Apports de l'hypnose : de la pratique thérapeutique à l’art de vivre.


Par Isabelle CÉLESTIN-LHOPITEAU
Une récapitulation des apports de l’hypnose et de l’autohypnose dans le domaine de l’enfance.



De nombreuses recherches ainsi que l’expérience clinique nous montrent l’intérêt de l’hypnose pour les enfants, que ce soit en hypnothérapie ou en hypnoanalgésie. Les enfants ont une très grande capacité à rentrer en hypnose, qui semble merveilleusement correspondre à leur façon d’envisager le monde et ouvre sur l’univers de l’imaginaire et de la créativité. Proposer l’hypnose à des enfants, lors de soins, d’examens médicaux ou encore en psychothérapie, c’est leur permettre de se servir de cette capacité naturelle, mais aussi d’y revenir de façon autonome à travers l’apprentissage de l’auto-hypnose.

La pratique de l’hypnose chez les enfants, au-delà des différentes indications, amène aussi à une réflexion sur l’essence même de l’hypnose : Il ne s’agit pas seulement d’une pratique thérapeutique ou d’une capacité naturelle, à laquelle se reconnecter quand un problème est là, mais aussi d’un véritable art de vivre, un art de percevoir le monde, la possibilité de faire de chaque instant du quotidien une expérience optimale. Nous pouvons proposer aux enfants de développer cette capacité hypnotique pour être présent à soi et au monde, mais aussi d’apprendre à l’entretenir dès l’enfance pour la conserver en grandissant et en devenant adulte. Nous verrons ainsi que l’hypnose pour les enfants s’avère riche d’enseignements pour les adultes, tant sur le plan de la réflexion que sur celui de la pratique.

I. Particularités de l’hypnose chez les enfants

Une large base commune existe entre la pratique de l’hypnose auprès d’adulte et celle des enfants, cependant il existe des spécificités.

1) Faire émerger la demande de l’enfant

Les enfants sont amenés par leurs parents qui énoncent une demande souvent à leur place. Il faut donc tout d’abord permettre à un enfant de dégager sa propre demande. Parfois, ce que les parents considèrent comme un problème n’en est pas un pour l’enfant, et vice et versa. Il arrive également que la demande des parents soit ambiguë et qu’elle relaie une demande davantage sociale, à travers une attente d’enfants encore plus compétents et efficaces, comme s’il s’agissait de former à travers la thérapie des enfants modèles, voire l’enfant idéal rêvé par les parents. Ecartons d’emblée toute ambiguïté : le but n’est pas en hypnothérapie, ni dans les autres formes de thérapie, de former des enfants modèles mais au contraire d’offrir à l’enfant un espace de découverte de lui-même et de construction de son identité propre. En thérapie, l’enfant, après avoir échappé au moulage de l’enfantmodèle, risque encore un autre moule, celui des différentes théories qui le modélisent. Ramené à une théorie qui le définit, il disparait alors en tant que sujet. En effet, face à un symptôme, les psychothérapeutes donnent du sens à celui-ci en le ramenant à leur cadre de référence. C’est l’effet rassurant de la théorie, que Maud Mannoni dénonçait déjà dans son livre La théorie comme fiction, théorisation fonctionnant de façon défensive pour le thérapeute en l’empêchant d’être pleinement dans la relation avec son patient. Il ne s’agit pas de n’avoir aucune théorisation de la pratique mais de garder une distance suffisante vis à vis de la théorie pour rester présent à la relation. La pratique même de l’hypnose, son approche trans-thérapeutique et ses diverses modalités d’utilisation, vont à l’encontre de ce risque de modélisation.

Faire émerger la demande de l’enfant lorsqu’il est dans l’état hypnotique (à travers l’exercice des 3 dessins de Joyce Mills ou celui des mains de Rossi par exemple) apparait comme un excellent moyen de lui faire
accéder à sa demande personnelle. (Célestin I, 2013). Ce temps du travail de la demande dans l’état hypnotique est tout aussi intéressant à proposer chez l’adulte. Combien de fois un patient venant, par exemple, pour mieux dormir, ressort en ayant réglé sa dépendance au tabac ! Le processus hypnotique réoriente l’attention du patient vers ce qui est vraiment essentiel à ce moment-là.

2) Utilisation des outils de communication habituels de l’enfant (jeu, dessin, conte…)

