Douleurs: migraines, céphalées et autres en-têtes. Dr Patrick BELLET


Douleurs capitales par le Dr Patrick Bellet
Revue Hypnose & Thérapies Brèves, Hors-Série n°3



Affection ayant une prévalence très importante dans la population, la migraine génère, tant par l’intensité de sa douleur que par la répétition de ses crises, des difficultés thérapeutiques qui durent souvent des années.

La complexité de cette pathologie demande une attitude diagnostique et thérapeutique hypnotique adaptée à chaque cas, cependant des axes se dégagent pour s’orienter dans ce maquis tourmenté. L’inestimable intérêt de l’hypnose est de pouvoir réduire, voire faire disparaître la douleur de la crise et aussi d’agir sur le terrain où elle sévit. Cet article présentera un éventail de techniques simples et d’autres plus complexes utiles dans ce contexte.

LA DISTORSION SUBJECTIVE DU TEMPS

C’est probablement l’aspect le plus important à considérer dans le cas de douleurs anciennes et répétitives. Nos consultants sont ceux qui ne peuvent, pour l‘instant, diminuer leur douleur. Le paramètre temporel est essentiel car il infiltre, par sa présence persistante, la vie même de nos patients. Notre travail consiste, dans un premier temps, à évaluer ce facteur ainsi que d’apprécier la façon dont vivent les gens : leurs professions, leurs loisirs, ce qui les intéresse etc. Une douleur permanente intense aura souvent des conséquences psychologiques importantes si elle se prolonge. Les patients disent familièrement que « la douleur leur tape sur le système ! » L’abord de la douleur chronique nécessite une approche fractionnée au nom de l’antique principe qui stipule de « diviser pour mieux régner ! » La douleur brute n’est guère accessible, il nous faudra la considérer sous différents angles tels que son intensité, sa temporalité, ses circonstances d’apparition, ses représentations subjectives et ses modalités thérapeutiques particulières entre autres.

En fonction de ces considérations, l’intensité de la douleur sera traitée indépendamment de la fréquence des crises ou de leurs circonstances d’apparition etc. Le choix se fera pragmatiquement en commençant par ce qui paraît le plus simple pour le cas considéré ; décision évidemment subjective.

Chercher l’exception

Si la douleur est permanente, il nous faudra chercher l’exception. Un interrogatoire minutieux et attentif à de nombreux détails de la vie courante permettra de relever très souvent des accalmies, par exemple à l’occasion d’un match de football passionnant, d’un film captivant, un spectacle drôle, une rencontre amicale ou encore au cours du sommeil. Le patient voit ainsi se réduire le temps douloureux et peut légitimement profiter de ce soulagement. D’autant plus que cette diminution atteste de sa capacité à s’abstraire de la douleur, ressource sur laquelle va porter ultérieurement notre attention pour la suite du traitement. La recherche de l’exception est essentielle pour au moins deux raisons : la première, obtenir déjà un soulagement, un répit ; la seconde, l’apparition de la réversibilité de la symptomatologie.

La réversibilité est un temps important dans l’évolution de la «maladie-douleur », car elle indique qu’un changement est possible. L’espoir qui apparaît nous aide à traiter la composante dépressive de la douleur chronique. Le futur n’est plus la projection et la continuité du passé. Cette action crée une parenthèse dans la souffrance.

L’écoulement subjectif du temps

Cette technique est remarquable pour son double intérêt : diminuer la durée de la crise et augmenter la durée de la période inter-critique. Pour parvenir à ce résultat, les suggestions s’appliqueront en appréciant le continuum de temps, selon une alternance de crise et de périodes quiescentes. Fidèle au fameux principe « diviser pour régner », nous agirons sur les états de crise et de calme, mais aussi sur les moments de transition qui sont des temps privilégiés d’intervention. Ces moments de passage, trop souvent négligés, sont d’un accès relativement aisé en hypnose.

