Tout fait de l'hypnose une pratique très fortement calquée sur la mise en application des grands principes de philosophie. Face au vide que l'on observe tous dans le quotidien de la pratique hypnotique, juste avant de commencer à écouter l'autre tout en essayant d'adapter son imaginaire à ce qui va pouvoir raisonner dans le tréfonds de notre patient, nous répétons là, l'idée originelle de la pensée philosophique.
« La douleur est questionnement, le plaisir est réponse. »
Paul VALERY
La douleur est certainement l'un de ces sujets qui permet le plus de lire une époque. Aujourd’hui, elle est un extraordinaire outil de réinterprétation intellectuelle de la condition humaine. N'oublions jamais qu’à chaque époque elle a occupé une place majeure, mais dans des champs bien différents.
Il y a 20 générations, au Moyen-Âge, la description du quotidien nous montre comment la douleur physique était l’ordinaire, mais avait également la fonction d’être un ciment de civilisation permettant de justifier le discours d'incarnation dans la société du dessein de Dieu. Pour l’heure, la neurophysiologie actuelle montre que la douleur se définit par le fait qu’elle n'existe pas. Ce paradoxe l’est moins qu’il n’y parait. En effet, un doigt écrasé n'est pas un excès de stimulation, mais une information qui analysée par le cerveau est interprétée par lui comme dangereuse et douloureuse (en comparaison à ce qui a été mémorisé auparavant). Le coté désagréable de cette sensation est obtenu par la négation de toutes les autres parties du schéma corporel qui ne correspondent pas à la zone du doigt écrasé. Ainsi seul est à la conscience le doigt écrasé, et c'est cela qui est pénible donc douloureux.
Plus encore, cette information supprime toute temporalité passée et future en densifiant le temps présent. Le comble sera la création de la maladie douloureuse chronique, nouvel état de l’homme qui lorsqu’il y rentre présentera les plus grandes difficultés pour en sortir. Paradoxalement cette maladie est la plus fréquente au monde (une enquête européenne en 1999 estimait à 21,3 % le taux de la population atteint par ce mal). Cette maladie est aussi la plus ignorée, non reconnue et mal traitée. Explication : cette douleur chronique signe un triple échec.
Premièrement celui de la société qui imposant à ses membres des conditions de vie injuste et algogène ne veut pas en reconnaître les conséquences sanitaires. Deuxièmement l’échec des patients qui savent inconsciemment qu’une faille dans leur vie peut expliquer ce passage à la douleur chronique et troisièmement celui des professionnels de santé qui par la douleur rebelle perçoivent la limitation de leur pouvoir médical.
La douleur signe la déconstruction de la société, du moi, du discours scientifique, mais comme le vide entre les pierres d’une voûte, elle explique la tenue de chaque structure. (J. Derrida). Le paradoxe de cette douleur c'est que plus la douleur est profonde (c'est-à-dire le vide, le rien) plus explosive sera la création
PATRICK GINIÈS
Médecin responsable du centre d'évaluation de traitement de la douleur du CHU Montpellier. Président d'honneur du collège national des médecins de la douleur.
« La douleur est questionnement, le plaisir est réponse. »
Paul VALERY
La douleur est certainement l'un de ces sujets qui permet le plus de lire une époque. Aujourd’hui, elle est un extraordinaire outil de réinterprétation intellectuelle de la condition humaine. N'oublions jamais qu’à chaque époque elle a occupé une place majeure, mais dans des champs bien différents.
Il y a 20 générations, au Moyen-Âge, la description du quotidien nous montre comment la douleur physique était l’ordinaire, mais avait également la fonction d’être un ciment de civilisation permettant de justifier le discours d'incarnation dans la société du dessein de Dieu. Pour l’heure, la neurophysiologie actuelle montre que la douleur se définit par le fait qu’elle n'existe pas. Ce paradoxe l’est moins qu’il n’y parait. En effet, un doigt écrasé n'est pas un excès de stimulation, mais une information qui analysée par le cerveau est interprétée par lui comme dangereuse et douloureuse (en comparaison à ce qui a été mémorisé auparavant). Le coté désagréable de cette sensation est obtenu par la négation de toutes les autres parties du schéma corporel qui ne correspondent pas à la zone du doigt écrasé. Ainsi seul est à la conscience le doigt écrasé, et c'est cela qui est pénible donc douloureux.
Plus encore, cette information supprime toute temporalité passée et future en densifiant le temps présent. Le comble sera la création de la maladie douloureuse chronique, nouvel état de l’homme qui lorsqu’il y rentre présentera les plus grandes difficultés pour en sortir. Paradoxalement cette maladie est la plus fréquente au monde (une enquête européenne en 1999 estimait à 21,3 % le taux de la population atteint par ce mal). Cette maladie est aussi la plus ignorée, non reconnue et mal traitée. Explication : cette douleur chronique signe un triple échec.
Premièrement celui de la société qui imposant à ses membres des conditions de vie injuste et algogène ne veut pas en reconnaître les conséquences sanitaires. Deuxièmement l’échec des patients qui savent inconsciemment qu’une faille dans leur vie peut expliquer ce passage à la douleur chronique et troisièmement celui des professionnels de santé qui par la douleur rebelle perçoivent la limitation de leur pouvoir médical.
La douleur signe la déconstruction de la société, du moi, du discours scientifique, mais comme le vide entre les pierres d’une voûte, elle explique la tenue de chaque structure. (J. Derrida). Le paradoxe de cette douleur c'est que plus la douleur est profonde (c'est-à-dire le vide, le rien) plus explosive sera la création
PATRICK GINIÈS
Médecin responsable du centre d'évaluation de traitement de la douleur du CHU Montpellier. Président d'honneur du collège national des médecins de la douleur.