Edito :“Installez-vous“ Thierry Servillat
Lorsqu’un étudiant finit ses études de médecine, de psychologie ou de sciences paramédicales, il se pose souvent la question : « Vais-je m’installer ? » Lorsqu’il est perplexe, il va demander à ses collègues et amis : « Et toi, que penses-tu faire, comptes-tu t’installer ? »
Les études en démographie médicale montrent que de moins en moins de jeunes s’installent. Souvent, la motivation pour un choix hospitalier ou en institution est positive : envie d’exercer en institution, amour du travail en équipe, esprit de « service public » avec souvent désir de soigner et d’aider tous types de patients quels que soient les moyens financiers dont ceux-ci disposent, et préoccupation envers les plus démunis.
Parfois aussi, on ressent une peur. Peur de se lancer, hésitation à se faire confiance, angoisse d’échouer.
Pourtant, les formations à l’hypnose apprennent l’installation. Du moins dans ses aspects techniques. Nous y apprenons ce type de suggestion : « Prenez l’installation qui vous convient. Prenez votre temps, essayez différentes positions. » Et on sait combien François Roustang peut centrer le travail thérapeutique sur ce moment initial.
L’installation est au cœur du processus hypnotique, peut-être même son noyau. Certains patients ne s’installeront jamais, ne prendront jamais, peut-être ne choisiront jamais de se positionner. Certains thérapeutes non plus, dont nous pouvons craindre qu’ils ne pourront ni s’aider eux-mêmes ni aider les autres.
“ENERGETIQUE DU LEMNISCATE. Ou l’hypnose tourneboulée. Jean-Pierre Courtial. A partir d’un cas, l’auteur présente une modélisation du travail hypnotique qui intègre l’approche énergétique utilisée dans les médecines orientales.
Comment ce que les thérapeutes énergéticiens nomment énergie s’articule-t-il avec l’hypnose ? La pratique de l’hypnose peut-elle prendre une dimension énergétique ? A propos de sa pratique, Mesmer évoquait un fluide qu’il estimait spécifique au monde animal (par opposition au magnétisme de la matière inerte et des aimants) (Bellet, 2009). Pour lui ce fluide présentait tous les aspects d’une énergie. Y aurait-il un rapport entre hypnose et énergie ?
L’hypnose montre bien la multiplicité des états de conscience, des ressources potentielles, des bifurcations engendrant des « croyances » qui conditionnent les comportements. Ernest Rossi (2001, 2007, 2008) considère l’hypnose comme une manière de modifier l’équilibre d’un système, à la façon de la dynamique non linéaire, parfois chaotique, des systèmes auto-organisés. Il compare la guérison au processus de découverte, à l’eureka du chercheur. Il invoque le processus des neurones miroirs dans la symétrie des prises de conscience entre le thérapeute et le patient.
Concrétiser un problème
De façon générale, l’hypnose change les croyances de la personne, en tant que celles-ci expriment sa façon d’interpréter le monde et ce qu’elle est par rapport au monde. Il faut inscrire le problème des patients dans leur corps. Une personne souffrait d’une peur. La thérapeute énergéticienne lui a demandé :
- A quoi ressemble cette peur ?
- A une boule.
- De quelle couleur est cette boule ? Quelle est sa taille ?
- Elle est noire.
Ce texte est rédigé par Jean-Pierre Courtial à partir d’un ensemble de cas proposés par Maria Colliot et de sa pratique professionnelle. Les idées évoquées sont, globalement, issues d’un groupe de recherche en psychologie transdisciplinaire de l’université de Nantes réunissant des thérapeutes et des chercheurs à la suite des thèses de Christine Dumont, Pierre Garnier, Jacki Herbet et William Sherlaw.
L'HYPNOSE : UN "COUTEAU SUISSE" PSYCHOTHERAPEUTIQUE. Pratique, rapide pour ouvrir, transformer et cicatriser. Marie-Laure Gassin. Une psychologue expérimentée et récemment formée à l’hypnose, nous raconte 6 de ses premiers cas.
Initiée depuis quelques années à l’hypnose éricksonienne, j’ai envie de partager ici quelques pastilles cliniques où j’ai pu, semble-t-il avec bonheur, utiliser mes « jeunes » compétences en la matière.
D’abord infirmière, puis psychologue et psychothérapeute formée depuis longtemps à la Gestalt-thérapie (1984), à diverses techniques psycho-corporelles (1989-96), et plus récemment à l’EMDR (depuis 1997), j’ai été sensibilisée une première fois à l’hypnothérapie à l’occasion d’un séminaire avec Carol Erickson en 1995.
