Soins dentaires chez l’enfant. La douleur comme alliée ?


Lorsqu’il est question de dents, la douleur y est souvent associée. Elle a toutes les formes : des fourmillements, des brûlures, ou toute autre image, elle a des circonstances d’apparition et d’aggravation. Il n’y a confort bucco-dentaire que dans l’absence de sensations nociceptives.
Catherine Martin



Pour le chirurgien-dentiste aussi, cela paraît évident d’explorer les symptômes et les informations négatives, donc d’évaluer la situation sur une échelle de la douleur. L’hypnose et les thérapies brèves, en changeant le point de vue, notamment avec l’échelle du confort, ouvrent de nou- velles perspectives à la relation thérapeutique.
J’exerce la chirurgie dentaire depuis trente ans dans un village. Omni- pratique au début, mon exercice est maintenant dédié à l’orthodontie. Nous pratiquons les extractions et les soins qui y sont liés, le plus souvent chez l’enfant, le plus souvent en équipe : dentiste et assistante.
Je pratique l’hypnose et les thérapies brèves depuis quelques années, avec tous les patients : c’est devenu une façon globale d’aborder le travail. J’ai informé et formé mes assistantes au fur et à mesure de mes propres progrès, en les faisant participer, expérimenter à chaque situation, ce qui nous a donné l’occasion de progresser ensemble, au fur et à mesure des debriefings et inventions, idées, inspirations, déclenchées la plupart du temps par l’interaction avec nos jeunes patients et leurs parents.
En effet, les enfants sont mineurs, donc accompagnés, ce patient qui arrive est donc toujours pluriel. Nous considérons le ou les parents ou accompagnants comme une ressource : même s’ils semblent parfois nous mettre au défi de réussir, par exemple en égrenant les échecs passés, il s’agit de ne pas « échouer encore une fois », donc de « réussir cette fois- ci ». Agir avec les parents ainsi, comme nous savons le faire grâce à l’hypnose, en attitude et en discours, nous permet de les accepter en salle de soin et de les utiliser comme collaborateurs pendant le temps du soin. Même dans le cas où ils sortent de la salle, soit pour eux-mêmes soit pour l’enfant, cette action sera vécue non comme une exclusion mais bien comme une aide.
La douleur de nos jeunes patients chez le chirurgien-dentiste peut revêtir plusieurs scénarios : elle a souvent une histoire, ce sont des souvenirs où des sensations dentaires se mêlent à de l’anxiété d’anticipation de l’acte à venir, des témoignages bien souvent négatifs de l’entourage, et bien sûr une grande part d’imagination à propos de l’inconnu.
La douleur peut être déjà présente avant le rendez-vous, elle peut être le résultat de tentatives infructueuses de soins. Elle peut aussi être déclenchée par le soin qu’il convient de faire, attendu ou pas. C’est souvent le cas des extractions que nous pratiquons, l’examen radiologique révélant qu’il est urgent d’intervenir pour permettre une meilleure évolution des dents non encore sorties. Dans ce cas, la plupart du temps, je propose l’extractiondanslamêmeséance.L’anxiétéprovoquéeparl’annoncepeut être importante : j’en fais alors un argument pour se débarrasser de la dent au plus vite.
Le jeu orienté solution est déjà présent dans ce double lien : « Préfères- tu le faire maintenant ou au prochain rendez-vous ? » L’expression « ce sera fait », utilisée souvent par l’enfant ou son entourage, résume ce « jeu » et valide la décision.
Notre façon de faire est la suivante : une fois la validation faite de l’acte à accomplir, nous rassurons à nouveau en proposant l’accompagnement par l’assistante. Nous n’avons pas de discours systématique et protocolisé : en fonction de la demande et du dialogue, nous utilisons les réactions de notre jeune patient et nous adaptons notre discours.

