« Retrouver le patient là où il est » demande de l’observation, de l’écoute, de la « présence thérapeutique », de l’imagination, de la créativité et de l’audace.
« Retrouver le patient là où il est » est un appel aussi à retrouver les ressources du patient, à les activer et surtout l’autorise à ouvrir ses propres perceptions. C’est probablement dans la seule « présence thérapeutique » que le praticien trouvera la bonne posture et la bonne distance pour retrouver le patient là où il est.
Cette présence thérapeutique est cette attitude d’écoute et d’observation intense dans laquelle le praticien abandonne son savoir, ses présupposés et ses avis diagnostiques pour rentrer en correspondance avec son patient.
C’est dans cette attitude singulière qu’il trouvera le point d’appui d’un dialogue ouvert, que son imagination s’ouvrira et que les suggestions directes ou indirectes (qu’importe) trouveront un éclairage et un écho pour percevoir et accepter le changement. Tout cela n’est pas facile et demande un travail de la part du praticien. Je souhaite vous faire partager quelques expériences récentes dans le cadre d’une consultation médicale centrée sur une prise charge « hypnotique et non médicamenteuse ».
Observation 1 : qui est cette personne ?
Madame J. est une patiente de 65 ans. Je ne la connais pas. Elle arrive élégante, elle ne présente aucun surpoids. Elle a une maladie chronique rhumatologique depuis plusieurs années et n’arrive pas à accepter le diagnostic, les traitements et son évolution. Elle vient me voir dans ce cadre, avant une nouvelle intervention chirurgicale. En effet, elle a dû bénéficier précédemment de quelques interventions chirurgicales pour des remplacements articulaires. Elle présente des déformations articulaires, quelques douleurs bien contrôlées par des antalgiques non morphiniques, son état général est conservé, sa mobilité également et reste satisfaisante pour elle. Elle vit avec un homme bien plus âgé, peu mobile, mais ayant gardé une grande puissance intellectuelle. Ils n’ont pas d’enfant. Ils sont « bio » et « végétariens ». Elle conserve une activité associative et intellectuelle soutenue. C’est une ancienne enseignante.
En fait et pour résumer, « elle rumine le diagnostic ». Elle n’accepte pas cette maladie inflammatoire qui évolue par poussées, qui demande un suivi, une adaptation thérapeutique régulière et dont l’évolution l’amènera progressivement à une réduction de sa mobilité, et probablement à une escalade thérapeutique médicamenteuse. Elle est à l’arrêt, comme figée sur ce diagnostic tout en gardant une certaine activité, qu’elle décrit comme une obligation et non comme une satisfaction ou un plaisir.
Je connais ce contexte des maladies chroniques de type diabétique, vasculaire où rhumatologique. Mes activités cliniques et anesthésiques m’ont permis d’accompagner ces patients dans leurs parcours de soins et j’ai vu les escalades thérapeutiques et les conséquences.
Au cours de cette rencontre et dans nos échanges, elle me dit : « Je sais, c’est à moi de trouver la solution, je n’y arrive pas. » Je lui propose de nous arrêter quelques instants sur cette phrase, en silence1. Cela lui convient.
La solution pour accepter, pour vivre et se mettre en mouvement. « La solution », comment la trouver, la ressentir, la percevoir alors qu’on la cherche depuis quelques années et cela sans réponse, sans ouverture et sans solution.
La solution : nous poursuivons notre entretien et je lui propose d’imaginer une promenade dans les rayons d’une librairie ou d’un grand magasin dans lequel l’étalage des livres est très important (à chacun de choisir son lieu et son enseigne). Cela lui convient.
« Il y a peut-être dans cette librairie un livre qui donnera des solutions. »Je suis assis à côté d’elle, elle s’est installée dans le fauteuil confortablement comme elle le souhaite.
« Regardez simplement, ne cherchez rien de précis, flânez pour le plaisir des yeux, pour l’ambiance et naturellement pour prendre du temps pour vous sans rien faire de particulier, juste pour être là.“Chinez”, je vous accompagne dans ces rayons. » Je lui propose un petit geste du doigt lorsqu’elle est bien installée dans
ce lieu et dans cette posture.