Depuis 2003, j’apprends à mieux connaître cet outil fantastique. J’ai suivi une première formation à Lyon, puis plusieurs séminaires d’hypnose centrée sur le corps (avec Maggie Phillips, Christian Flèche). En 2006, j’ai découvert, près de chez moi, l’Institut Milton Erickson d’Avignon-Provence. Opportunité fort agréable de rencontrer de nombreux collègues dans une ambiance conviviale, d’entendre parler de notre « art » à travers des versions variées (Transversales, université d’été, séminaires plus spécifiques).
“CONTES ET SEMAPHORES. Des balises hypnotiques. Marie-Claude Michas. Les contes sont universels et les péripéties métaphoriques qui les jalonnent guident les lecteurs er les auditeurs de préférence, dans leur vie. De nombreux exemples illustrent l'efficience du verbe et ses effets dans le quotidien des patients.
Dans toutes les cultures on aime entendre ou raconter des mythes, des légendes, des histoires. Nous savons depuis un certain nombre d’années, de manière plus contemporaine, que les contes aident à guérir. Le conte est un allié thérapeutique, une approche douce. « En thérapie, le conte peut représenter un allié, un passeur des traditions dans lequel le patient peut puiser une parole sage pour comprendre le monde et y trouver sa place » (Bénédicte Flieller).La flexibilité et la souplesse de l’allégorie se prête à des approches thérapeutiques qui s’appliquent à plusieurs situations de la vie courante. Remis au goût du jour par certains thérapeutes comme Jacques Salomé et Michel Dufour, les contes offrent, quand ils sont utilisés par des hypnothérapeutes (comme Evelyne Josse, Jorge Bucay, Consuelo Casuela et bien d’autres), d’autres possibles aux soins ainsi que des perspectives nouvelles. Ces histoires, d’apparence si simples et ordinaires, qui peuvent pourtant être à l’origine de « transe-formations » chez les patients.
Les histoires métaphoriques
“DEVISAGER LA DOULEUR. Traitement hypnotique d'une algie vasculaire de la face. Dr Jean-Pierre Alibeu. Le regard hypnotique par son approche diagnostique singulière nous permet d'envisager un traitement original dans les douleurs aiguës chroniques.
L’algie vasculaire de la face (AVF) se manifeste par des crises douloureuses intenses atteignant le visage, quotidiennes ou pluri-quotidiennes, séparées par des intervalles libres asymptomatiques. Il s’agit d’une maladie périodique évoluant par salves d’un à deux mois, de caractère saisonnier. Le diagnostic s’accompagne d’un examen clinique normal et se fait par l’interrogatoire, ou plus rarement l’observation d’une crise.
La douleur est strictement unilatérale, de durée brève (10 à 120 minutes) s’accompagnant de signes végétatifs. Elle est souvent maximum dans la région orbitaire où elle est comparée à une sensation de broiement ou à une brûlure atroce. Cette douleur s’accompagne de signes végétatifs : larmoiement, rougeur conjonctivale, écoulement nasal. On note souvent une agitation avec déambulation.
La thérapeutique associe un traitement de fond destiné à espacer les crises : vérapamil, lithium, valproate de sodium, anticonvulsivants, parfois décevants, et un traitement de la crise : triptans et oxygénothérapie, voire corticoïdes.
Les formes évoluées durant depuis de nombreuses années, que l’on voit dans les centres de prise en charge de la douleur, sont souvent très chronicisées avec une perte de la périodicité, de nombreuses crises quotidiennes, et finalement une douleur de fond émaillée de paroxysmes. Cette pathologie est très invalidante, désocialisante, génératrice d’angoisse (à quel moment la prochaine crise va-t-elle apparaître ?) et entraînant des difficultés professionnelles.
L’hypnose a pu être tentée dans notre centre pour une patiente observée en crise paroxystique, et évoluant depuis de nombreuses années avec une symptomatologie très dégradée et une résistance majeure aux thérapeutiques conventionnelles.
“DU TREMBLEMENT A LA TRANSE. Du symptôme au synchrone. Dr Daniel Quin. Le script d’une séance avec un patient souffrant de tremblements est complété par l’analyse des différentes techniques employées.
