Le trouble obsessionnel compulsif de l’enfant (TOC).


Dr JEAN-FRANÇOIS MARQUET
Pédopsychiatre. Thérapeute familial. Vice-Président fondateur de l’Institut Milton H. Erickson de Rennes Bretagne. Président de la Société Française de Recherche en Hypnose Pédiatrique.



Le TOC se met en place généralement lors de l’enfance et peut être efficacement traité avec l’hypnose si l’on met rigueur et structuration dans le travail.

Toutes les études s’accordent pour retrouver entre 1 et 3 % d’enfants et d’adolescents de moins de 16 ans souffrant de TOC nettement pathologique. La précocité du diagnostic et de la prise en charge sont les éléments déterminants du pronostic. En effet, on sait maintenant avec certitude que 80% des adultes souffrant de TOC ont débuté leur trouble dans l’enfance ou l’adolescence (âge moyen 11 ans), mais le plus souvent, la demande d’aide n’est survenue que vers 24 ans, le diagnostic correct seulement posé à 30, et le traitement démarré à 31 ans.

Les obsessions les plus fréquentes chez l’enfant

Mais le diagnostic du TOC infantile n’est pas toujours aussi simple que chez l’adulte. Selon le DSM IV, il faut à la fois des obsessions et des compulsions. Mais il n’est pas rare, surtout en début d’évolution, d’observer des rituels compulsifs en absence d’obsessions identifiables. Quelles sont les obsessions les plus fréquentes chez l’enfant ?

Ce sont essentiellement des peurs de ne pas être conforme aux attentes de l’entourage. On retrouve fréquemment des peurs de contamination ou de souillure (40%), des peurs qu’il arrive malheur (à soi ou aux proches)(24%), des peurs d’oublier quelque chose ou de faire des erreurs (17%) et, plus tardivement, des besoins de symétrie et de rangement, des peurs d’avoir des pensées interdites et le besoin de dire des phrases précises ou des prières. Les enfants restent longtemps ignorants du caractère anormal de ces idées et n’en parlent que rarement à leur entourage. L’entourage ne repère habituellement les TOC que quand apparaissent les compulsions. Chez l’enfant, on retrouve fréquemment des rituels de lavage (85%), des répétitions de mots ou de gestes (51%), des besoins de toucher un objet ou une personne (20%). Plus tardivement, on trouve des rituels de vérifications, de faire des listes, de ranger soigneusement, de réciter des prières... L’enfant banalise le trouble et ne le pense pas indésirable, et donc, ignorant qu’il s’agit d’une maladie, il n’en parle pas à son entourage ce qui retarde la prise en charge.

Chez les enfants, les obsessions et compulsions sont multiples et fluctuantes (jusqu’à 20 TOC concomitants et évoluant indépendamment). On retrouve souvent une implication de l’entourage familial dans les rituels avec parfois attitudes autoritaires et tyranniques de l’enfant (surtout vis à vis de la mère et de la fratrie. Le mode d’entrée diagnostique le plus fréquent intervient lors de crises de colère en apparence inexpliquées qui amènent les parents à faire consulter leur enfant « caractériel ». On découvre alors, en creusant un peu, que la colère intervient en cas d’interruption par l’entourage des rituels ou des obsessions idéatives, « obligeant » l’enfant à tout reprendre jusqu’à l’épuisement...

A l’inverse, de nombreuses émissions de télévision ont fait découvrir le diagnostic de TOC infantile à certaines mères anxieuses, ce qui en fait une demande de consultation par effet de « mode ». Il convient donc de bien distinguer le normal du pathologique. S’il est normal et banal qu’un enfant de 3 ou 4 ans ritualise pendant 10 minutes son coucher en demandant histoire, verre d’eau, câlin de papa puis de maman avant un nouveau bisou, il est plus préoccupant de voir un jeune de 10 ans rangeant sa chambre tous les soirs, alignant ses chaussures et vérifiant lumières et portes pendant une heure avant de se coucher ( j’ai même rencontré une ado qui voulait chaque soir vérifier le gaz dans un appartement où tout était électrique.....)

NORMAL

banales et admises (rituel du coucher)
brèves, limitées dans le temps
facile de s’en distraire
contrôle facile
peu de conduite d’évitement
pas de handicap ni de souffrance psychique
pas de crises ou de colère
pas de retentissement familial


PATHOLOGIQUE

sophistiquées et complexes
longues (1 à plusieurs heures par jour)
tenaces, persistantes
contrôle difficile voire impossible
conduites d’évitement invalidantes
handicap relationnel, familial, scolaire
accès de colères fréquents et intenses
retentissement familial majeur : crises, rejet
D'après Hantouche E. et Kochman F.

