L'intervalle d’une thérapeutique par l'hypnose


Entre deux états figés
Par le Dr Catherine BOUCHARA Médecin. Praticien attaché, consultation d’hypnose à la Pitié Salpêtrière



Atelier du non savoir, questions de laboratoire autour de l’intervalle, de l’entre-deux bornes, entre deux états. On évoque d’une part les deux personnalités alternantes dans une dissociation pathologique, et à l’autre borne, la dissociation en tant que zone thérapeutique d’un travail sous hypnose.

Comment explorer dans l’entre deux mondes et trouver l’accès, comme on trouve la voie d’abord en chirurgie, l’accès de l’être et de l’agir dans le jeu subtil de frontières, entre connu et inconnu.

Comment explorer l’ouverture à la réassociation, les points de croisement de séparation ou de fusion entre dissociation et réassociation, terreau thérapeutique, levier du changement, le cœur thérapeutique de l’hypnose. Comment utiliser un état A, un état B et l’intervalle ? L’intervalle ? Intervalle entre état de veille et état de sommeil, entre état de conscience modifié et état de conscience ordinaire, entre l’ici et l’ailleurs, entre dissociation et réassociation, quel passage de l’un à l’autre, s’agit-il de deux états en parallèle, en simultané, ou encore reliés dans un processus d’interaction comme on le décrit en systémique ?

Dans l’intervalle entre les entrées et sorties de transe, où sont-ils et que s’y passe-t-il ? Est-ce l’espace de transformation du travail thérapeutique ?

Quel sillon commun entre le Trouble d’Identité Dissocié, trouble dissociatif et dissociation provoquée dans l’approche thérapeutique par l’hypnose ? Que peut-on en apprendre ?

Les troubles de l’identité dissociée, liés à des réminiscences traumatiques, ont été décrits dans la littérature du XIXe siècle comme deux états fixes, parfaitement étanches, sans aucun système communicant. Etat A, état B, disait Charcot pour nommer les deux personnalités alternantes.

Ces personnalités doubles, dans l’état A et l’état B, forment une longue chaîne, celle de ceux qui « dorment alors qu’ils paraissent parfaitement éveillés ».

Le sergent de Bazeilles en est un maillon, ce « somnambule fermé au monde », anesthésié depuis sa blessure sur un champ de bataille à Sedan. Il oscille entre sa personnalité première et une seconde personnalité, entre deux états fixés soit en A soit en B, sans interaction, mais qu’est ce qui prouve une séparation totale ?

Des « deux existences séparées » de Félida étudiée par Azam, sa seconde vie, sa seconde personnalité, Azam la compare à un texte, et ses absences, aux feuilles déchirées d’un livre. Pierre Janet somme Lucie de nommer son autre personnalité, il poursuit un objectif thérapeutique, il cherche à faire interagir l’état A et l’état B. Lucie se résout, elle fait apparaître Adrienne sous écriture automatique, mais qui est Adrienne ? La deuxième personnalité de Lucie révélée grâce à la technique de distraction proposée par son thérapeute ou la création induite et suggérée par Pierre Janet ?

A mieux y regarder, ce qui relie les deux personnalités, les deux états A et B, c’est un canal de communication privilégié.

Pour l’un, c’est le tact, le sergent de Bazeille rattrape sa canne tombée au sol. Le toucher le transporte brutalement à nouveau sur le champ de bataille, la canne devient fusil, il crie.

Pour Emile X, c’est la vision. Emile X, le brillant jeune homme, avocat au barreau de Paris exploré par le père de Marcel Proust, Adrien Proust, médecin hygiéniste à la Charité. L’oeil du président du tribunal fixe l’avocat ? Il passe en état B, l’escroc fait en douce les poches du greffier. Son regard croise le miroir d’une salle de restaurant ? Il fugue à Troyes, et vole. Il sera condamné puis délivré par un non lieu….

De ces personnalités alternantes aux troubles des personnalités multiples étudiés dans le cadre des syndromes post traumatiques, les dérives sont décrites par Sherryl Mulern. Qu’en est-il aujourd’hui de la recherche identitaire contemporaine ?

REPÉRAGES, L’ÉTAT A, L’ÉTAT B

Les états fixes et figés peuvent se repérer autant dans l’addiction du joueur de Dostoïevski, que s’actualiser dans les jeux de rôles. De la cape de Batman à la blouse blanche de médecin qu’on ne sait plus quitter, la fonction se fige, totalement envahissante, ça prend la place de l’être.

D’autres encore frôlent la confusion identitaire dans les jeux virtuels sur Internet. Quand le joueur ne maîtrise plus ni le temps ni l’espace, écarte tout lien au monde, suspendu à son double graphique et numérique créé au jeu des « second life ».

La personnalité première totalement envahie par l’avatar virtuel, en confusion identitaire entre la réalité et le virtuel, le sujet cherche à maintenir l’étanchéité des mondes. Pour Anshe Chung, allemande d’origine chinoise et son avatar, ni addiction, ni confusion identitaire, mais une maîtrise du jeu. Elle et son avatar passent et repassent entre les mondes, d’une multinationale virtuelle à une société réelle basée en Chine, Anshe Chung maîtrise l’alias, surfe avec son avatar et s’adapte.

L’HYPNOSE CLINIQUE ET LES ÉTATS FIGÉS

Deux états figés, une perte de mobilité, que se passe-t-il quand la douleur ou l’angoisse qui s’était tue ressurgit dans un point précis du corps, toujours le même ? Quand le langage du corps oblitère tout autre contact, la boule dans la gorge, la sensation de suffocation, le mal de ventre, la contracture. Comment se fait le transfert, l’irruption du mal être dans un organe ? A partir de quel signal ? Le plus souvent c’est à l’occasion d’un rappel traumatique. Quel passage et dans quel intervalle réservé entre A et B se réfugier et reprendre haleine ?

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Rédigé le 01/08/2018 à 00:53 | Lu 370 fois | 0 commentaire(s) modifié le 01/08/2018




Sophie Tournouër, Psychologue clinicienne, Hypnothérapeute et Thérapeute Familiale. praticienne… En savoir plus sur cet auteur
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