Je vois ce matin en consultation – je suis médecin généraliste – un jeune homme de 20 ans adressé par son médecin référent pour un problème qui ferait trembler n’importe quel membre de notre noble confrérie médicale. Du moins, je l’imagine. Appelons-le Olivier. Il est chaudronnier de métier. Il se bat depuis un certain nombre d’années contre un mal, s’étant allié successivement avec bon nombre de spécialistes et ayant utilisé bon nombre de remèdes dont aucun n’a réussi à remédier à son problème. Et voilà que j’entre en scène et que je décide maintenant de vous narrer notre histoire.
Au début, cela m’avait semblé une histoire simple à raconter. Un homme doit soulager, voire guérir un autre. Il y parvient, ou non, et c’est fini, ou presque. Il y a les faits scientifiques et tous les autres, les fantômes qui glissent élégamment sur la tapisserie de la Médecine dite scientifique. Les fantômes aussi il faut s’en occuper, et cela demande beaucoup de soin mais cela, je le sais. Le fantôme n’aspire qu’à une chose : revivre. Alors, faisant fi des impératifs du fait scientifiquement prouvé, j’ai laissé libre cours à cette armée des ombres qui grossit sans cesse et qui me hante.
Hypno-philo : “Risquer sa vie“ Thierry Servillat
Le dernier livre d’Anne Dufourmantelle est poignant. Et ce pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il apparaît comme un ovni dans les parutions récentes de livres étiquetés « philo ». Suite de courts chapitres touchant à des sujets très divers qui semblent tous avoir en commun la vie intime de l’auteure. Anne Dufourmantelle aime la vie, manifestement. Et paraît avoir donné à la sienne un sens à la fois puissant et fragile. Psychanalyste, ayant travaillé avec Jacques Derrida (entre autres, mais notamment !), elle essaie d’aider ses patients à changer. Avec certains, il y a malentendu. Ce n’était pas forcément leur demande. Mais Anne Dufourmantelle – c’est le cas de le dire – n’en a cure...
Quiproquo, malentendu et incommunicabilité : “Comme dirait l’autre…“ Stéfano Colombo
Ah ! vivent les vacances ! Le « dolce far niente » !
Remarquez que cette expression est intraduisible.
Le « rien faire » aurait bien mauvaise haleine, il sent la puanteur. Il a le goût de la fainéantise, de l’indolence, de la paresse sous ses angles les plus négatifs, les plus sombres. Qui plus est, dans une époque où l’efficacité est le nouveau dieu et le mérite du travail, le veau d’or à idolâtrer.
Comme dirait l’autre... cela vaut bien son pesant d’or, n’est-ce pas ? Encore mieux si c’était un bœuf bien gras et gros.
Coïncidences : “Peinture et douleur“ Dimitri Stauss
« L’homme est un apprenti, la douleur est son maître, et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert. » Alfred de Musset, La Nuit d’octobre.
Tout le monde a fait l’expérience de la douleur, qu’elle soit physique, psychologique ou pathologique, mais peu de personnes se rendent compte de sa vraie nature et surtout de sa fonction primordiale dans la construction de notre personnalité. Si l’esprit d’une personne en souffrance est difficilement accessible, son attitude, ses expressions, ses gestes trahissent son tourment intérieur et révèlent son état d’esprit, de manière plus ou moins évidente, aux yeux du monde. En ce sens les arts graphiques donnent forme à ces attitudes. L’artiste les observe, les dissèque, les examine, les analyse et leur donne du sens, créant ainsi le concept de « dolorisme ». Nous prenons alors la place de l’« apprenti » d’Alfred de Musset pour suivre une initiation par l’image à la souffrance de l’homme.
Recettes et Merveilles : “Assaisonner. L’art du juste et du bon“ Joëlle Mignot
Cuisiner c’est bien. Savoir assaisonner, c’est mieux ! Souvent, trop souvent, je râle devant des plats qui peuvent être préparés avec amour et qui restent fades, sans goût, plats et presque ternes. Car assaisonner est plus qu’un art, c’est une envolée qui sublime la matière. Sans l’assaisonnement, manger se réduirait à se nourrir ; sans assaisonnement, point de plaisir des papilles.