« Naviguez au gré de votre regard, attentive au lieu, aux couleurs, à l’atmo-
sphère, à l’ambiance, ressentez la présence des autres personnes autour de vous, écoutez quelques conversations sans y prêter une attention particulière : vous êtes simplement là. » Quelques temps de silence accompagnent mes propositions.Toutestlent.
« Regardez, posez votre regard sur ce livre là-bas : il est écrit sur la tranche “Solutions”. Silence... Rapprochez-vous, regardez attentivement, il n’y a pas d’auteur, seulement le nom d’une grande et célèbre maison d’édition. Le livre est très beau, n’est-ce pas, une belle reliure et une jolie couleur. Rapprochez-vous encore un peu, regardez-le et prenez-le. Tournez-le encore, observez la quatrième de couverture, cherchez le nom de l’auteur. Il n’y a rien. Aucun texte de présentation, aucun auteur. Il n’y a qu’une seule indication, le titre :“Solutions”. Encore des temps de silence... Voyez, Il n’y a qu’un exemplaire dans le rayonnage. Ouvrez ce livre, feuilletez- le, il n’y a aucun texte, aucun dessin et aucune indication. 150 pages de feuilles blanches. » Je la laisse libre de poursuivre son chemin, je reste en silence. Elle me confie : « Je suis étonnée, je regarde autour de moi et j’attends quelques minutes. Puis je me dirige à la caisse du magasin pour payer et partir avec le livre dans mon sac. » Nous restons en silence.
A la fin de notre séance, la femme me dit : « J’ai compris, c’est à moi d’écrire et de construire mes solutions. ». Je lui réponds : « Mettez-vous comme auteur et il sera publié chez un très bon éditeur dans une belle collection. » Je lui laisse toutes les possibilités pour venir me revoir si elle le désire.
Discussion : j’entends les commentaires, « Galy nous reparle de feuille blanche, il passe d’une feuille à un livre ». Je persiste. Aller chercher le malade là où il est et activer ses ressources.
Dans cette simple observation, dans ce premier entretien, je ne con- naissais rien de cette patiente et je n’avais aucune stratégie thérapeutique. Je me suis mis à l’écoute, en observation et ouvert à toutes les propositions que la patiente me proposait dans notre entretien. Je n’avais aucun script sur le bureau, aucun livre de recette thérapeutique m’indiquant ce que je devais faire ou ne pas faire. Deux choses sont venues : le contexte de cette femme à la grande curiosité intellectuelle et ce mot « solution ». Je n’avais pour ma part pas de solution.
Il nous faut activer les ressources du patient et surtout le laisser libre de trouver son chemin3. Simplement suggérer, ne rien imposer. C’est dans ce cadre que je me situe. Il n’y a rien à faire, simplement rentrer en cor- respondance avec le patient dans un rapport d’égal à égal dans lequel tout est possible. Accepter cette rencontre avec sincérité et loyauté.
Que dire de ce livre blanc ?
Il fait probablement suite à la « feuille blanche » comme je peux l’entendre, que j’ai décrite à plusieurs reprises et que j’utilise au bloc opératoire dans les gestes techniques et l’accompagnement des patients au cours des interventions sous anesthésie locorégionale.
« Abandonnez la solution pour la trouver »
Pour la suite de l'article de ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves, cliquez ici
« Retrouver le patient là où il est » est un appel aussi à retrouver les ressources du patient, à les activer et surtout l’autorise à ouvrir ses propres perceptions. C’est probablement dans la seule « présence thérapeutique » que le praticien trouvera la bonne posture et la bonne distance pour retrouver le patient là où il est.
Cette présence thérapeutique est cette attitude d’écoute et d’observation intense dans laquelle le praticien abandonne son savoir, ses présupposés et ses avis diagnostiques pour rentrer en correspondance avec son patient.
C’est dans cette attitude singulière qu’il trouvera le point d’appui d’un dialogue ouvert, que son imagination s’ouvrira et que les suggestions directes ou indirectes (qu’importe) trouveront un éclairage et un écho pour percevoir et accepter le changement. Tout cela n’est pas facile et demande un travail de la part du praticien. Je souhaite vous faire partager quelques expériences récentes dans le cadre d’une consultation médicale centrée sur une prise charge « hypnotique et non médicamenteuse ».