Changer le rythme

Abordons maintenant une douleur intermittente qui va se manifester par des crises. La question qui vient naturellement est : « A quel rythme les crises surviennent-elles ? Combien de fois par jour, par semaine, par mois ? » Diminuer le rythme des crises n’a rien à voir avec le traitement de leur intensité. La fréquence peut diminuer et leur intensité demeurer inchangée, voire augmentée. Une des originalités de l’approche hypnotique est la multiplicité des incidences thérapeutiques. Grâce à l’élargissement du champ temporel, nous ne limitons pas notre action aux crises, mais intervenons aussi pendant les périodes qui les séparent.

En pratique, l’attention du patient est attirée, en cours de séance, sur la qualité du vécu inter-critique. Par la réactivation du souvenir de ce moment de quiétude avec toutes ses composantes sensorielles et émotionnelles, nous aidons le patient à réexpérimenter ses propres sensations et, par des suggestions post-hypnotiques, nous en prolongeons l’action au-delà de la séance. La répétition de ce type de séance permet au patient d’acquérir le savoir-faire nécessaire à l’auto-hypnose et devenir indépendant du thérapeute.

Techniques de confusion temporelle

Le début d’une crise est parfois corrélé à une circonstance prévisible, cependant la fin d’une crise est plus difficilement perceptible. Il est aisé de dire que la douleur n’existe plus, mais il est rarement possible de dire QUAND cette douleur a commencé à diminuer. Ce changement qui a pourtant eu lieu est passé inaperçu. Cette distraction montre qu’il est parfois impossible de dire si c’est plutôt la distraction qui entraîne une diminution de la sensation douloureuse ou bien l’inverse, ou les deux ! Qu’importe !

Dans les douleurs chroniques, le passé se transforme en futur, laissant peu de place au présent. Une sorte d’état de « confusion temporelle » dans lequel le patient a du mal à se situer. Pour l‘aider à distinguer ces différences, il est parfois intéressant de recourir à des techniques d’un maniement plus difficile et dont la formulation est surprenante. Souffrir uniquement de la douleur du jour ! Ne souffrir que lorsque la douleur est présente est une variante qui tend à écarter la souffrance liée à la douleur d’hier et à celle de demain, non encore advenue. Une réduction des 2/3 sous un certain angle…

Une autre technique combine le «signaling», la relativité d’appréciation et la prescription de l’analgésie. Elle peut se formuler ainsi : « Et je me demande quel pourcentage de douleur peut disparaître sans que votre esprit ne s’en rende compte ? Et lorsque votre esprit aura trouvé la réponse, il me l’indiquera par un petit mouvement volontaire ou involontaire d’un doigt ou l’autre de l’une des deux mains. 1% ? Très bien, votre index gauche indique qu’1% de douleur peut disparaître sans que votre esprit ne s’en rende compte. Peut-être encore 1% de douleur disparaît insensiblement ? Très bien. 1% de plus de douleur en moins… »

Évidemment, il est impossible de supprimer la douleur avec ce décomptage, cette technique contribue à faire varier l’évaluation de la douleur et à « saupoudrer » la suggestion de diminution de la douleur. Ces techniques de prescription temporelle sont émotionnellement mobilisatrices et ne seront employées que dans un nombre limité de cas par des praticiens entraînés. De l’observation des crises découleront les différentes interventions des techniques de distorsion subjective du temps pour réduire la douleur. Et conformément au « principe d’utilisation » d’Erickson, nous porterons notre attention sur les périodes quiescentes pour les « dilater » ce qui aura pour conséquence de diminuer la fréquence des crises. La ligne rythmique de la douleur nous conduit à envisager celle-ci sous un angle spatial et le schéma indiquera les différents moments d’intervention dans cette démarche.

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Rédigé le 18/07/2018 à 01:28 | Lu 525 fois | 0 commentaire(s) modifié le 19/07/2018




Florent HAMON. Hypnothérapeute, Praticien EMDR, Infirmier anesthésiste à Paris. Chargé de… En savoir plus sur cet auteur
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