Recherche : “Remises en question et certitudes“ Antoine Bioy
La rivière au bord de l’eau. Journal d’une enfant d’ailleurs . Opal WHITELEY. La Cause des Livres, Paris, 2006
L’exercice auquel nous convie Opal Whiteley n’est pas un exercice de style, et pourtant son style est des plus étonnants, un mélange de genres où faune et flore portent des noms autant historiques – politiques, peintres, littérateurs, philosophes... – que naïfs et poétiques. Ainsi Ménandre Euripide Théocrite Thucydide est un agneau très aimé qui a besoin d’être materné ; Agamemnon Ménélas Dindon, un dindon aimé ; Peter Paul Rubens, un bien aimé cochon ; Cardinal de Richelieu, un des poussins de Minerva ; Elisabeth Barret Browning, une vache aimée avec de la poésie dans l’empreinte des sabots ; Louis II Le Grand Condé, un vieux cheval gris dont l’âme comprend tout ; Sophocle Diogène, un agneau avec une queue courte et un regard plein de questions. Ainsi, Edward III est un sapin près de la « rivière-qui-chante-là-où-poussent-les-saules » ; Charlemagne, le plus grand de tous les arbres qui poussent dans l’allée ; Michel-Ange Sanzio Raphaël, un magnifique sapin qui a une âme qui comprend tout...
Références : “Deleuze. L’entretien exclusif“ Dr Patrick Bellet
Bonjour, cher Maître
Nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien qui paraîtra dans le prochain numéro de la revue « HYPNOSE & Thérapies Brèves ». Depuis la sortie de votre dernier ouvrage « Instruction pratique sur le magnétisme animal », les éloges ne manquent pas. Même ceux qui sont hostiles ou réfractaires au magnétisme animal reconnaissent la qualité de ce livre, et surtout les recommandations que vous prônez pour soigner respectueusement les patients. Vous vous placez dans la lignée du marquis de Puységur et lui dédicacez votre livre en hommage à son apport. Celui-ci, malheureusement, nous quitta à la parution en 1825.
Deleuze : « Je ne puis aujourd’hui que me rappeler avec attendrissement de l’amitié dont il m’honorait, les instructions que j’avais reçues de lui, et les exemples qu’il m’avait donnés de la charité la plus active, de la modestie la plus sincère, et d’un dévouement sans bornes à la propagation des vérités les plus utiles. »
P.B. « Ses recherches ont-elles été si décisives ? »
D. : « Si la doctrine exposée dans cet ouvrage conduit quelques personnes à faire du bien, je les prie de se souvenir que cette doctrine est la conséquence des principes établis et des faits observés par Mr de Puységur. »
P.B. « Parmi les conditions nécessaires, qu’elle est celle que vous considérez comme essentielle ? »
D. : « Pour qu’un individu agisse sur un autre, il faut qu’il existe entre eux une sympathie morale et physique, comme il en existe une entre tous les membres d’un corps animé. »
P.B. : « Une sympathie morale, dites-vous ? »
D. : « La sympathie physique s’établit par des moyens que nous indiquerons : la sympathie morale par le désir qu’on a de faire du bien à quelqu’un qui désire en recevoir, ou par des idées et des vœux qui, les occupant également l’un et l’autre, forment entre eux une communication de sentiments. Lorsque cette sympathie est bien établie entre deux individus, on dit qu’ils sont en rapport. »
P.B. : « Lorsque le rapport est établi, que se passe-t-il ? »
D. : « Ainsi la première condition pour magnétiser, c’est la volonté ; la seconde, c’est la confiance que celui qui magnétise a en ses forces ; la troisième, c’est la bienveillance ou le désir de faire du bien. »
P.B. : « Existe-t-il des conditions qui concernent le magnétiseur ? »
Humeur : “Déblocage solaire“ Jean-François Marquet
L’été, la Corse. Les odeurs du maquis, la chaleur et le chant des grillons, le footing au lever du jour, le farniente à l’ombre entre deux longueurs de piscine. Tout cela n’est pas très propice à la rédaction d’un billet d’humeur promis au rédacteur en chef avant de partir. Mais l’été en Corse, c’est justement la période où tout est déconnecté : pas de télé ni de radio, pas de Wi-Fi ni de 3G dans mon coin, même pas les journaux du jour. Seulement les livres que j’ai amenés pour lire un peu avant de m’assoupir à la sieste.
Alors, je me prends à rêver d’une vie sans toute cette débauche d’informations instantanées, cette absence de recul et cet abus d’audiovisuel. D’un temps où même les enfants prennent le temps de lire de vrais livres ou faire des châteaux de sable sur la plage. Un temps pour rêvasser voire pour s’ennuyer.