Observation 1 : qui est cette personne ?
Madame J. est une patiente de 65 ans. Je ne la connais pas. Elle arrive élégante, elle ne présente aucun surpoids. Elle a une maladie chronique rhumatologique depuis plusieurs années et n’arrive pas à accepter le diagnostic, les traitements et son évolution. Elle vient me voir dans ce cadre, avant une nouvelle intervention chirurgicale. En effet, elle a dû bénéficier précédemment de quelques interventions chirurgicales pour des remplacements articulaires. Elle présente des déformations articulaires, quelques douleurs bien contrôlées par des antalgiques non morphiniques, son état général est conservé, sa mobilité également et reste satisfaisante pour elle. Elle vit avec un homme bien plus âgé, peu mobile, mais ayant gardé une grande puissance intellectuelle. Ils n’ont pas d’enfant. Ils sont « bio » et « végétariens ». Elle conserve une activité associative et intellectuelle soutenue. C’est une ancienne enseignante.
En fait et pour résumer, « elle rumine le diagnostic ». Elle n’accepte pas cette maladie inflammatoire qui évolue par poussées, qui demande un suivi, une adaptation thérapeutique régulière et dont l’évolution l’amènera progressivement à une réduction de sa mobilité, et probablement à une escalade thérapeutique médicamenteuse. Elle est à l’arrêt, comme figée sur ce diagnostic tout en gardant une certaine activité, qu’elle décrit comme une obligation et non comme une satisfaction ou un plaisir.
Je connais ce contexte des maladies chroniques de type diabétique, vasculaire où rhumatologique. Mes activités cliniques et anesthésiques m’ont permis d’accompagner ces patients dans leurs parcours de soins et j’ai vu les escalades thérapeutiques et les conséquences.
Au cours de cette rencontre et dans nos échanges, elle me dit : « Je sais, c’est à moi de trouver la solution, je n’y arrive pas. » Je lui propose de nous arrêter quelques instants sur cette phrase, en silence1. Cela lui convient.
La solution pour accepter, pour vivre et se mettre en mouvement. « La solution », comment la trouver, la ressentir, la percevoir alors qu’on la cherche depuis quelques années et cela sans réponse, sans ouverture et sans solution.
La solution : nous poursuivons notre entretien et je lui propose d’imaginer une promenade dans les rayons d’une librairie ou d’un grand magasin dans lequel l’étalage des livres est très important (à chacun de choisir son lieu et son enseigne). Cela lui convient.
« Il y a peut-être dans cette librairie un livre qui donnera des solutions. »Je suis assis à côté d’elle, elle s’est installée dans le fauteuil confortablement comme elle le souhaite.
« Regardez simplement, ne cherchez rien de précis, flânez pour le plaisir des yeux, pour l’ambiance et naturellement pour prendre du temps pour vous sans rien faire de particulier, juste pour être là.“Chinez”, je vous accompagne dans ces rayons. » Je lui propose un petit geste du doigt lorsqu’elle est bien installée dans
ce lieu et dans cette posture.
« Naviguez au gré de votre regard, attentive au lieu, aux couleurs, à l’atmo-
sphère, à l’ambiance, ressentez la présence des autres personnes autour de vous, écoutez quelques conversations sans y prêter une attention particulière : vous êtes simplement là. » Quelques temps de silence accompagnent mes propositions.Toutestlent.
« Regardez, posez votre regard sur ce livre là-bas : il est écrit sur la tranche “Solutions”. Silence... Rapprochez-vous, regardez attentivement, il n’y a pas d’auteur, seulement le nom d’une grande et célèbre maison d’édition. Le livre est très beau, n’est-ce pas, une belle reliure et une jolie couleur. Rapprochez-vous encore un peu, regardez-le et prenez-le. Tournez-le encore, observez la quatrième de couverture, cherchez le nom de l’auteur. Il n’y a rien. Aucun texte de présentation, aucun auteur. Il n’y a qu’une seule indication, le titre :“Solutions”. Encore des temps de silence... Voyez, Il n’y a qu’un exemplaire dans le rayonnage. Ouvrez ce livre, feuilletez- le, il n’y a aucun texte, aucun dessin et aucune indication. 150 pages de feuilles blanches. » Je la laisse libre de poursuivre son chemin, je reste en silence. Elle me confie : « Je suis étonnée, je regarde autour de moi et j’attends quelques minutes. Puis je me dirige à la caisse du magasin pour payer et partir avec le livre dans mon sac. » Nous restons en silence.