Traitement des enfants souffrant de TOC

Diverses prises en charges sont utilisées en France avec plus ou moins de succès (psychanalyse, psychothérapie familiale analytique, thérapies familiales systémiques, pharmacothérapie en particulier la Sertraline® chez l’enfant jeune, thérapies cognitivo-comportementales). Pour ma part , après des résultats souvent mitigés en utilisant uniquement de l’hypnose assez directe, j’ai été assez déçu de ne trouver aucune piste d’inspiration chez Erickson ni les Ericksonniens...

La littérature sur les TOC faisant en permanence référence aux thérapies cognitivo-comportementales comme seul traitement ayant prouvé son efficacité sur les TOC chez l’adulte, j’ai cherché à comprendre ce que proposaient les comportementalistes chez l’enfant et l’adolescent. Depuis 1996, March et Mulle proposaient chez les adolescents un outil cognitivo-comportemental efficace (bien que très rigide et stéréotypé), mais difficilement utilisable chez l’enfant d’âge préscolaire. Même dans un contexte de thérapies dites brèves, la prise en charge d’un TOC de l’enfant est un travail lourd, long et astreignant. Il nécessite souvent de 25 à 30 séances sur 6 mois à 1 an et une grande disponibilité tant de la part des parents, de l’enfant, que du thérapeute.

L’inspiration éricksonienne pour librement adapter ce protocole en tenant compte des contraintes techniques liées à l’âge et de la nécessité personnelle de travailler confortablement et en souplesse m’ont amené, après bien des tâtonnements, à utiliser une approche mixte. J’utilise la trame cognitivo-comportementale lourde et rigide (mais très sécurisante pour les enfants ayant des TOC et pour leurs parents), en y incluant l’hypnothérapie pour favoriser l’exposition avec prévention de la réponse. Cette technique est facilement utilisable pour un éricksonien habitué à travailler avec des enfants et s’avère étonnement efficace.

Une fois le diagnostic posé, je trouve extrêmement intéressant de rencontrer l’enfant avec les deux parents et de leur présenter la suite de la prise en charge sous forme d’un protocole très structuré (intérêt majeur pour rassurer les familles et l’enfant en leur proposant un outil formaté, prévisible et quasi obsessionnel qui devient presque une « prescription de symptôme » de tout contrôler ), inspiré de March et Mulle.

- Séance 1 : Établir le TOC comme une maladie ( une fois le diagnostic posé, il s’agit d’expliquer à l’enfant et à sa famille ce qu’est le TOC).

- Semaine 2 et 3 : “Cartographier” le TOC (il s’agit de demander à l’enfant et à ses parents de faire un « audit » des tous les troubles présents sur une durée de 24 h : idées, gestes, paroles, avec les horaires précis, la durée, le nombre de fois, etc.). Il n’est pas rare d’avoir à faire refaire ce travail fastidieux qui est indispensable pour élaborer la stratégie thérapeutique ultérieure. C’est un préalable indispensable car il permettra de définir et de quantifier le point de départ et de suivre l’évolution par des audits ultérieurs (Child Y-BOCS, échelle de Leyton).

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1ère partie : hypnose pour l’enfant douloureux 
Introduction ; recherches scientifiques clefs, avantages généraux de l’hypnose chez l’enfant douloureux (Chantal Wood) 
Avantages de l’autohypnose et comment la proposer et suivre l’enfant (Isabelle Ignace) 
Illustrations dans l’urgence et dans la durée (Thierry Moreaux) 
Ce que l’hypnose modifie dans la relation entre soignant et soigné douloureux (Chantal Wood) 

2ème partie: l'enfant et le monde 
Déliances de l’enfance, reliances de l’adulte (Armelle Touyarot et Félix Benchimol) 
Histoire de mère, histoire de bébé (Isabelle Stimec) 
Double hommage à D. Stern (Luc Farcy. Stefano Colombo) 
Un père raconte (Jean-Michel Hérin) 
Le monstre dans la littérature fantastique (Didier Lafargue) 
TOC chez l'enfant (Jean-François Marquet) 
Hypnose solutionniste en pédiatrie ambulatoire (Hervé Fischer et Dominique Farges-Queraux) 
De la pratique thérapeutique à l’art de vivre (Isabelle Celestin Lhopiteau) 

3ème partie: l'enfant : un être de projet 
L'importance de la relation en hypnothérapie avec l'enfant (Antoine Bioy, Chantal Wood)) 
Mon Alter Héros (Maxime Lamourette) 

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Rédigé le 06/08/2018 à 19:11 | Lu 1919 fois | 0 commentaire(s) modifié le 09/09/2018




Sophie Tournouër, Psychologue clinicienne, Hypnothérapeute et Thérapeute Familiale. praticienne… En savoir plus sur cet auteur
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