Editorial Pr Gérard OSTERMANN. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 66


Éditorial espace DOULEUR DOUCEUR



Hypnose et gériatrie : « Union des âmes » dans le grand âge Peu d’études se sont intéressées à l’hypnose dans le grand âge. Celles qui l’ont fait ont eu de bons résultats en ce qui concerne les douleurs procédurales ou chroniques, mais aussi l’anxiété et la dépression. Toutefois, les patients ayant des troubles neurocognitifs étaient exclus.

L’occasion m’est donnée ici de rendre hommage à notre collègue bordelaise, le Docteur Marie Floccia, véritable pionnière dans le champ de l’hypnose et gériatrie et qui a déjà coordonné un ouvrage majeur cité par les deux auteures de ce dossier : Hypnose en pratiques gériatriques (Dunod) et un deuxième ouvrage est actuellement sous presse. Jusqu’à présent, il semblait que des fonctions supérieures intactes et des bonnes capacités à se concentrer soient un prérequis à une bonne hypnose.
Or, dans le vieillissement, même physiologique, il existe une diminution des capacités d’abstraction ainsi que des troubles attentionnels qui sont souvent majorés par les pathologies et les traitements médicamenteux. Dans son article « Hypnose, éthique et troubles cognitifs », Véronique Treussier- Ravaud interroge et pose un questionnement éthique concernant la possibilité d’utilisation des techniques d’hypnose en psychogériatrie.
Elle nous donne à penser sur la question fondamentale et éthique de la réalité du patient à laquelle l’hypnopraticien s’adapte. En effet, en gériatrie c’est d’autant plus complexe que le patient dément est dit délirant quand il n’est pas dans la réalité admise, et que pendant longtemps les gériatres affirmaient qu’il fallait les remettre dans notre réalité (si tant est qu’elle soit unique !). Cela a été une des difficultés, et le reste encore, auprès de nos collègues pour faire accepter la réalité des patients, les prendre là où ils sont, et faire avec. C’est une réflexion complexe, mais qui est nécessaire à nos avancées. Celle-ci montre tout l’intérêt de développer cette communication auprès des personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs. Pendant longtemps l’hypnose n’était pas proposée aux patients âgés, surtout s’ils avaient un trouble neurocognitif majeur. Pourtant en s’appuyant sur les bases de l’hypnose ericksonienne que sont l’observation, l’utilisation et l’adaptation, l’hypnose s’est avérée être une thérapeutique riche et aidante pour la personne âgée.

Ainsi est née l’HAPNeSS, Hypnose adaptée pour la personne âgée dans le grand âge, et en particulier adaptée dans le contexte de syndromes comportementaux de la démence. S’il ne semble pas y avoir d’obstacle à l’hypnose chez le patient âgé et même très âgé, qu’en est-il quand celui-ci est atteint d’un trouble neurocognitif majeur, type maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée ?

Le quotidien des soignants en gériatrie nous enseigne que l’hypnose est adaptable à cette population et que, même si les séances ne ressemblent pas à celles des patients sans troubles neurocognitifs, les résultats sont là. En s’appuyant sur l’une des bases fondamentales de l’hypnose ericksonienne (issue de la pratique de M.H. Erickson), qui est d’observer le patient, d’utiliser ce que l’on observe en s’adaptant, mais aussi, et surtout, de faire confiance en la possibilité qu’ont les patients, même à un stade sévère de la maladie, d’accéder à des ressources internes, il est possible de proposer, quels que soient l’âge ou la présence de troubles neurocognitifs, des traitements par hypnose.

C’est ce que nous explique Sarah Muller dans son article sur les « Conversations hypnotiques en psychogériatrie ». L’hypnose s’envisage dans un contexte thérapeutique, au-delà de sa définition plus usuelle, comme un mode de communication bienveillant et humaniste favorisant une entrée en relation authentique. La dimension relationnelle et collaborative est primordiale et sert de base au processus thérapeutique. La synchronisation du thérapeute se voit centrale, et permet une mise en phase émotionnelle et physique par l’effet des neurones miroirs. Ces derniers étant les plus résistants au processus neurodégénératif, les mieux préservés, permettent d’envisager, dans un trouble neurocognitif majeur, la persistance d’une mémoire émotionnelle, ouvrant la voie à l’entrée en relation avec un canal différent du langage. Le sentiment, part élaborée de l’émotion, n’est plus accessible, mais sa composante physiologique, l’expression motrice, l’est toujours. Le cas clinique présenté est inspirant avec un intérêt particulier lorsque la patiente crie et que la thérapeute s’adapte.

Dans les deux articles, l’utilisation de l’hypnose lors de la « toilette » est intéressante également car il s’agit d’un acte extrêmement banalisé et qui est en même temps fréquent et source de beaucoup d’inconfort. La toilette est un moment difficile chaque matin. La plupart des sujets sont dans un état d’incontinence totale. Le soignant doit dépasser sa technique, avoir une proximité dans une prise de conscience la plus humaine pour aborder un résident, replié sur lui-même la plupart du temps, parfois étonné d’être encore en vie. Il me semble que la toilette peut ramener à des sensations très archaïques du bébé qui a pu ressentir toutes sortes de sentiments et émotions avec cette peau toute neuve et ce toucher perçu avec les sentiments et émotions sans doute assez profondément ancrés.
Ainsi, l’hypnose thérapeutique en gériatrie vient compléter les soins et traitements existants, quels que soient l’âge, les pathologies et les capacités de communication. La relation patient âgé et thérapeute devient alors un dialogue riche... L’hypnose traduit une relation d’inconscient à inconscient, agissant chez tout humain qu’importe son statut cognitif, et la clé de son applicabilité réside finalement dans une ouverture complète et authentique à l’autre. Cet outil thérapeutique permet donc au patient âgé d’être soulagé dans son inconfort et permet au professionnel de lui donner la possibilité d’accéder à un mieux-être. Les hypnotistes doivent être humbles et suffisamment disponibles pour être bouleversés par ce qui surgit de cette « Union des âmes ». Puisse l’approche de Marie Floccia faire de nombreux émules et pas seulement en Nouvelle-Aquitaine.

