Hypnose en anesthésie: cas de l'endoscopie digestive chez l'enfant


QUAND L'IMAGINATION PREND SOIN DU CORPS
Revue Hypnose & Thérapies Brèves, Hors-Série n°3



Christine MOUTACH - Infirmière anesthésiste depuis une vingtaine d’années à l’hôpital d’Aix-en-Provence, je décide en 1997 de m’intéresser de façon plus précise à la prise en charge de la douleur.

Après avoir obtenu des diplômes universitaires (DU sur la prise en charge de la douleur chronique et de la douleur aiguë), nous avons mis en place en 2000, au sein du service d’anesthésie, une équipe qui au fil des années fonctionne de façon plutôt satisfaisante. Souhaitant élargir les mécanismes relationnels autour du patient pendant les différents temps opératoires, (pré : si la personne est très anxieuse, en per : pour tout ce qui est loco régional, et en post-opératoire : dans les services de chirurgie), il m’a semblé, comme tant de travaux l’ont attesté, que l’hypnose pouvait apporter des réponses à mes attentes. Actuellement, je suis en cours de validation professionnelle de mes compétences et ce travail en est un des éléments.

ÉTUDE OBSERVATIONNELLE ET DE FAISABILITE

Objectifs

Démontrer l’intérêt de cette technique en anesthésie, où la prise en charge des patients doit répondre à des critères d’efficacité, voire de productivité ( !) dans le milieu de l’anesthésie qui préconise une action rapide et efficace. Le service d’endoscopie digestive m’a paru un lieu où je pouvais mettre en situation ces nouvelles pratiques. Petite unité accueillante et demandeuse de nouveautés, elle facilita la mise en œuvre de ce travail. La coopération remarquable de toute l’équipe à la fois curieuse et attentive, les pédiatres confiants et respectueux de mon travail, les anesthésistes m’encourageant, toutes ces personnes ont fait que cette expérience ait pu prendre forme. Mon choix, après concertation avec les deux pédiatres, s’est orienté sur l’amélioration de la prise en charge des enfants (de 4 ans à 18 ans) devant subir : soit des fibroscopies gastriques digestives avec un adjuvant, le midazolam en intra veineux (benzodiazépine) à raison de 0,1 mg/kg ; soit des rectosigmoïdoscopies (sans adjuvant.) L’endoscopie occupe une place primordiale en hépato-gastro-entérologie pédiatrique. Néanmoins de grandes controverses et une hétérogénéité de pratiques persistent quant aux techniques de sédation à proposer aux enfants. Le but de cette sédation est de procurer à l’enfant le maximum de confort pendant l’examen, lui assurer une amnésie post-endoscopique et faciliter la réalisation du geste par l’opérateur. Et ceci doit être obtenu avec le minimum d’effets secondaires possible. Différentes techniques sont disponibles et utilisées, allant de l’absence de sédation à l’anesthésie générale.

Méthodes

Ces deux examens sont faits dans un but diagnostic. Les critères d’exclusion pour cette étude sont : l’âge inférieur à 4 ans, le retard mental sévère et les endoscopies réalisées dans un but interventionnel. Dans le cadre spécifique de cette étude, si l’enfant ou les parents refusent une sédation par hypnose, alors les pédiatres ont l’alternative d’ utiliser le protocole classique par midazolam. En pratique, les enfants sont hospitalisés le jour même et l’examen, souvent associé à des biospsies, est toujours effectué par la même équipe après une période de jeune d’au moins 6 heures. Après l’endoscopie, il est demandé aux différents intervenants (médecin, infirmière et à moi-même) de noter les paramètres suivants : efficacité de la sédation, degré de coopération, agitation et qualité du réveil de l’enfant, ainsi que le niveau de satisfaction de chacun. L’enfant est, lui aussi, interrogé notamment sur son évaluation de la durée de l’examen, son anxiété préopératoire, sa douleur postopératoire et s’il accepterait de refaire, si nécessaire, l’examen dans les mêmes conditions. Tous ces éléments sont notés de 1 à 10, 1 étant la plus basse appréciation et 10 la plus haute. Les parents ne sont pas oubliés et nous leur demandons ce qu’ils pensent de cette technique et s’ils ont des suggestions à nous proposer. Trois heures plus tard, l’enfant rejoint son domicile après avoir mangé. Les contraintes Avant d’expliquer le déroulement de ces deux types d’examen, il convient de préciser quelques difficultés liées au cadre hospitalier dans lequel j’exerce. Tout d’abord celle qui concerne la disponibilité de l’hypnotérapeute. Intégrée au sein du bloc opératoire, je dois pouvoir m’en détacher rapidement afin de me rendre dans le service d’endoscopie digestive. Sinon en cas d’indisponibilité, j’essaie d’organiser ma participation en dehors de mes tranches horaires. D’autre part, je possède peu de temps pour prendre de la distance et me mettre en condition entre ce que je fais et ce que je vais faire. Tâche qui demande à la fois un effort de concentration et une imagination débordante !!!