Souvent c’est l’occasion de recréer une séquence d’acceptation, de poser les questions qui amèneront à répondre oui, ou des questions qui porteront sur l’aide qui lui sera utile pour le soin. Car c’est le moment où il faut se réinstaller sur le fauteuil pour faire le geste.
Un seul objectif alors : détourner l’attention pour détourner la tension ! La tension est existante et inhérente au soin douloureux qui arrive. Nous ne négligeons pas la douleur et ne l’occultons pas. Nier le mot douleur ou « mal » revient à l’amplifier pour notre jeune patient ; y répondre ou le valider en proposant de faire avec lui ce qu’il faut ouvre le dialogue et permet souvent de passer ce cap anxieux.

La décision du protocole dépend de la difficulté technique de l’extraction : dans le cas des dents de lait très mobiles, la distraction et un geste rapide sont généralement mieux perçus qu’un protocole avec anesthésie par infiltration (la piqûre !). La distraction hypnotique assure dans ce cas l’analgésie, sans effets secondaires. Le geste technique est court, quelques secondes, l’accompagnement hypnotique est cependant complet. Dans les cas d’un acte plus compliqué, nous utilisons en plus de l’accompagnement hypnotique une injection d’anesthésique.
Même une fois l’anesthésie faite et validée par l’enfant, restent des sensations désagréables ou inconfortables : pression, bruits, pertes de sensibilité, idée de paralysie... Pour aider à différencier ces manifestations de la douleur elle-même, un signaling est proposé et l’accompagnement en tient compte, pour adapter le soin ou l’anesthésie.

Si le geste est simple, ou si le patient est confiant, l’opérateur peut faire l’acte et l’accompagnement en même temps, en alternant paroles et gestes.
Si l’extraction s’annonce plus délicate, c’est là que l’accompagnement hypnotique réalisé par l’assistante permet un travail confortable pour tous, parents compris, qu’ils participent activement ou non.
Dans ce cadre, l’induction est rapide, voire déjà faite, grâce aux propo- sitions, aux questions sur ce qui plaît à l’enfant... et l’assistante parle et agit, par exemple :

« Maintenant ta main va se porter dans la mienne pendant que ta tête se confie à Catherine, qui va faire ce qu’il faut pour la dent qui en a besoin... tu vas me confier ta main et serrer un doigt puis ce doigt, puis le majeur, pendant que... ce bras va devenir tout léger, tout mou... »
L’assistante prend la main et manipule tout au long du soin la main, le bras, en alternant les stimulations tactiles et verbales, adaptant le débit au rythme du soin si besoin.
Nous pouvons rester dans une analogie entre ce qui est ressenti et ce que le propos évoque, « une pierre qu’on décide de sortir de la terre, une carotte, une branche d’arbre à attraper », ou orienter l’attention ailleurs grâce au thème d’activité favorite, ou à l’aide de la lecture d’un conte ou de chants (le parent est un lecteur-conteur potentiel).

Une seule chose qui ne change pas : le changement ! Chaque séance change, le sujet de chaque phrase peut changer pour augmenter la distra- ction ou la dissociation, les histoires changent, les manipulations chan- gent, les thèmes varient.
Lorsque j’ai commencé à travailler, les enfants me signalaient que le plafond que je leur demandais de regarder (pour que la bouche soit orientée visible pour moi) était tout vide, sans rien à d’intéressant à voir : aujourd’hui nous avons des images fixées et un écran où défilent des images. Tout est utilisable : soit observer ce qui plaît, soit chercher un détail, soit chercher quelque chose qui plaît un peu plus qu’autre chose dans cette image qui ne dit rien... Autrement dit, faire de chaque sollicitation une véritable négociation au sens positif du terme : laisser des portes ouvertes, offrir une voie de surprise, de recherche, de jeu, tout sera utile et utilisable.


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CATHERINE MARTIN
Docteur en chirurgie dentaire, exercice libéral orthodontie. Formée à ACTIIF en hypnose et thérapies orientées solutions. Formatrice à ACTIIF, formatrice au DU Hypnose et thérapies brèves de Limoges.

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Rédigé le 13/01/2020 à 16:15 | Lu 790 fois | 0 commentaire(s) modifié le 15/01/2020




Florent HAMON. Hypnothérapeute, Praticien EMDR, Infirmier anesthésiste à Paris. Chargé de… En savoir plus sur cet auteur
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