Editorial du Dr Philippe Houssel




La douleur aiguë peut-être considérée comme bénéfique, une sorte de signal d’alarme dont la fonction est de protéger le corps contre le danger causé par une lésion. Les mécanismes physiopathologiques de la nociception sont mieux connus depuis les années 1960 et différents traitements peuvent être désormais proposés aux patients. Ces traitements antalgiques (AINS, morphiniques) parfois non dénués d’effets secondaires ont aussi leurs limites dans le soulagement de la souffrance engendrée. En effet, la douleur est définie comme une expérience, une perception essentiellement subjective : elle peut être ressentie de façon extrêmement différente selon les individus. Car la douleur ressentie par l’individu dépend relativement peu du stimulus nociceptif mais est modulée par le contexte, les croyances, les attentes et les apprentissages propres au sujet. La douleur est ce que le patient dit percevoir ou vivre : elle est une sensation, une émotion, une cognition, un comportement.

L’hypno-analgésie a-t-elle une place dans la prévention et le traitement des douleurs aiguës ?

Si l’hypnose est utilisée depuis la nuit des temps, son utilisation en anesthésie s’est illustrée avec Jules Cloquet en 1809 en France, ou encore James Esdaile et James Braid en Europe. Puis son utilisation en anesthésie s’est perdue du fait de l’avènement de l’anesthésie par inhalation en 1842 (Morton). Dans un contexte scientifique marqué par les progrès importants en neurophysiologie de la douleur, Jean Lassner organise en 1965 le premier congrès international d’Hypnose en anesthésie où Milton Erickson propose onze techniques d’analgésie différentes. Puis les neurosciences à la fin du XXe siècle, avec l’objectivation en neuro-imagerie cérébrale d’un fonctionnement cérébral particulier par les équipes francophones des professeurs Marie-Elisabeth Faymonville à Liège et Pierre Rainville à Montréal (Québec), donnent un nouvel élan à l’outil hypnotique dans le soin. L’efficacité de l’hypnose sur la douleur, en ayant la particularité d’agir sur les quatre composantes de la douleur, est soulignée par de nombreuses études expérimentales et cliniques. Récemment une méta-analyse regroupant 34 études montre que chez les patients pris en charge au bloc opératoire, l’hypnose entraîne une diminution du stress, de la douleur émotionnelle, de la douleur, de la consommation médicamenteuse et favorise la réhabilitation postopératoire.
L’hypnose est désormais considérée comme une technique complémentaire dans le traitement de la douleur liée à une pathologie ou engendrée par un soin. D’ailleurs le recours à l’hypnose correspond également à une demande de la population (enquête Viavoice de 2015) avec 72 % de la population qui estiment nécessaire l’utilisation de techniques complémentaires telles que l’hypnose dans le soin pour la prise en charge de la douleur, qu’elle soit aiguë ou chronique.
La SFAR (Société française d’anesthésie réanimation) valide en 2005 (courrier du Professeur Jean Marty à l’Ordre national des médecins) la pratique de l’hypnose dans le contexte de l’anesthésie (notamment pédiatrique) et de la prise en charge de la douleur. Dans le contexte de l’anesthésie, l’hypnose peut donc être envisagée comme une technique répondant aux critères habituels de partie médicale incluant l’évaluation de ces pratiques.
En 2015, l’Inserm a publié un rapport sur l’hypnose (Juliette Gueguen et coll.), ce rapport montre l’intérêt thérapeutique de l’hypnose et appelle à la vigilance sur les dérives ne répondant pas à un cadre éthique.
Les soignants pratiquant l’hypnose doivent être formés à cette technique et doivent pouvoir en faire la preuve (recommandations de l’Académie de médecine du 5 mars 2013).

Nous devons recentrer les soins autour de l’être humain et le patient est l’élément le plus important de notre système de soins. Les techniques de communication et d’hypnose nous permettent de mettre le patient au cœur de ce système et de lui apporter confort et sécurité. Le travail hypnotique devant toujours se réaliser dans le respect et la sécurité du patient.
Dans ce numéro Hors-Série d’« Hypnoses & Thérapies brèves », vous allez découvrir différentes expériences cliniques. Les auteurs (infirmiers, dentistes, médecins...) vont partager avec vous leurs pratiques cliniques. C’est volontairement que nous avons privilégié la pratique courante afin que chacun d’entre vous puisse en tirer parti et mettre en application les différentes techniques relatées.
Je vous souhaite une très bonne lecture et je ne peux que vous encourager à utiliser ces différents outils pour le confort et la sécurité de vos patients et de vous-même.

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PHILIPPE HOUSSEL
Médecin anesthésiste réanimateur au CHP Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine). Directeur pédagogique au sein d’Emergences Rennes.

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Rédigé le 12/01/2020 à 22:19 | Lu 443 fois | 0 commentaire(s) modifié le 15/01/2020




Florent HAMON. Hypnothérapeute, Praticien EMDR, Infirmier anesthésiste à Paris. Chargé de… En savoir plus sur cet auteur
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