Le problème de l’information

Le pédiatre explique tout d’abord le déroulement de l’examen aux familles, mais je n’ai souvent que peu de temps pour rencontrer l’enfant et établir avec lui une relation de confiance minimale avant le début de l’endoscopie.

La compétence

Encore débutante dans cette pratique, il m’estarrivé à plusieurs reprises de n’avoir pas été aussi performante que je l’aurais souhaité. Au fil du temps, je comprends que vouloir trop « bien faire » n’est pas forcément synonyme de réussite. Viser la perfection fait souvent perdre de vue les moyens qui mènent au but. Le lâcher prise peut avoir des résultats surprenants. Le travail concernant cet échantillon n’a pas de valeur scientifique, son seul objectif est de démontrer que cette pratique est possible et réalisable au quotidien.

Les avantages

Pour une approche hypnotique, les enfants sont des sujets idéaux. Leur capacité créative, leur goût pour le merveilleux et une évidente croyance pour les contes de fées facilitent ce travail avec l’imagination. La perception d’un sentiment, d’une émotion, passe autant par la vision, le son, l’odeur, la saveur que le toucher ; et très vite ils se retrouvent dans la situation évoquée. Les réponses recueillies ont montré, que ce soit les parents ou les enfants, leur préférence pour ce mode de prise en charge plutôt qu’une anesthésie générale. Moins impressionnante, ils auraient, cependant, souhaité une rencontre dans les jours précédant l’examen avec l’hypnothérapeute. Cet entretien est important pour fournir une meilleure information et favoriser une relation de confiance à partir de laquelle il est possible de proposer à l’enfant et à sa famille la technique de sédation la plus adaptée.

INDICATIONS

La rectoscopie

L’hypnose paraît être un excellent outil pour rendre plus sécurisant et confortable ce type d’examen, qui peut être vécu par certains patients comme traumatisant ou douloureux. C’est d’autant plus important que certains d’entre eux doivent répéter plusieurs fois l’examen notamment dans le suivi des rectocolites hémorragiques. De plus, ces enfants ont souvent des antécédents tels que fistules qui ne facilitent pas l’introduction du rectoscope. Enfin, la pudeur de l’adolescent peut majorer l’inquiétude et le sentiment de malaise pendant le déroulement de l’examen.

La fibroscopie haute

La question de la sédation au cours d’endoscopies digestives pédiatriques (FOGD), est très débattue. Le type de sédation (sédation consciente, sédation profonde, anesthésie générale) dépend de l’âge de l’enfant, de son état de santé, du but de l’endoscopie (diagnostique ou interventionnelle), des préférences de l’enfant et des parents. Les pratiques sont également différentes selon les centres en fonction de l’environnement anesthésique et des habitudes de chaque équipe. Au CHG d’Aix-en-Provence, les FOGD sont réalisées, usuellement, sous une sédation de midazolam (0,2mg/kg, maximum=10 mg). Néanmoins, certains enfants présentent des effets secondaires aux benzodiazépines, notamment une agitation paradoxale. Nous avons réalisé une étude prospective sur l’intérêt de l’hypnose qui montre une bonne efficacité chez les enfants entre 8 et 12 ans. Pour les différents intervenants, certains enfants auraient pu avoir leur FOGD sous hypnose seule, leur niveau de transe étant suffisamment important.

LE DÉROULEMENT D’UNE SÉANCE

 Dans un premier temps, je rencontre les parents ainsi que l’enfant pour expliquer à nouveau le déroulement de l’examen et mon rôle auprès de leur enfant pour modifier ses perceptions. Puis je m’isole avec l’enfant, lui demande s’il a des questions, l’interroge sur ses loisirs, ses passions, ses envies, puis, ensemble, nous décidons d’un sujet à évoquer au cours de la séance. Cette démarche facilite l’évasion vers un autre espace.

CHRISTINE MOUTACH Infirmière anesthésiste (IADE) au CH d’Aixen- Provence, titulaire des DU de médecine de catastrophe, de la prise en charge de la douleur chronique et post-opératoire. Membre du Clud au sein de l'hôpital et faisant partie du réseau Paca Ouest (réunion des différents Clud de la région privé et public). Formée à l’hypnose éricksonienne à l‘Institut Milton H. Erickson d’Avignon







Rédigé le 18/07/2018 à 18:03 | Lu 721 fois | 0 commentaire(s) modifié le 09/09/2018




Florent HAMON. Hypnothérapeute, Praticien EMDR, Infirmier anesthésiste à Paris. Chargé de… En savoir plus sur cet auteur
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