Et puis bien sûr, un temps pour entretenir des relations et communiquer avec des amis ou des inconnus autour d’un verre plutôt que de gober la vérité cathodique tout en « chattant » sur le Net avec nos « 2 432 amis » sur les « réseaux sociaux »
Lorsqu’un étudiant finit ses études de médecine, de psychologie ou de sciences paramédicales, il se pose souvent la question : « Vais-je m’installer ? » Lorsqu’il est perplexe, il va demander à ses collègues et amis : « Et toi, que penses-tu faire, comptes-tu t’installer ? »
Les études en démographie médicale montrent que de moins en moins de jeunes s’installent. Souvent, la motivation pour un choix hospitalier ou en institution est positive : envie d’exercer en institution, amour du travail en équipe, esprit de « service public » avec souvent désir de soigner et d’aider tous types de patients quels que soient les moyens financiers dont ceux-ci disposent, et préoccupation envers les plus démunis.
Parfois aussi, on ressent une peur. Peur de se lancer, hésitation à se faire confiance, angoisse d’échouer.
Pourtant, les formations à l’hypnose apprennent l’installation. Du moins dans ses aspects techniques. Nous y apprenons ce type de suggestion : « Prenez l’installation qui vous convient. Prenez votre temps, essayez différentes positions. » Et on sait combien François Roustang peut centrer le travail thérapeutique sur ce moment initial.
L’installation est au cœur du processus hypnotique, peut-être même son noyau. Certains patients ne s’installeront jamais, ne prendront jamais, peut-être ne choisiront jamais de se positionner. Certains thérapeutes non plus, dont nous pouvons craindre qu’ils ne pourront ni s’aider eux-mêmes ni aider les autres.
“ENERGETIQUE DU LEMNISCATE. Ou l’hypnose tourneboulée. Jean-Pierre Courtial. A partir d’un cas, l’auteur présente une modélisation du travail hypnotique qui intègre l’approche énergétique utilisée dans les médecines orientales.
Comment ce que les thérapeutes énergéticiens nomment énergie s’articule-t-il avec l’hypnose ? La pratique de l’hypnose peut-elle prendre une dimension énergétique ? A propos de sa pratique, Mesmer évoquait un fluide qu’il estimait spécifique au monde animal (par opposition au magnétisme de la matière inerte et des aimants) (Bellet, 2009). Pour lui ce fluide présentait tous les aspects d’une énergie. Y aurait-il un rapport entre hypnose et énergie ?
L’hypnose montre bien la multiplicité des états de conscience, des ressources potentielles, des bifurcations engendrant des « croyances » qui conditionnent les comportements. Ernest Rossi (2001, 2007, 2008) considère l’hypnose comme une manière de modifier l’équilibre d’un système, à la façon de la dynamique non linéaire, parfois chaotique, des systèmes auto-organisés. Il compare la guérison au processus de découverte, à l’eureka du chercheur. Il invoque le processus des neurones miroirs dans la symétrie des prises de conscience entre le thérapeute et le patient.
Concrétiser un problème
De façon générale, l’hypnose change les croyances de la personne, en tant que celles-ci expriment sa façon d’interpréter le monde et ce qu’elle est par rapport au monde. Il faut inscrire le problème des patients dans leur corps. Une personne souffrait d’une peur. La thérapeute énergéticienne lui a demandé :
- A quoi ressemble cette peur ?
- A une boule.
- De quelle couleur est cette boule ? Quelle est sa taille ?
- Elle est noire.
Ce texte est rédigé par Jean-Pierre Courtial à partir d’un ensemble de cas proposés par Maria Colliot et de sa pratique professionnelle. Les idées évoquées sont, globalement, issues d’un groupe de recherche en psychologie transdisciplinaire de l’université de Nantes réunissant des thérapeutes et des chercheurs à la suite des thèses de Christine Dumont, Pierre Garnier, Jacki Herbet et William Sherlaw.
L'HYPNOSE : UN "COUTEAU SUISSE" PSYCHOTHERAPEUTIQUE. Pratique, rapide pour ouvrir, transformer et cicatriser. Marie-Laure Gassin. Une psychologue expérimentée et récemment formée à l’hypnose, nous raconte 6 de ses premiers cas.
Initiée depuis quelques années à l’hypnose éricksonienne, j’ai envie de partager ici quelques pastilles cliniques où j’ai pu, semble-t-il avec bonheur, utiliser mes « jeunes » compétences en la matière.
D’abord infirmière, puis psychologue et psychothérapeute formée depuis longtemps à la Gestalt-thérapie (1984), à diverses techniques psycho-corporelles (1989-96), et plus récemment à l’EMDR (depuis 1997), j’ai été sensibilisée une première fois à l’hypnothérapie à l’occasion d’un séminaire avec Carol Erickson en 1995.
