L’hypnose pour arrêter de fumer.


Avec le patient pour guide. Jean-Marc Benhaiem.
Le recueil des techniques et méthodes pour arrêter de fumer laisse apparaître une grande diversité de procédés



Certaines prennent appui sur une dépendance pharmacologique qu’il faudrait défaire. D’autres sur des comportements ritualisés à rééduquer. Certaines prennent appui sur la peur de la maladie qui ferait fuir le fumeur, d’autres sur la jouissance d’une liberté retrouvée.

Certains fumeurs sortent d’une consultation antitabac avec une ordonnance chargée de médicaments, d’autres avec une liste fournie de conseils adaptés, et d’autres encore n’ont eu droit qu’à quelques incantations et gestes. Pourquoi une telle disparité dans les approches ? Les résultats thérapeutiques ne sont, souvent, pas connus. Lorsqu’il y a succès, il est attribué à la méthode par son promoteur, et ce même succès est attribué à l’effet placebo par les tenants d’une médecine dite scientifique.

Si l’on interroge les fumeurs sur la méthode qu’ils préféreraient pour arrêter de fumer, une certaine sélection s’opère entre ceux qui sont tentés par une approche pharmacologique et ceux qui opteraient pour toute méthode non pharmacologique. Sans oublier ceux qui envisagent de s’arrêter seul et qui constituent un groupe important.

Il semble que les méthodes antitabac correspondent aux désirs des patients et de leurs thérapeutes. Les multiples nuances dans les traitements laissent entrevoir les différences de personnalités et de conceptions. L’exemple le plus frappant est celui de la dépendance à la nicotine. Certains chercheurs y attachent la plus grande importance, ce qui justifie les thérapies de substitution nicotinique, d’autres la trouvent négligeable au regard des dépendances gestuelles, comportementales. Il n’y aurait donc pas de bonne méthode dans l’absolu. Une bonne méthode serait celle qui aurait l’aval du patient et celui de son thérapeute.

Pour bien faire, un centre antitabac devrait pouvoir proposer une grande diversité de traitements à ses consultants pour « aller » là où le patient a toute chance de guérir. Mais pour être efficace, le thérapeute doit aussi être convaincu de l’efficacité de ce qu’il propose. Pour un praticien qui affiche son intérêt pour l’hypnose et qui la pratique, la sélection des patients s’effectue d’elle-même. Seuls ceux qui seront tentés par des approches non pharmacologiques iront le consulter. Lui sont ainsi évitées les explications et les justifications de l’hypnothérapie qui amenuiseraient sa crédibilité.

L’originalité de l’hypnose.

La pratique de l’hypnose dépend de la formation du thérapeute et de sa personnalité. Toutefois, il est possible de dégager quelques constantes. Les voici énumérées. L’interrogatoire du fumeur, même s’il peut être bref, est déterminant pour le soin. La séance d’hypnose va prendre appui sur les croyances du fumeur et sur le mouvement qui lui a permis de consulter.

Position du patient.

Un patient qui consulte est une personne en mouvement. Il s’est placé sur le chemin et envisage une guérison. Il prend le risque de guérir. A l’opposé, les fumeurs qui ne consultent pas refusent toute expérience ; ils sont immobiles, ils décrètent « qu’ils ne sont pas prêts ».1 Le travail du thérapeute consiste à reconnaître ce mouvement dans le but de l’accompagner. Il faut un témoin du changement. Si nous prenons l’image d’un labyrinthe, nous pouvons visualiser les différentes positions.

Les fumeurs qui ne consultent pas (encore) tournent sans fin dans ce labyrinthe et parfois jusqu’à la mort ; les fumeurs qui consultent tentent une échappée et se présentent à la sortie du labyrinthe. Là, ils se posent diverses questions :
- Ai-je raison de sortir ?
- Qui peut m’accompagner et être le témoin de cette aventure ?
- Ce labyrinthe m’est familier mais le monde extérieur m’est inconnu !
- Vais-je apprécier la vie hors du labyrinthe ? Est-ce que la vie est plus belle au dehors ?
- Ai-je ma place à l’extérieur ?
- Que va penser mon entourage ?

Le ou la patiente tabagique a très certainement l’intuition que son problème est presque réglé et tente une expérience de changement. Le patient se sent gagnant dans cette opération ; il a une anticipation positive de sa nouvelle vie sans tabac. Il continuera d’avancer si le thérapeute répond bien à ses attentes conscientes et celles non conscientes.

Position du thérapeute.

Sa posture est indéfinissable ou plus exactement elle est définie par des paradoxes. Il veut aider son patient, mais doit rester détaché du but et de l’objectif. Il est très bien formé et informé mais reste simple et étonné de tout. Il est confiant dans son patient, mais doute que ce soit le bon jour et le bon moment. Il est sûr que tout fumeur peut arrêter de fumer, mais hésite en pensant aux statistiques. Il oscille entre le simple et le complexe. Comme l’écrit François Roustang : « Le thérapeute n’a aucun socle défini sur lequel il pourrait prendre appui. » Il se laisse guider par le discours du patient et intervient là où il repère des blocages.

Un détournement de l’attention ou une dissociation ? La dissociation fait perdre un certain nombre de perceptions au bénéfice d’autres sur lesquelles l’attention est attirée. Pour un temps l’attention est portée vers l’extérieur. Elle est détournée du corps, de l’intérieur. Si l’attention ne revient pas vers la personne et son corps, une dissociation s’installe spécifiquement en rapport avec ce qui est fixé. Dans le cas du tabagisme, la dissociation atteint les organes qui ont détecté l’anomalie : les poumons, la peau, l’odorat et tant d’autres qui envoient des messages d’alerte et de souffrance qui ne seront pas perçus profondément.

La séance d’hypnose.

La séance d’hypnose est un jeu comprenant une série d’exercices répondant aux croyances et au discours des patients. Là également, il n’existe pas de règles bien définies. Par exemple, si le patient voit le tabac comme un plaisir, il peut lui être proposé de le ressentir comme une souffrance en ressentant sa gorge ou ses poumons. Il se réassocie à son corps. S’il ressent le tabac comme un délassement, il peut lui être proposé d’apprendre à se détendre sans fumer, ou de ressentir le tabac comme une anxiété ou une agression. Les patients consultent parce qu’ils sont d’accord pour jouer. Voici quelques exemples de ce qui peut leur être proposé.

Ce qui est spécifique de l’hypnose...


Dr JEAN-MARC BENHAIEM Médecin hypnothérapeute, praticien au Centre de traitement de la douleur à l’Hôtel-Dieu (Paris). A travaillé pendant vingt ans avec François Roustang. Dirige le diplôme universitaire d’Hypnose médicale à Paris-VI - Pitié-Salpêtrière et a publié plusieurs livres autour de la pratique de l’hypnose en médecine chez Odile Jacob (L’hypnose ou les portes de la guérison, avec François Roustang), Albin Michel et In Press.


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Rédigé le 12/05/2020 à 10:15 | Lu 782 fois | 0 commentaire(s) modifié le 27/02/2024




Florent HAMON. Hypnothérapeute, Praticien EMDR, Infirmier anesthésiste à Paris. Chargé de… En savoir plus sur cet auteur
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