Induire ? Des fils à dérouler.


Par Christine GUILLOUX -  Psychologue - psychothérapeute, formatrice et conférencière. Présidente-fondatrice de l'Institut Milton H. Erickson Paris Ile-de-France. Vice-présidente de la Société Française d'Hypnose. Chargée d'enseignement en médecine narrative, université René Descartes. Rédactrice des Newsletters de la Société Européenne d'Hypnose (ESH) et de la Milton H. Erickson Foundation.



L’induction hypnotique serait-elle un simple choix assumé de saisir un fil pour… ?

« Opération mentale qui consiste à remonter des faits à la loi, de cas donnés le plus souvent singuliers à une proposition plus générale. Fait de remonter par le raisonnement ou l’intuition, de certains indices à des faits qu’ils rendent plus ou moins probables. Transmission à distance d’énergie électrique ou magnétique par l’intermédiaire d’un aimant ou d’un courant. Mécanisme par lequel les tissus et organes se différencient tout au long de la vie depuis la fécondation de l’oeuf. »

De ces définitions du Petit Robert, nous pouvons retenir le fait de « remonter » d’effets à des sources probables et donc d’intervenir à la source, de « transmettre de l’énergie par l’intermédiaire d’un courant », cette interaction entre le patient et le thérapeute – ce qui n’est pas sans nous rappeler les passes magnétiques –, et celui de « différencier », de développer selon des programmations spécifiques.

En fait, nous pouvons nous laisser induire dans/par ces généralisations et prendre ce qui est en correspondance avec notre vision des choses, nos occupations et pré-occupations du moment. Les mots ne sont pas la chose. Et si je dis « chat », certains d’entre vous vont l’entendre miauler, d’autres en sentir les vibrations et la chaleur, d’autres encore le voir évoluer sur le parquet ou s’étaler sur le radiateur... Ce n’est pas un chat. Nous récupérons des images, des sons, des sensations associées au chat. Comme nous récupérons des images, des sons, des sensations associées à la pomme devant un tableau de Magritte.

Amener, encourager

D’induire, nous retiendrons du Petit Robert la première acception : « Amener, encourager à (qqch., faire qqch.). Conduire, convier, engager, inciter, inviter, porter, pousser. » Alors oui, nous amenons, nous encourageons, nous conduisons, nous convions (etc.) notre interlocuteur à entrer dans la transe.

Dans son ouvrage La nouvelle hypnose, que nous disait Jean Godin sur l’induction ?

Les expériences d’hypnose commencent traditionnellement par une induction. Il s’agit de débuts plus ou moins ritualisés et supposés avoir fait leurs preuves pour provoquer (disons faciliter) l’accès à un mode de fonctionnement hypnotique, et qui pourraient être comparées aux « ouvertures » du jeu d’échecs.

Ces inductions ont évolué. Avec le temps, on a privilégié l’importance du toucher (Mesmer), des passes magnétiques (Puységur), de l’injonction de dormir (Faria), de la fixation par le regard (Braid), de la suggestion de sommeil (Liébeault), de la suggestion directe (Bernheim, Freud), de la fascination (music-hall). Et nombreux sont les procédés ou astuces qui ont été conseillés.

Avec la nouvelle hypnose, avec l’hypnose d’aujourd’hui, les inductions sont moins formelles et elles ne comportent plus de répétitions monotones. Les hypnoses deviennent conversationnelles, elles s’attachent davantage au langage du patient, à sa manière d’être au monde. L’accompagnement dans un souvenir est une façon discrète de faire simple et de se familiariser avec les approches éricksoniennes. Il est juste ici à souligner que c’était la méthode d’approche de Jean Godin...

Erickson conseille, autant que possible, des inductions utilisationnelles qui prennent pour point de départ ce que le sujet a déjà à l’esprit ; à la limite, l’induction devient paradoxale. Bien que l’hypnose d’aujourd’hui ait pour ambition de s’adapter aux sujets, on remarque que chaque auteur a ses façons de procéder préférées. L’induction représente le choix du thérapeute dans l’expérience, sa responsabilité du comment.

Alors, libres choix...

Qu’y a-t-il en présence ? Quels peuvent être les fils à dérouler pour induire la transe ?

Où sommes-nous ? Qui sommes-nous ? Que nous apporte le patient ? Dans quel contexte sommes-nous ?

Nous sommes dans le bureau du thérapeute.

Et il peut y avoir toutes sortes de choses, toutes sortes de curiosités : le bureau peut être agrémenté, rempli, chargé, surchargé d’objets, de bibelots ; ou encore crouler sous les papiers et/ou les livres. Le bureau peut être presque nu, telle une salle de laboratoire ou une salle de repos. Le bureau peut être au calme des petits oiseaux ou aux bruits de la circulation, en passant par les sonneries de portable, les grognements des marteaux piqueurs. Il est bien sûr tous les cas de figure.