Depuis 2003, j’apprends à mieux connaître cet outil fantastique. J’ai suivi une première formation à Lyon, puis plusieurs séminaires d’hypnose centrée sur le corps (avec Maggie Phillips, Christian Flèche). En 2006, j’ai découvert, près de chez moi, l’Institut Milton Erickson d’Avignon-Provence. Opportunité fort agréable de rencontrer de nombreux collègues dans une ambiance conviviale, d’entendre parler de notre « art » à travers des versions variées (Transversales, université d’été, séminaires plus spécifiques).
“CONTES ET SEMAPHORES. Des balises hypnotiques. Marie-Claude Michas. Les contes sont universels et les péripéties métaphoriques qui les jalonnent guident les lecteurs er les auditeurs de préférence, dans leur vie. De nombreux exemples illustrent l'efficience du verbe et ses effets dans le quotidien des patients.
Dans toutes les cultures on aime entendre ou raconter des mythes, des légendes, des histoires. Nous savons depuis un certain nombre d’années, de manière plus contemporaine, que les contes aident à guérir. Le conte est un allié thérapeutique, une approche douce. « En thérapie, le conte peut représenter un allié, un passeur des traditions dans lequel le patient peut puiser une parole sage pour comprendre le monde et y trouver sa place » (Bénédicte Flieller).La flexibilité et la souplesse de l’allégorie se prête à des approches thérapeutiques qui s’appliquent à plusieurs situations de la vie courante. Remis au goût du jour par certains thérapeutes comme Jacques Salomé et Michel Dufour, les contes offrent, quand ils sont utilisés par des hypnothérapeutes (comme Evelyne Josse, Jorge Bucay, Consuelo Casuela et bien d’autres), d’autres possibles aux soins ainsi que des perspectives nouvelles. Ces histoires, d’apparence si simples et ordinaires, qui peuvent pourtant être à l’origine de « transe-formations » chez les patients.
Les histoires métaphoriques
“DEVISAGER LA DOULEUR. Traitement hypnotique d'une algie vasculaire de la face. Dr Jean-Pierre Alibeu. Le regard hypnotique par son approche diagnostique singulière nous permet d'envisager un traitement original dans les douleurs aiguës chroniques.
L’algie vasculaire de la face (AVF) se manifeste par des crises douloureuses intenses atteignant le visage, quotidiennes ou pluri-quotidiennes, séparées par des intervalles libres asymptomatiques. Il s’agit d’une maladie périodique évoluant par salves d’un à deux mois, de caractère saisonnier. Le diagnostic s’accompagne d’un examen clinique normal et se fait par l’interrogatoire, ou plus rarement l’observation d’une crise.
La douleur est strictement unilatérale, de durée brève (10 à 120 minutes) s’accompagnant de signes végétatifs. Elle est souvent maximum dans la région orbitaire où elle est comparée à une sensation de broiement ou à une brûlure atroce. Cette douleur s’accompagne de signes végétatifs : larmoiement, rougeur conjonctivale, écoulement nasal. On note souvent une agitation avec déambulation.
La thérapeutique associe un traitement de fond destiné à espacer les crises : vérapamil, lithium, valproate de sodium, anticonvulsivants, parfois décevants, et un traitement de la crise : triptans et oxygénothérapie, voire corticoïdes.
Les formes évoluées durant depuis de nombreuses années, que l’on voit dans les centres de prise en charge de la douleur, sont souvent très chronicisées avec une perte de la périodicité, de nombreuses crises quotidiennes, et finalement une douleur de fond émaillée de paroxysmes. Cette pathologie est très invalidante, désocialisante, génératrice d’angoisse (à quel moment la prochaine crise va-t-elle apparaître ?) et entraînant des difficultés professionnelles.
L’hypnose a pu être tentée dans notre centre pour une patiente observée en crise paroxystique, et évoluant depuis de nombreuses années avec une symptomatologie très dégradée et une résistance majeure aux thérapeutiques conventionnelles.
“DU TREMBLEMENT A LA TRANSE. Du symptôme au synchrone. Dr Daniel Quin. Le script d’une séance avec un patient souffrant de tremblements est complété par l’analyse des différentes techniques employées.
