Hypnose et résonance. Claude Michel


Par Claude MICHEL, Psychothérapeute à Flers
Revue Hypnose & Thérapies Brèves, Hors-Série n°2



Dans cette communication, je développerai la thèse suivante: si l'hypnose crée de façon privilégiée un type de relation favorable au changement, c’est parce qu’elle institue un contexte propice à l’avènement de la résonance.

Un premier exemple de résonance (hors hypnose ou plutôt dans sa mouvance). A deux reprises, j’oublie de noter sur mon carnet de rendez-vous la séance d’un nouveau patient qui m’a contacté par téléphone. Ce patient - qui se prénomme Jérôme - se présente une première fois à mon cabinet. Bien que responsable de l’oubli, je donne la préférence à l’autre patient qui s’est présenté à la même heure et j’attribue de façon péremptoire la responsabilité de l’erreur à Jérôme. Même chose à la seconde séance : cette fois-ci, le rendez-vous est noté sur un carton mais je rabroue Jérôme en lui disant qu’il a mal noté. Je ne me reconnais pas : je suis en train de maltraiter et d’humilier mon nouveau patient ! J’enfreins la déontologie la plus élémentaire ! Jérome, très énervé, à la limite de l’injure, accepte de revenir une troisième fois. Cette fois-ci, pas de problème d’horaire, mais j’ai noté sur mon agenda un autre nom! En fait, je suis en train de résonner avec mon patient de la même problématique que celle dont il souffre : maltraitance, humiliation, trahison… Inconsciemment, j’ai été instrumentalisé par sa problématique. C’est probablement dans les 20 secondes de la prise de rendez-vous téléphonique initiale que l’induction s’est produite. A cette date, je me souviens très bien de mon état d’esprit : j’étais très énervé d’avoir été éconduit lors d’une tractation privée. J’avais par ailleurs pris la communication téléphonique après une intense séance d’hypnose vécue avec le patient précédent.

Un second exemple (en contexte d’hypnose) : avec Jean-Baptiste, jeune homme de 30 ans, suivi pour des problèmes alimentaires depuis un an, je me surprends à faire une induction hypnotique avec un xylophone, ce que je ne fais qu’exceptionnellement avec les adultes ; or il me dit, dans cette même séance, qu’il vient de se remettre à jouer du piano... Je suis moi-même en train d’envisager reprendre des leçons de piano ; la séance se poursuit dans une sorte de jubilation partagée, dégageant une forte énergie...

L’auteur montre ensuite comment les concepts d’empathie, d’accordage, de transfert-contretransfert se distinguent du concept de résonance tout en ayant des points communs…

Le concept de résonance a été introduit dans le champ clinique par Mony Elkaïm, neuro-psychiatre belge dans les années 1980-90. Il en a exposé le sens dans son livre-clef « Si tu m’aimes, je t’aime pas. » Ce concept signifie que deux personnes “vibrent” ensemble à la même fréquence, c’est-à-dire avec la même émotion et sur un même sujet et avec un effet d’amplification du vécu partagé.

Le concept est emprunté au domaine de la physique des vibrations. Il désigne à l’origine un phénomène physique général fascinant. Il arrive qu’une structure se mette à vibrer et que la vibration s’amplifie jusqu’à atteindre un niveau très élevé. On dit alors qu’elle résonne. Et elle résonne à une fréquence propre. Le “chant” du verre en cristal que l’on frotte est un exemple...

L’auteur présente les fines et judicieuses analyses de la résonance que Mony ElKaïm développe dans son livre…

…Récapitulons ce que nous avons appris de la résonance en élargissant le propos. D’abord une définition : la résonance est un processus intersubjectif permettant à un patient et à un thérapeute de partager dans le contexte d’une séance (ou à proximité) un même vécu relationnel.

On a donc d’abord un processus ou une expérience vibratoire. La résonance est induite par la problématique ou un élément de la problématique du patient qui fait vibrer le thérapeute sur un vécu similaire mais qui lui est propre. Le principe de similitude est au cœur de la résonance (premier critère de la résonance).

Elle met en vibration 4 vécus : celui du patient avec son contexte de vie actuel, celui du patient dans son rapport au thérapeute, celui du thérapeute dans son rapport au patient, celui du thérapeute avec son contexte de vie.

Un couplage singulier s’établit donc entre le thérapeute et le patient (ou le système patient, famille ou couple). Il s’établit à la faveur d’un micro événement, d’une remarque apparemment anodine qui fait franchir un seuil au système thérapeutique. Une vibration émotionnelle se déclenche autour d’un élément de similarité, autour d’un vécu commun apparaissant en simultané ou en léger différé. Le vécu commun semble apporter la fréquence propre provoquant la vibration. Une amplification émotionnelle et cognitive ( qui va être accentuée ou non par le thérapeute) se déclenche. On peut considérer que c’est la problématique du patient qui fournit l’induction, induction qui va rencontrer et capter chez le thérapeute des éléments problématiques similaires.

Quel est le contenu vibratoire?

Premièrement, des éléments problématiques (partagés par le patient et le thérapeute) prenant la forme de pensées, d’images, de sensations, de mouvements ou de postures, ou de désirs ou d’émotions, de relations, de symptômes... Combien de fois ai-je eu mal au ventre avant que le patient ne me dise qu’il avait mal au ventre ! La résonance opère donc dans des registres subjectifs très variés : on peut parler de résonance émotionnelle, cognitive, pulsionnelle, psychomotrice, corporelle, relationnelle en fonction de l’élément de similarité entrant en vibration.... Deuxièmement, on a aussi des éléments de solution qui sont soit des ressources implicites transmises par le patient au thérapeute à son insu en provenance de son subconscient, soit des ressources imaginées par le thérapeute dans le même temps où il vibre du problème.

En quoi consiste le travail du thérapeute ?

Je distingue quatre aspects.

Le thérapeute doit d’abord effectuer un travail de repérage de la résonance. Bien des phénomènes de résonance passent inaperçus. Des évènements mentaux ou comportementaux surgissent, au premier abord anodins et qui, en fait, relèvent de la résonance.

Je pointe à cette occasion le second critère de la résonance : l’émergence d’un sens relatif au contexte.

Le second travail pour le thérapeute qui a réalisé l’entrée en résonance est de l’accepter et de l’assumer pleinement sans dérobade, ni réticence, ni défense, en acceptant d’être impliqué.

En troisième lieu, il s’agit pour lui d’expliciter la résonance. Souvent la révélation déclenche une immense décharge émotionnelle, une forte libération d’énergie, signe typique qu’on a affaire à une résonance (troisième critère). Enfin, il s’agit pour lui soit de l’amplifier au maximum soit de l’amortir (pour reprendre une expression de la physique vibratoire) selon l’orientation thérapeutique opportune.









Rédigé le 25/07/2018 à 23:13 | Lu 468 fois | 0 commentaire(s) modifié le 23/09/2018




Présidente de France EMDR-IMO, Psychologue, Psychothérapeute, Hypnothérapeute et Formatrice en… En savoir plus sur cet auteur
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