Double hommage à Daniel Stern, Psychanalyste.




Par Luc FARCY, Stefano COLOMBO

Luc Farcy, puis Stefano Colombo évoquent le psychanalyste récemment disparu, qui a contribué à la compréhension de l’hypnose par son étude de la relation mère-bébé.



Daniel Stern dans Le monde interpersonnel du nourrisson1, nous fait découvrir la mise en place, l’organisation et le remaniement du soi selon quatre domaines fondamentaux :

- Soi Emergent où la perception physiognomonique et les affects de vitalité sont primordiaux. Dans ce domaine s’établit la mise en relation des expériences sociales par assimilation, accommodation,association et identification des invariants. L’organisation qui émerge est une mise en ordre d’un état interne indéfini mais pas indifférencié,

- Soi Noyau ou l’expérience de la cohérence de soi. Il se construit sur la cohérence des lieux, des mouvements, des structures temporelles et des formes. Il forme l’expérience de l’affectivité catégorielle de soi. Il assure le sentiment de permanence de soi.

- Soi InterSubjectif. Entre le 7ème et le 9ème mois, le nourrisson découvre qu’il a un esprit et l’autre aussi. Il découvre la capacité de le partager. Ce partage du centre d’attention, des intentions et des états affectifs relève de l ’accordage. La qualité des échanges varie en intensité et construit une pulsation temporelle (rythme, durée et forme) dans la relation. L’accordage est un processus non-conscient, vivant et complexe.

- Soi Verbal. Au cours de la deuxième année de vie, l’enfant expérimente la représentation consciente du monde conscient et sa traduction en mot ou expressions. Il perd le sentiment d’un moi unifié et harmonieux. Il fait l’expérience d’un soi morcelé. Des couches d’expériences se détachent de ce qui s’exprime par le langage. C’est l’apparition de la spécification catégorielle des perceptions qui jusqu’alors étaient, par essence, entières, a-modales et aspécifiques. Il perd sa synesthésie. Les différents composants sensoriels se désassocient pour suivre des trajets spécifiques, former des objets sensoriels distincts, et être recombinés, en bout de course, pour former un objet conceptuel, contextualisé, par les aires associatives du langage notamment.

On observe donc un processus continu d’association et de desassociation des composants internes. La désassociation la plus haute se déroule quand une expression sémantique devra symboliser un pan d’expérience : c’est le processus de généralisation. Pour le rompre, il s’agit de rentrer dans les détails spécifiques d’une scène qui se mettra alors à revivre dans toute sa complexité. Cette réversibilité le différencie d’un processus de dissociation. Ainsi en est-il des expériences de régressions profondes qui, se vivant dans le domaine du Soi Emergent (« C’est comme un blanc »), n’en restent pas moins accessibles et interprétables dans le domaine du Soi Noyau (« La sensation physique qui se manifeste », « L’émotion que ça vous fait »), Intersubjectif (« Oui c’est bien ! »), et Verbal (« Quels mots ou images peuvent décrire et partager cette expérience ? »).

Ainsi n’en est-il pas des expériences traumatiques qui, en étant brutales et inconnues, restent comme enkystées dans un domaine de soi tant qu’une intégration, minutieuse et intense, ne peut se faire. La dimension traumatique est dissociée des autres dimensions de l’expérience. Dans le domaine émergent, ce sera la prostration, avec des conduites automatiques inadaptées. Dans le Soi Noyau, ce seront des douleurs chronicisées sans substrat somatique. Dans le Soi Intersubjectif, des recherches de réassurance infructueuses et perpétuelles, sans capacité d’adopter d’autre point de vue. Dans le Soi verbal, des logorrhées vides sans support expérientiel.

Rendre hommage à Daniel Stern, c’est savoir qu’il nous a quittés en novembre 2012. Que ses travaux me semblent trop méconnus, et qu’ils méritent notre attention puisqu’ils explorent les mécanismes de l’attachement et de la construction de soi. En particulier dans leurs implications en psychothérapie. Cette relation qui aboutit non pas à un échange d’informations, mais à une transformation partagée. En particulier en hypnose, car l’influence mutuelle, les suggestions et les variations des états internes en sont les tenants. Par influence mutuelle et suggestions, j’entends la transformation des relations, des associations et des valeurs des différents composants des représentations internes complexes qui contribuent à créer une image de soi et du monde. Les variations d’états sont des mouvements psychiques, désassociatifs, plus ou moins intenses, qui nous amènent dans des variations physiologiques repérables. Ce sont les phénomènes hypnotiques (relaxation, analgésie, distorsion de la perception du temps, catalepsie).

Ce changement d’état entraîne des transformations internes. Avec des mouvements d’association, de désassociation et de réassociation des composants de scènes psychiques ou des processus idéo-moteurs. Ces mouvements improbables et inattendus amèneront, par exemple, à changer les composants ou la lecture d’un souvenir, donc de sa valeur et de là, à changer l’image de soi.

Nous savons que nous reconstruisons le monde à partir de briques ou de particules prédéfinies mais hautement individualisées par les expériences acquises. Daniel Stern nous guide dans la compréhension de cet univers intérieur, instable et relativiste. Qu’il découvre composé de quatre constellations : L’émergent, le noyau, l’intersubjectif et le verbal. Ce sont ces différents domaines que nous parcourons dans une séance d’hypnose, pour parvenir à un changement thérapeutique. Il s’agit alors d’un processus réintégratif d’un objet mental réduit et pathogène, transformé et enrichi, dans toutes les dimensions de soi.

« Bonjour ! Qu’attendez de vous de cette, intense, expérience d’être ici maintenant ? » Soi verbal et intersubjectif.

« Maintenant que votre objectif est clair, que ressentez-vous si vous portez votre attention sur comment votre respiration respire, votre circulation circule et sur n’importe quel son que votre oreille droite perçoit ? »

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1ère partie : hypnose pour l’enfant douloureux 
Introduction ; recherches scientifiques clefs, avantages généraux de l’hypnose chez l’enfant douloureux (Chantal Wood) 
Avantages de l’autohypnose et comment la proposer et suivre l’enfant (Isabelle Ignace) 
Illustrations dans l’urgence et dans la durée (Thierry Moreaux) 
Ce que l’hypnose modifie dans la relation entre soignant et soigné douloureux (Chantal Wood) 

2ème partie: l'enfant et le monde 
Déliances de l’enfance, reliances de l’adulte (Armelle Touyarot et Félix Benchimol) 
Histoire de mère, histoire de bébé (Isabelle Stimec) 
Double hommage à D. Stern (Luc Farcy. Stefano Colombo) 
Un père raconte (Jean-Michel Hérin) 
Le monstre dans la littérature fantastique (Didier Lafargue) 
TOC chez l'enfant (Jean-François Marquet) 
Hypnose solutionniste en pédiatrie ambulatoire (Hervé Fischer et Dominique Farges-Queraux) 
De la pratique thérapeutique à l’art de vivre (Isabelle Celestin Lhopiteau) 

3ème partie: l'enfant : un être de projet 
L'importance de la relation en hypnothérapie avec l'enfant (Antoine Bioy, Chantal Wood)) 
Mon Alter Héros (Maxime Lamourette) 

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Rédigé le 08/08/2018 à 11:51 | Lu 400 fois | 0 commentaire(s) modifié le 08/08/2018




Sophie Tournouër, Psychologue clinicienne, Hypnothérapeute et Thérapeute Familiale. praticienne… En savoir plus sur cet auteur
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