L'art de la joie par le Dr Thierry Servillat.


Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°6
La préparation de ce Hors-Série sur Milton H. Erickson a été pour moi une expérience plutôt singulière : un état de transe m’a habité, au fur et à mesure, de plus en plus constamment et intensément au cours de sa préparation. Un état qui, finalement, m’a suggéré d’écrire au maître.



Cher Milton,

Voici donc ce numéro spécial d’« HYPNOSE & Thérapies brèves » qui t’es dédié. Avec Patrick, nous l’avons conçu comme un travail essentiel. Simplement parce que tu es quelqu’un d’essentiel pour nous.

Ta fille Roxanna et ton élève Jeffrey ont eu la chance de te connaître et ont fait de leur mieux pour pouvoir te faire imaginer à nos lecteurs.

Dominique, qui t’a si longuement étudié et continue inlassablement, s’est fait un point d’honneur de trouver le temps de te refaire le portrait, quatorze ans après le livre formidable qu’il avait écrit sur toi. Patrick te connaît bien aussi, car il vit avec la nature ce lien si fort qui te faisait trouver en elle des solutions pour tes patients. Michel aussi est là enfin, qui m’a communiqué, transmis ce que j’ai compris de plus précieux dans ta démarche thérapeutique : la joie créative.

Il paraît que tu disais volontiers que tu n’étais ni optimiste ni pessimiste. Avec ça, tu en as confusionné plus d’un dans les années 1960 et 1970 ! Tu sais, aujourd’hui nous vivons des temps d’inquiétude. Ta belle nature est plus que jamais menacée. L’écologie de l’esprit de ton ami Gregory est envahie par les prescriptions de psychotropes faites par des thérapeutes pressés. Toi qui disais, pour illustrer ta conception simplissime et naturelle de l’hypnose, que si on garde un patient deux heures, il va forcément entrer en transe, tu vas être un peu triste. Plus personne ne garde si longuement un patient !

A l’hôpital, les médecins sont écrasés par les tâches administratives toujours plus lourdes, et par l’angoisse due à une doctrine bizarre qui règne dans notre pays : le principe de précaution. Pour toi, la précaution n’était pas un principe mais une évidence éthique. Et elle ne signifiait pas peur de la loi mais présence attentive au patient !

Dans la pratique privée, que tu as connue aussi, c’est différent, on est quand même plus libre. Mais beaucoup de nous en bavent. Beaucoup de médecins se découragent. Et, comme dans ton pays, de moins en moins de psychiatres font de la psychothérapie !

Cher Milton, si tu vivais avec nous, tu serais pourtant heureux de voir que l’hypnose s’impose malgré cela, peu à peu, dans le monde scientifique dont tu t’es inlassablement réclamé. Les neurosciences te fascineraient, comme beaucoup d’entre nous. Elles confirment tellement tes intuitions qu’elles te stimuleraient pour imaginer encore d’autres manières d’aider les patients ! Tu nous aiderais sûrement aussi pour construire nos arguments en faveur d’une hypnose libre, non protocolisée. Toi qui a osé si jeune te démarquer de ton maître Clark Hull en prônant le sur-mesure et l’inventivité ! « Toute joie est création, toute création est joyeuse », disait Bergson, dont le succès triomphal du séjour dans ton pays t’était sûrement parvenu durant tes études quelques années plus tard.

A quoi tu as pu répondre : « Le fondement de la joie de vivre est la liberté. » Ah oui, d’accord, je comprends ! Crois-tu que le problème, ou tout du moins la question serait là ? Etre libre ce n’est pas si facile ? Et moi qui croyais que l’hypnose est subversive ! Oui, dis-tu, mais simplement parce qu’elle est faite pour nous libérer ?

Tu sais Milton, les technologies pour priver les humains de liberté se sont considérablement améliorées à mon époque. Les doubles liens de ton ami Gregory ne sont pas tombés aux oubliettes. Le fin du fin dans certaines entreprises – publiques comme privées – c’est d’être obligé de parler à ton chef comme si c’était un copain, tout en ne pouvant plus lui parler comme à un chef quand tu n’es pas d’accord. Les responsabilités c’est mieux quand c’est dilué, bah oui !

En matière de torture, c’est pas mal non plus. On torture ta femme devant toi pour que tu craques. Toi qui disais que le secret du couple durable c’est de prendre plaisir à la joie de l’autre, tu as vite compris ! Enfin bon, moi je continue à dire à mes jeunes patients qui en bavent pour avoir leur premier CDI : « Bienvenue dans le monde des adultes ! » Mais ce n’est pas toujours facile…

Ah oui, Milton, pendant que je t’ai sous la main, dis-moi vite. Pourquoi l’hypnose ce n’est pas facile alors que c’est si simple ? Comme tu ne prends plus de stagiaire, j’en profite ! Je te vois un peu agacé. Tu nous l’as dit cent fois ? OK, d’accord. « Si vous n’êtes pas sûr de vous, vous ne pouvez être sûr de personne. »

Oui Milton, d’accord, mais si… Il n’y a pas de mais ni de si. Dis à tes lecteurs que : « Tout est préférable à un état de doute. » Dis donc, Milton, tu es gonflé quand même…

« C’est celui qui le dit qui l’est. »

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Il s’ouvre avec un double éditorial où Patrick Bellet évoque l’apport du Sage de Phœnix comme celle d’ « Un nouveau Copernic »,
puis Thierry Servillat s’imagine écrire une curieuse lettre à Milton, le maître de « L’art de la joie ».
Roxanna Erickson-Klein livre un texte inédit : « Mon père »,
puis Dominique Megglé, biographe attitré, relit à la lumière de notre époque la vie de « Milton Hyland Erickson., le conquérant immobile ».
Jeffrey Zeig, président de la Fondation Erickson, avec un détaillé « Abécédaire des postures éricksoniennes », nous fait percevoir l’essence de cette approche thérapeutique si peu théorisable.
Patrick Bellet traite ensuite, en nous étonnant, « De la nature végétale de l’hypnose ».
L’ « Erickson’s Touch. Quintessence hypnotique » est détaillée par Richard Van Dyck,
avant que Michel Kerouac envisage Milton H. Erickson comme « Un artiste sauveteur. Comme un visionnaire inouï ».
A l’instar d’Erickson qui s’est affranchi de carcans théoriques, il convient avec Maurice Corcos de considérer avec un bel esprit critique ce nouvel ordre mondial psychiatrique qu’est le DSM !

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Dr Thierry SERVILLAT
Hypnothérapeute, Psychiatre.
Président de l’Institut Milton Erickson Rezé
Conférencier International
Ancien Rédacteur en chef de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
Past-Président de la CFHTB, Confédération Francophone d’Hypnose et Thérapies Brèves





Rédigé le 04/08/2018 à 10:37 | Lu 275 fois | 0 commentaire(s) modifié le 04/08/2018




- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies… En savoir plus sur cet auteur
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