Epuisement professionnel. DÉVELOPPER LA PRÉVENTION. Revue Hypnose & Thérapies Brèves 64


Frédéric BERBEN
Rubrique Eloigner la dépression



Stress, usure personnelle, perte du sentiment d’être... Le burn-out est un indicateur de la déshumanisation qui peut régner dans le monde du travail. Une approche mêlant hypnose, méditation et mouvements psychocorporels peut aider à ramener les personnes victimes vers leurs dimensions d’être humain.

La situation de burn-out comprend un épuisement professionnel, un sentiment de dépersonnalisation et d’inaccomplissement de soi. Les approches de soin et de prévention doivent donc proposer une prise en compte de tous ces aspects, articulée, cohérente. Cette intégration peut porter sur les outils utilisés, les stratégies de prévention de l’entreprise et la formation des professionnels. Nous proposons de questionner le burn-out comme résultat d’une « mauvaise gestion du stress au travail » (1) et de proposer une modélisation clinique d’approche intégrée. Nous nous appuyons sur une expérience de formation concluante menée en 2019 auprès de 80 professionnels travaillant au sein de plusieurs services de l’Aide sociale à l’enfance.

Le stress est une réaction adaptative de l’organisme plus ou moins forte à des agents stresseurs. Si cette réaction se répète, elle génère un épuisement de toutes les ressources personnelles. Que serait une « bonne gestion » du stress ? Dans le travail clinique de consultation et au cours des formations de prévention données, nous constatons que l’effort doit porter sur deux dimensions. La « gestion » consiste d’abord à construire un nouveau rapport aux signes physiologiques du stress, ruser avec ses manifestations, cibler l’attention, apaiser les signes d’alerte du corps. Ensuite, le burn-out est un trouble typique du fonctionnement de nos sociétés industrielles occidentales qui perdent le contact avec le vivant et l’animalité en l’homme au profit d’une exacerbation du contrôle, de la performance et de l’accélération (2). Il s’agit donc de permettre au professionnel de renouer avec les différentes dimensions qui font de lui un être humain et de les intégrer les unes aux autres pour générer une congruence salvatrice.

UN CHIRURGIEN-DENTISTE AU BORD DES LARMES

Laura exerce le métier de chirurgien-dentiste, elle a 48 ans, célibataire, sans enfants. Elle s’est inscrite à une formation préventive du burn-out car elle ressent beaucoup de fatigue physique et mentale, des tendances agressives envers les patients, une disparition de l’épanouissement procuré par son métier. Elle dort très peu depuis plusieurs semaines, se retrouve au bord des larmes en permanence, ressent paradoxalement peu d’énergie au travail et en même temps une grande agitation intérieure. A l’évaluation de la grille de Maslach (3), les résultats la situent en zone rouge. Elle se décrit comme « rationnelle, les pieds sur terre, en action permanente » et estime qu’elle ne peut pas refuser de nouveaux patients. Laura demande à mieux dormir (sensations corporelles et rythmes biologiques), s’apaiser (émotions), se ressourcer (émotions), se placer en adéquation avec ce qu’elle pressent comme un effondrement imminent (intuitions), redéfinir ses priorités dans le travail et la vie en général (pensées), le sens (pensées), déployer des comportements ajustés avec son éthique (actions), améliorer les liens de travail au sein de son équipe et avec les patients (relations).

Pour répondre aux deux nécessités de soin (ontologique et physiologique) isolées plus haut, nous enseignons aux personnes un ensemble cohérent d’outils issus de l’hypnose, de la méditation et de mouvements corporels. Chaque approche est transmise de façon orthodoxe puis articulée afin de générer une combinaison personnelle et harmonieuse, une « bonne gestion » du stress au travail.

L’hypnose permet de questionner un processus solutionniste, de passer du problème à son contraire et d’ancrer cette quête dans les sensations : qu’est-ce-qui se passe ? comment je le sais ? c’est comment dans le corps quand cela se passe ? et si c’était le contraire ?... Ce type de questionnement recadre les troubles, réoriente différemment à la réalité et sollicite des ressources globales conscientes et inconscientes. L’hypnose est utilisée dans ce programme pour ses vertus apaisantes (bulle de sécurité, lieu ressources, ancrages corporels de stabilité) ; sa capacité de ressourcement (source de vie, respiration colorée) ; son jeu avec le temps (retour dans le passé confortable au travail, anticipation du futur positif). En méditation, la pleine attention consiste à porter son attention volontairement à l’endroit où on le décide. Le monde se plaçant là où l’attention est posée, le rapport à la réalité se trouve instantanément changé. Puisque le cerveau observe en permanence les réalités interne et externe pour maintenir la sécurité et déclenche les mesures de survie (stress ressenti) en cas de danger perçu, ne pas alimenter et défocaliser son attention des agents stresseurs génère un apaisement. Cette libération de l’espace interne où la personne passe d’un mode d’être de type « oh là là ! » à « c’est ok ! » ouvre au second temps de la méditation la pleine présence. Une fois débarrassés des émotions et des pensées adjuvantes, les faits s’amenuisent, ne construisant plus toute une histoire. Au lieu de traverser la vie en allant le plus rapidement possible d’un point à un autre, les personnes explorent une voie du travail en s’acheminant au gré de leurs intentions et de leurs intuitions. Elles réalisent que le contrôle et la maîtrise sont des illusions face à une existence qui change sans cesse et s’aperçoivent que la meilleure adaptation est l’équanimité : la sagesse du juste milieu, le passage des extrêmes (ou-ou) à la souplesse complexe (et-et).