Je vois ce matin en consultation – je suis médecin généraliste – un jeune homme de 20 ans adressé par son médecin référent pour un problème qui ferait trembler n’importe quel membre de notre noble confrérie médicale. Du moins, je l’imagine. Appelons-le Olivier. Il est chaudronnier de métier. Il se bat depuis un certain nombre d’années contre un mal, s’étant allié successivement avec bon nombre de spécialistes et ayant utilisé bon nombre de remèdes dont aucun n’a réussi à remédier à son problème. Et voilà que j’entre en scène et que je décide maintenant de vous narrer notre histoire.
Au début, cela m’avait semblé une histoire simple à raconter. Un homme doit soulager, voire guérir un autre. Il y parvient, ou non, et c’est fini, ou presque. Il y a les faits scientifiques et tous les autres, les fantômes qui glissent élégamment sur la tapisserie de la Médecine dite scientifique. Les fantômes aussi il faut s’en occuper, et cela demande beaucoup de soin mais cela, je le sais. Le fantôme n’aspire qu’à une chose : revivre. Alors, faisant fi des impératifs du fait scientifiquement prouvé, j’ai laissé libre cours à cette armée des ombres qui grossit sans cesse et qui me hante.
Hypno-philo : “Risquer sa vie“ Thierry Servillat
Le dernier livre d’Anne Dufourmantelle est poignant. Et ce pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il apparaît comme un ovni dans les parutions récentes de livres étiquetés « philo ». Suite de courts chapitres touchant à des sujets très divers qui semblent tous avoir en commun la vie intime de l’auteure. Anne Dufourmantelle aime la vie, manifestement. Et paraît avoir donné à la sienne un sens à la fois puissant et fragile. Psychanalyste, ayant travaillé avec Jacques Derrida (entre autres, mais notamment !), elle essaie d’aider ses patients à changer. Avec certains, il y a malentendu. Ce n’était pas forcément leur demande. Mais Anne Dufourmantelle – c’est le cas de le dire – n’en a cure...
Quiproquo, malentendu et incommunicabilité : “Comme dirait l’autre…“ Stéfano Colombo
Ah ! vivent les vacances ! Le « dolce far niente » !
Remarquez que cette expression est intraduisible.
Le « rien faire » aurait bien mauvaise haleine, il sent la puanteur. Il a le goût de la fainéantise, de l’indolence, de la paresse sous ses angles les plus négatifs, les plus sombres. Qui plus est, dans une époque où l’efficacité est le nouveau dieu et le mérite du travail, le veau d’or à idolâtrer.
Comme dirait l’autre... cela vaut bien son pesant d’or, n’est-ce pas ? Encore mieux si c’était un bœuf bien gras et gros.
Coïncidences : “Peinture et douleur“ Dimitri Stauss
« L’homme est un apprenti, la douleur est son maître, et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert. » Alfred de Musset, La Nuit d’octobre.
Tout le monde a fait l’expérience de la douleur, qu’elle soit physique, psychologique ou pathologique, mais peu de personnes se rendent compte de sa vraie nature et surtout de sa fonction primordiale dans la construction de notre personnalité. Si l’esprit d’une personne en souffrance est difficilement accessible, son attitude, ses expressions, ses gestes trahissent son tourment intérieur et révèlent son état d’esprit, de manière plus ou moins évidente, aux yeux du monde. En ce sens les arts graphiques donnent forme à ces attitudes. L’artiste les observe, les dissèque, les examine, les analyse et leur donne du sens, créant ainsi le concept de « dolorisme ». Nous prenons alors la place de l’« apprenti » d’Alfred de Musset pour suivre une initiation par l’image à la souffrance de l’homme.
Recettes et Merveilles : “Assaisonner. L’art du juste et du bon“ Joëlle Mignot
Cuisiner c’est bien. Savoir assaisonner, c’est mieux ! Souvent, trop souvent, je râle devant des plats qui peuvent être préparés avec amour et qui restent fades, sans goût, plats et presque ternes. Car assaisonner est plus qu’un art, c’est une envolée qui sublime la matière. Sans l’assaisonnement, manger se réduirait à se nourrir ; sans assaisonnement, point de plaisir des papilles.