A la fin de notre séance, la femme me dit : « J’ai compris, c’est à moi d’écrire et de construire mes solutions. ». Je lui réponds : « Mettez-vous comme auteur et il sera publié chez un très bon éditeur dans une belle collection. » Je lui laisse toutes les possibilités pour venir me revoir si elle le désire.
Discussion : j’entends les commentaires, « Galy nous reparle de feuille blanche, il passe d’une feuille à un livre ». Je persiste. Aller chercher le malade là où il est et activer ses ressources.
Dans cette simple observation, dans ce premier entretien, je ne con- naissais rien de cette patiente et je n’avais aucune stratégie thérapeutique. Je me suis mis à l’écoute, en observation et ouvert à toutes les propositions que la patiente me proposait dans notre entretien. Je n’avais aucun script sur le bureau, aucun livre de recette thérapeutique m’indiquant ce que je devais faire ou ne pas faire. Deux choses sont venues : le contexte de cette femme à la grande curiosité intellectuelle et ce mot « solution ». Je n’avais pour ma part pas de solution.
Il nous faut activer les ressources du patient et surtout le laisser libre de trouver son chemin3. Simplement suggérer, ne rien imposer. C’est dans ce cadre que je me situe. Il n’y a rien à faire, simplement rentrer en cor- respondance avec le patient dans un rapport d’égal à égal dans lequel tout est possible. Accepter cette rencontre avec sincérité et loyauté.
Que dire de ce livre blanc ?
Il fait probablement suite à la « feuille blanche » comme je peux l’entendre, que j’ai décrite à plusieurs reprises et que j’utilise au bloc opératoire dans les gestes techniques et l’accompagnement des patients au cours des interventions sous anesthésie locorégionale.
« Abandonnez la solution pour la trouver »
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Dr MARC GALY
Ancien interne des hôpitaux. Anesthésiste réanimateur - hypnopraticien. Adjoint du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph. Responsable d’anesthésie du Service de chirurgie vasculaire.
Ancien interne des hôpitaux. Anesthésiste réanimateur - hypnopraticien. Adjoint du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph. Responsable d’anesthésie du Service de chirurgie vasculaire.
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- Éditorial : De la douleur à la douceur ? M. Arnaud
- Fibromyalgie. A. Vallée
- Douleurs traumatiques. G. Chaboud
- Hypnose et recherche. A. Vanhaudenhuyse et M.-E. Faymonville
- Rééducation et hypnose. V. Monfort
- La présence. M. Galy
- Blessures de tennis. V. Dasle
- La douleur chronique. B. Dubos
- Mon banal de la douleur. A. Bioy
- Communication thérapeutique. E. Boselli
- Éditorial : P. Houssel
- Césarienne naturelle. F. Bernard
- Gant analgésique. X. Paqueron
- L’hypnose périopératoire. F. Roelants et C. Watremez
- Soins dentaires chez l’enfant. C. Martin
- Curiethérapie. E. Rigal
- Hypnose et anesthésie. F. Hamon
- Une conteuse au bloc opératoire. A. Khaled
- Aux Urgences. N. Guler et S. Weber
- Pédiatrie, dans un bloc opératoire. M. Marchal
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- Éditorial : De la douleur à la douceur ? M. Arnaud
- Fibromyalgie. A. Vallée
- Douleurs traumatiques. G. Chaboud
- Hypnose et recherche. A. Vanhaudenhuyse et M.-E. Faymonville
- Rééducation et hypnose. V. Monfort
- La présence. M. Galy
- Blessures de tennis. V. Dasle
- La douleur chronique. B. Dubos
- Mon banal de la douleur. A. Bioy
- Communication thérapeutique. E. Boselli
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- Curiethérapie. E. Rigal
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