La méditation aboutit alors à une bienveillance aimante inconditionnelle, la possibilité d’être soi-même sans condition, sans devoir ajouter ou retrancher quelque chose pour être digne d’intérêt. C’est une attitude que les professionnels en danger de burnout ne connaissent pas, ayant malheureusement appris plus que tout autre à porter sur leur dos des parents ou une fratrie, à ne pas s’opposer, à se soumettre, à s’épuiser en offrant toujours plus d’énergie pour être reconnus. Chaque focalisation d’attention méditative peut devenir l’occasion d’une induction de transe. Les personnes sont ainsi libres de choisir des pratiques très différentes ou de les combiner entre elles pour plus de puissance.

Le burn-out est un trouble « chronique ». L’énergie déployée tourne à vide, s’épuise à faire la même chose inefficace, encore et encore. L’adaptation au travail échoue, l’énergie se consume à conserver un équilibre statique au sein d’un monde mouvant. La personne a l’impression de se faire bousculer de toutes parts. Il est nécessaire alors de proposer des actions intégratives de ressourcement (AIR) : des transes hypnotiques, des mouvements choisis de qi gong, des méditations qui vont se lier et…..


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FRÉDÉRIC BERBEN Psychologue clinicien, thérapeute familial et praticien en hypnose au Centre hospitalier de Laval (Mayenne) et en cabinet libéral. Formateur à l’Institut de formation et de recherche en hypnose et communication thérapeutique Emergences. Membre de l’Institut Milton H. Erickson Rennes-Bretagne (IMHERB).

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Au sommaire:

. Edito – Julien BETBÈZE

. Claire ROSSIN – Autohypnose et TOS chez l’enfant anxieux

L’auteure explique comment Noé, 7 ans, souffrant de troubles du sommeil, a pu s’approprier rapidement les outils proposés au cours de la thérapie (7 séances sur 5 mois) et les réinvestir au quotidien pour atteindre une autonomie dans la résolution de ses difficultés.

. Séverine LEJEUNE – Ces histoires qui nous façonnent
L’auteure, pédopsychiatre, nous propose de partager les lettres écrites aux parents, enfants et adolescents, lettres inspirées par les thérapies narratives et qui ont servi de support pour ses appels téléphoniques aux familles pendant le confinement.


. Stéphane OTTIN PECCHIO – Etats de conscience de l’hypnose musicale à l’hypnose artistique. Cet article analyse les états de conscience hypnotiques du point de vue du musicien ou de l’auditeur dans différentes situations : concert classique ou concert-thérapie, séance individuelle ou autohypnose.



.Guy MISSOUM – Success story et entraînement mental. L’auteur explique comment aider le patient à combattre le manque de confiance en soi avec différents moyens qui passent tous par une indispensable connaissance de soi.

. Espace Douleur Douceur - Gérard OSTERMANN – Edito

. Mireille SÉJOURNÉ – Troubles digestifs, hypnose et acupuncture. Gynécologue à la pratique enrichie d’une formation en acupuncture et en Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC), l’auteure nous propose une approche qui combine hypnose et MTC appliquée aux troubles digestifs. Clair et simple, le script détaillé dans l’article et appelé ''Harmonie du Papillon'' peut être refait par le patient chez lui, régulièrement.


. Anne SURRAULT – Une parenthèse enchantée avec Gustave. Récit d’une séance de thérapie narrative : carte de l’externalisation. La patiente est venue consulter initialement suite à un conflit conjugal…



. Rachel REY – Anxiété infantile au bloc opératoire. Travaillant depuis quinze ans comme infirmière anesthésiste au bloc opératoire de l’Hôpital d’enfants à Nancy, l’auteure a notamment constaté que murmurer des histoires à l’oreille des enfants à l’induction se révélait extrêmement efficace, car pour entendre sa voix l’enfant doit cesser de pleurer et de se préoccuper de l’agitation ambiante.



Dossier : S’éloigner de la dépression
. Frédéric BERBEN – Prévention de l’épuisement professionnel
Les approches intégrées de méditation, d’hypnose, de mouvements psycho-corporels permettent une liberté dans l’endroit où le thérapeute-formateur va poser le levier pour générer un changement. La pluralité des outils autorise davantage de points d’appui adaptés aux différences individuelles des professionnels.



Nelly CADRA – Métaphores et deuil
Léa, 15 ans, vient consulter suite au décès brutal de son père. En ressort le récit de trois séances avec les métaphores utilisées par la pédiatre : le gouffre sans fond ; le tilleul et le chêne ; la souris, le lapin et les elfes.


Jean-Pierre BOYER – Quels petits mieux pour sortir de la dépression? 
Depuis vingt ans l’auteur lie hypnose et approche solutionniste. Il détaille ici la méthode avec pour exemple Geneviève, 35 ans, déprimée, agressive, insomniaque et sujette à des troubles des conduites alimentaires. La « Question Miracle » est bien entendu au centre de l’entretien.

Rubriques
. Les champs du possible :
Adrian CHABOCHE – ‘« Docteur, j’ai enfin échoué !’ »
.
Quiproquo, malentendu et incommunicabilité : Stefano COLOMBO et MUHUC – Epuisement professionnel…
.
Les grands entretiens : Gérard FITOUSSI – Interview de Alain VALLÉE
.
Culture Monde : Nicolas D’INCA – Les guérisseurs touaregs.

Crédit Photo: © Marc Gratas



Rédigé le 26/07/2022 à 22:34 | Lu 6827 fois | 0 commentaire(s) modifié le 26/07/2022




- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies… En savoir plus sur cet auteur
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