Parfois le patient attire l’oeil du thérapeute

… sur un changement dans la pièce : déplacement d’un meuble, ajout d’un bibelot, réorganisation du contenu de la pièce, envie de jouer avec un des objets… J’ai un superbe petit objet, eh oui ! Un éléphant qui a peur d’une petite souris si l’on remonte la manivelle. Et c’est étrange et amusant de remarquer que parfois, certains patients s’en emparent et semblent méditer. C’est étrange et amusant de voir la transe s’installer sans qu’il soit besoin de mots mais simplement ce jeu, à faire « brrr », à se faire peur, comme les enfants savent si bien, spontanément, jouer à se faire peur. Une de mes patientes qui vient de vivre une rupture amoureuse y a lu une toute autre histoire : celle de son ex, qui ne sait pas entretenir ses relations de couple, et a peur des « souris » !

Mon porte-micro est tantôt une hirondelle, enfin une pince à linge mauve en forme d’hirondelle, tantôt une pincette d’encadrement aux couleurs vives. Parfois le patient en prend une dans sa main et gesticule avec. Il porte son attention sur l’objet et c’est également invitation à la transe... Et s’il est passionné d’oiseaux, vous pouvez l’inviter à l’ancienne, compter les oiseaux, faire un tableau des oiseaux de la saison, ou encore énumérer par ordre alphabétique les oiseaux (ara, aigle, alouette, bergeronnette, bécasse, cardinal, colombe, coucou, dinde, épervier, étourneau, faisan, faucon, geai, goéland, grive, héron, hirondelle... i comme Icare – mais cela est, n’est-il pas, voler trop haut ! –, ibis, j comme... kiwi, kakatoès, loriot, linotte – eh ! tête ! –, mésange, martinet, moineau, n..., oie, paon, perroquet, pélican, perdrix...

Ou encore... (avec cet objet que vous avez dans la main...)

D’ailleurs, là vous avez peut-être un stylo dans la main, ou un autre objet et vous pouvez remarquer quelles sensations il procure, je veux dire de perceptions, d’émotions.. Vous pouvez remarquer la température de l’objet, sa forme, son poids, si d’aventure, et sans aventure, il a un poids... et vous pouvez entrer dans une transe plus ou moins profonde, plus profondément. . Et vous pouvez vous mettre en contact avec un souvenir, un souvenir d’enfance, un souvenir qui a du sens pour vous et auquel vous n’avez pas pensé depuis fort longtemps... Quand ce souvenir vient à vous, à votre esprit conscient, vous pouvez m’en informer en laissant juste le pouce de votre main droite se lever... Bien, très bien...



Commandez ce numéro Hors-Série n°9 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves: “Hypnotiser: les techniques d'Induction"

Lorsque la Version papier de ce numéro sera épuisée, la version PDF sera fournie à la place

““Hors série n°9 de la revue Hypnose & Thérapies brèves. Mars 2015.
“ C'est un numéro double de 196 pages.
““Thème : “Hypnotiser: techniques d'induction"

Hypnotiser, c’est « induire » la transe pour permettre la thérapie qui va suivre. L’hypnotisation et le travail thérapeutique sont bien deux temps séparés. Certains patients souhaitent inconsciemment la transe parce qu’ils savent en avoir besoin, mais leur esprit conscient s’y oppose. Ils vivent un conflit aigu entre leurs deux esprits. C’est notamment à ce type de sujets que s’adressent les techniques éricksoniennes de choc et de surprise, de confusion et de doubles liens. Grâce à elles, la transe apparaît rapidement.

Ce hors-série n°9 traite des multiples techniques qui permettent l’entrée en hypnose. Ses auteurs sont des hypnothérapeutes expérimentés : Yves Halfon, psychologue clinicien, Dominique Megglé, psychiatre, Thierry Servillat, psychiatre, Luc Farcy, psychiatre, Gaston Brosseau, psychologue, Delphine Provost, médecin anesthésiste, Christine Guilloux, psychothérapeute, Jean-Pierre Courtial, chercheur en psychologie, Pierre-Henri Garnier, psychologue clinicien, Laurent Gross, psychothérapeute, Isabelle Ignace, psychologue clinicienne, Kenton Kaiser, chirurgien dentiste, Xavier Penin, docteur en chirurgie dentaire, Francis Gajan, médecin généraliste.

Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici




Rédigé le 28/08/2018 à 20:05 | Lu 284 fois | 0 commentaire(s) modifié le 28/08/2018




Florent HAMON. Hypnothérapeute, Praticien EMDR, Infirmier anesthésiste à Paris. Chargé de… En savoir plus sur cet auteur
Dans la même rubrique :