons définir trois étapes afin de travailler sur les difficultés de l’adolescent. Bien entendu, ceci ne constitue pas un protocole mais plutôt des pistes ou des points de repère afin de travailler la problématique adolescente de rupture avec les parents.

Etape 1 - Identification du problème

L’utilité et le pragmatisme. Dans le travail avec les adolescents, les questions seront du genre solutionniste, en insistant sur les détails relationnels avec ses camarades.

Les questions à cette étape sont :

• Qu’est-ce qu’on peut faire ensemble, toi un adolescent
et moi un psychologue ? Concrètement ça ressemblera à quoi ?
• A quoi ça va servir de se voir ? A quoi tu sauras que nos rencontres sont utiles ?

• Comment espères-tu que je puisse t’aider ?

ARNAUD ZEMAN
Psychologue clinicien en libéral. Hypnothérapeute. Formateur en hypnose ericksonienne à l’AREPTA. Psychologue en ITEP (Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique).

Commandez ce numéro Hors-Série n°11 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves: « La relation thérapeutique »

Lorsque la Version papier de ce numéro sera épuisée, la version PDF sera fournie à la place

Hors série n°11 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2017.
C'est un numéro double de 196 pages.
Thème : « La relation thérapeutique »


- Éditorial : La relation thérapeutique. S. Cohen
- Éditorial : La relation au coeur de l’hypnose. J. Betbèze
- L’alliance thérapeutique. M. Arnaud
- Enseigner la relation thérapeutique. A. Bioy
- Le thérapeute ? Un guide qui ne devance pas. J.-M. Benhaiem
- Autonomie relationnelle. J. Betbèze
- Avec le patient douloureux chronique. De la formation à la pratique. J. Nizard
- En salle de naissance. B. Bobenrieth
- Monde psychotraumatique. E. Bardot
- La relation thérapeutique. M. Picard Destelan et L. Fodorean
- Comment faire vivre un paranoïaque ? E. Malphettes
- Positionnement, et alliance... thérapeutiques. W. Martineau
- Rapport, alliance et changement : « l’Homonoia ». A. Vallée
- Une semaine aux urgences psychiatriques. V. Lagrée
- Retour à l’essentiel. G. Ostermann
- En Thérapie Systémique Brève. Y. Doutrelugne
- Un truc incroyable... Conversation en thérapie narrative. C. Besnard-Péron
- Retour aux bases. De l’infiniment petit à l’infiniment grand. P. Aïm et L. Gross
- Trouble du comportement à l’adolescence. A. Zeman

Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici





Rédigé le 24/09/2018 à 11:11 | Lu 887 fois | 0 commentaire(s) modifié le 24/09/2018




Sophie Tournouër, Psychologue clinicienne, Hypnothérapeute et Thérapeute Familiale. praticienne… En savoir plus sur cet auteur
Dans la même rubrique :