Last but not least, Blandine Rossi-Bouchet, orthophoniste titulaire d’un DU Douleur et d’un DIU Hypnose médicale, nous convie à la suivre pour un voyage en HypnoPhonie®, concept inventé pour synthétiser sa pratique clinique quotidienne : « De l’orthophonie saupoudrée d’hypnose ». Suivons avec curiosité sa trajectoire singulière qui, depuis ses études jusqu’à la publication d’un ouvrage dédié à la douleur, nous montre qu’au-delà des mots, l’orthophonie soigne aussi les maux.


Pr GÉRARD OSTERMANN

Professeur de thérapeutique, médecine interne, psychothérapeute. Administrateur de la Société française d’alcoologie, responsable du diplôme d’université de Pathologie de l’oralité, Bordeaux 2.

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N°66 : Aout / Septembre / Octobre 2022

Dans ce n°66, nous verrons comment aider les personnes qui nous consultent à sortir des effets des histoires dissociatives dans lesquels elles sont enfermées. Le questionnement développé dans les thérapies brèves est une aide essentielle pour rendre possible l’activation des processus de réassociation.

Edito:
. Julien Betbèze : Approche stratégique et acceptation de la solitude
. Alain Vallée développe un exemple clinique nous montrant comment la conversation d’engagement ouvre de nouvelles possibilités d’agir chez un sujet présentant un diabète de type 2 et qui ne parvenait pas jusque-là, malgré les risques somatiques, à modifier sa relation à l’alimentation.

Spécialiste mondialement connu de l’approche stratégique, Giorgio Nardone explique l’importance de différencier trois manifestations différentes de la solitude. Il enseigne comment apprendre à être avec les autres, et le chemin vers l’acceptation de la solitude, acceptation nécessaire pour faire vivre une relation.

Véronique Cohier-Rahban poursuit sa réflexion sur la prise en charge des enfants soumis aux effets des violences intergénérationnelles. Elle nous montre comment Armel, enfermé dans le rôle « d’enfant problème », va se libérer de son rôle sacrificiel par le questionnement circulaire et la mise en place de relations de coopération dans la famille.

A travers le cas de Marthe, enfermée dans son monde de détresse et d’inquiétude, Arnaud Zeman décrit comment le thérapeute, en se mettant en lien avec ses ressources relationnelles, accueille ses ressentis corporels et ses affects pour construire un accordage avec un sujet prisonnier de son vécu dissociatif. Cet accordage est le premier pas vers un nouveau positionnement rendant possible le changement.

Le dossier thématique sur le lien thérapeutique se poursuit avec Karine Ficini qui nous fait part de l’histoire de Daniel, orphelin à l’âge de 4 ans, et dont les étapes de vie sont marquées par le pouvoir du monde abandonnique. Avec l’utilisation des mouvements alternatifs et de questions centrées sur la traduction corporelle de la confiance en soi, elle tisse un nouveau lien humain qui génère une nouvelle action signifiante pour le sujet.

Bertrand Hénot utilise le questionnement narratif et solutionniste pour aider Louis à modifier son regard sur les services sociaux et sur lui-même, afin de réinvestir son rôle de père et se mettre en chemin pour retrouver la garde de son fils.

Dans l’espace « Douleur Douceur », Gérard Ostermann nous présente trois articles sur l’apport de l’hypnose en gériatrie.

Sarah Muller, dans son article sur les conversations hypnotiques en psychogériatrie, nous raconte comment Mme D. qui présente un diagnostic de Démence fronto-temporal, intègre l’Ehpad à 92 ans, suite à une chute, et va bénéficier d’un accompagnement complet à la toilette, effectuée au lit.

Véronique Treussier-Ravaud expose le cas clinique de Mme L.F. patiente âgée qui souffre de troubles cognitifs sévères. Une séance d’hypnose pendant sa toilette, avec ancrage musical et techniques apaisantes, a pour bout de la réinstaller dans un état de bien-être.

. Blandine Rossi-Bouchet, orthophoniste, nous explique comment elle utilise l’hypnose dans sa pratique quotidienne auprès des personnes âgées.

Dans la chronique « Bonjour et après », vous trouverez les premières consultations d’Elisabeth qui noie son ennui dans l’alcool. Sophie Cohen utilise le questionnement stratégique et l’hypnose pour aider la patiente à quitter ses tentatives de solution.

Enfin, Nicolas D’Inca nous livre un article passionnant sur le chamanisme et les animaux de pouvoir pour retrouver les liens au monde vivant.

Crédit photo Jean-Michel HERIN

Forum de la CFHTB à Bordeaux en 2024

En 2024, Sylvie COLOMBANI-CLAUDEL et Blandine ROSSI-BOUCHET, à l'occasion du Forum de la CFHTB à Bordeaux auront le privilège d'avoir le Pr Gérard OSTERMANN et Lionel NACCACHE en invités d'honneur !

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Rédigé le 11/03/2023 à 22:31 | Lu 6633 fois | 0 commentaire(s) modifié le 11/03/2023




- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies… En savoir plus sur cet auteur
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