Recherche : “Remises en question et certitudes“ Antoine Bioy
La rivière au bord de l’eau. Journal d’une enfant d’ailleurs . Opal WHITELEY. La Cause des Livres, Paris, 2006
L’exercice auquel nous convie Opal Whiteley n’est pas un exercice de style, et pourtant son style est des plus étonnants, un mélange de genres où faune et flore portent des noms autant historiques – politiques, peintres, littérateurs, philosophes... – que naïfs et poétiques. Ainsi Ménandre Euripide Théocrite Thucydide est un agneau très aimé qui a besoin d’être materné ; Agamemnon Ménélas Dindon, un dindon aimé ; Peter Paul Rubens, un bien aimé cochon ; Cardinal de Richelieu, un des poussins de Minerva ; Elisabeth Barret Browning, une vache aimée avec de la poésie dans l’empreinte des sabots ; Louis II Le Grand Condé, un vieux cheval gris dont l’âme comprend tout ; Sophocle Diogène, un agneau avec une queue courte et un regard plein de questions. Ainsi, Edward III est un sapin près de la « rivière-qui-chante-là-où-poussent-les-saules » ; Charlemagne, le plus grand de tous les arbres qui poussent dans l’allée ; Michel-Ange Sanzio Raphaël, un magnifique sapin qui a une âme qui comprend tout...
Références : “Deleuze. L’entretien exclusif“ Dr Patrick Bellet
Bonjour, cher Maître
Nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien qui paraîtra dans le prochain numéro de la revue « HYPNOSE & Thérapies Brèves ». Depuis la sortie de votre dernier ouvrage « Instruction pratique sur le magnétisme animal », les éloges ne manquent pas. Même ceux qui sont hostiles ou réfractaires au magnétisme animal reconnaissent la qualité de ce livre, et surtout les recommandations que vous prônez pour soigner respectueusement les patients. Vous vous placez dans la lignée du marquis de Puységur et lui dédicacez votre livre en hommage à son apport. Celui-ci, malheureusement, nous quitta à la parution en 1825.
Deleuze : « Je ne puis aujourd’hui que me rappeler avec attendrissement de l’amitié dont il m’honorait, les instructions que j’avais reçues de lui, et les exemples qu’il m’avait donnés de la charité la plus active, de la modestie la plus sincère, et d’un dévouement sans bornes à la propagation des vérités les plus utiles. »
P.B. « Ses recherches ont-elles été si décisives ? »
D. : « Si la doctrine exposée dans cet ouvrage conduit quelques personnes à faire du bien, je les prie de se souvenir que cette doctrine est la conséquence des principes établis et des faits observés par Mr de Puységur. »
P.B. « Parmi les conditions nécessaires, qu’elle est celle que vous considérez comme essentielle ? »
D. : « Pour qu’un individu agisse sur un autre, il faut qu’il existe entre eux une sympathie morale et physique, comme il en existe une entre tous les membres d’un corps animé. »
P.B. : « Une sympathie morale, dites-vous ? »
D. : « La sympathie physique s’établit par des moyens que nous indiquerons : la sympathie morale par le désir qu’on a de faire du bien à quelqu’un qui désire en recevoir, ou par des idées et des vœux qui, les occupant également l’un et l’autre, forment entre eux une communication de sentiments. Lorsque cette sympathie est bien établie entre deux individus, on dit qu’ils sont en rapport. »
P.B. : « Lorsque le rapport est établi, que se passe-t-il ? »
D. : « Ainsi la première condition pour magnétiser, c’est la volonté ; la seconde, c’est la confiance que celui qui magnétise a en ses forces ; la troisième, c’est la bienveillance ou le désir de faire du bien. »
P.B. : « Existe-t-il des conditions qui concernent le magnétiseur ? »
Humeur : “Déblocage solaire“ Jean-François Marquet
L’été, la Corse. Les odeurs du maquis, la chaleur et le chant des grillons, le footing au lever du jour, le farniente à l’ombre entre deux longueurs de piscine. Tout cela n’est pas très propice à la rédaction d’un billet d’humeur promis au rédacteur en chef avant de partir. Mais l’été en Corse, c’est justement la période où tout est déconnecté : pas de télé ni de radio, pas de Wi-Fi ni de 3G dans mon coin, même pas les journaux du jour. Seulement les livres que j’ai amenés pour lire un peu avant de m’assoupir à la sieste.
Alors, je me prends à rêver d’une vie sans toute cette débauche d’informations instantanées, cette absence de recul et cet abus d’audiovisuel. D’un temps où même les enfants prennent le temps de lire de vrais livres ou faire des châteaux de sable sur la plage. Un temps pour rêvasser voire pour s’ennuyer.
Et puis bien sûr, un temps pour entretenir des relations et communiquer avec des amis ou des inconnus autour d’un verre plutôt que de gober la vérité cathodique tout en « chattant » sur le Net avec nos « 2 432 amis » sur les « réseaux sociaux »