Les séances d’hypnose s’appuient largement sur l’utilisation des outils de communication habituels de l’enfant : le jeu, les dessins, les contes… Ce sont autant de supports métaphoriques, qui font naturellement
parties de l’univers de l’enfant et qui le plongent dans un état naturel d’hypnose. C’est avec toute la force de son imagination qu’un enfant va se projeter dans ces diverses métaphores, mettant en scène les multiples facettes d’une réalité possible pour reconfigurer son monde, y projeter son propre problème et imaginer différents chemins pour y faire face. Ce travail avec l’imaginaire est particulièrement accessible aux enfants qui, spontanément, s’expriment, construisent leurs connaissances, structurent leur pensée et élaborent une vision du monde grâce à cet imaginaire.
Quand les enfants jouent, c’est du sérieux. Le jeu a une fonction essentielle dans le développement et l’épanouissement des enfants. Véritable mode d’expression, en dehors du plaisir que jouer procure à un enfant, il nourrit son imaginaire, sa mémoire, ses relations sociales. Un autre de ses rôles est de l’aider à franchir les étapes difficiles, résoudre les conflits et extérioriser ses émotions. Pendant le jeu, un enfant peut par exemple exprimer la colère ou l’angoisse, explorer cette émotion librement à travers les différents personnages pour arriver à sortir de cette émotion. Sa souffrance peut également être abordée de façon métaphorique à  travers un conte, une histoire construite à partir des centres d’intérêt
de l’enfant ou encore la technique de se raconter mutuellement des histoires. Il faut que l’histoire fasse écho à ses angoisses, ses émotions, ses désirs, et mette en scène sa problématique. Le dessin est aussi un autre moyen d’exploration par l’enfant de ses différentes ressources en hypnose. Ces outils de communication issus de l’enfance, le jeu, le conte, le dessin, sont très importants pour l’adulte, dans l’évolution personnelle de chacun et font écho à la définition de F. Nietzsche qui pensait la maturité de l’homme comme sa capacité à retrouver le sérieux qu’il mettait au jeu, étant enfant.

3) Une hypnose en mouvement

Inutile d’imaginer qu’une séance d’hypnose avec un enfant se passe comme avec un adulte ! Pendant la séance, les enfants bougent, ouvrent parfois les yeux, sortent de la transe et y reviennent tout aussi facilement. Cette observation nous invite à proposer des séances qui intègrent le mouvement. Chez l’adulte, intégrer le mouvement sera tout aussi important. Rappelons- nous que toutes les métaphores, qu’elles soient corporelles, imaginaires, symboliques servent à faire expérimenter au patient ce mouvement du changement. Tout symptôme est une rupture dans le mouvement permanent du changement et dans notre adaptation à ce changement. L’hypnose va remettre en action le patient qui était figé par un symptôme.

4) L’hypnose pour traverser les émotions

Les enfants expriment plus facilement leurs émotions que les adultes, et l’hypnose s’avère être un très bon outil pour les aider à faire face à celles-ci. Plutôt que de fuir une expérience émotionnelle (chercher à chasser une tristesse, à nier la peur, la frustration ou l’envie, voire à refuser la joie pour ne pas souffrir de sa disparition ultérieure), quand l’émotion se présente l’hypnopraticien va encourager les enfants à l’accepter pleinement en tant qu’expérience, et à la traverser. Il ne s’agit pas de déclencher une émotion chez l’enfant mais d’accompagner celle-ci si elle émerge pendant un soin, en thérapie ou encore si elle lui pose régulièrement problème dans sa vie. Cet apprentissage sur les émotions s’avère évidemment très utile pour les patients adultes.

II. Les indications

1) Dans le champ de la psychothérapie

De multiples indications pour les enfants sont abordées avec l’hypnose : Les phobies et attaque de panique, les manifestations de l’anxiété chronique, la gestion du stress, la dépression infantile précoce, les tics, les troubles du sommeil, les retards du développement et des apprentissages, les troubles de l’attention et troubles perturbateurs, les troubles du contrôle sphinctérien, les troubles de l’attachement et anxiété de séparation, les troubles de l’alimentation…



ISABELLE CÉLESTIN-LHOPITEAU

Directrice de l’IFPPC, Institut Français des Pratiques PsychoCorporelles. Responsable du DU Hypnose Clinique, du DU Pratiques PsychoCorporelles et du DU Hypnose et Anesthésie à la Faculté de médecine Paris XI. Présidente de l’Association Thérapies d’Ici et d’Ailleurs. Psychologue- Psychothérapeute, Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur du CHU Bicêtre.


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1ère partie : hypnose pour l’enfant douloureux 
Introduction ; recherches scientifiques clefs, avantages généraux de l’hypnose chez l’enfant douloureux (Chantal Wood) 
Avantages de l’autohypnose et comment la proposer et suivre l’enfant (Isabelle Ignace) 
Illustrations dans l’urgence et dans la durée (Thierry Moreaux) 
Ce que l’hypnose modifie dans la relation entre soignant et soigné douloureux (Chantal Wood) 

2ème partie: l'enfant et le monde 
Déliances de l’enfance, reliances de l’adulte (Armelle Touyarot et Félix Benchimol) 
Histoire de mère, histoire de bébé (Isabelle Stimec) 
Double hommage à D. Stern (Luc Farcy. Stefano Colombo) 
Un père raconte (Jean-Michel Hérin) 
Le monstre dans la littérature fantastique (Didier Lafargue) 
TOC chez l'enfant (Jean-François Marquet) 
Hypnose solutionniste en pédiatrie ambulatoire (Hervé Fischer et Dominique Farges-Queraux) 
De la pratique thérapeutique à l’art de vivre (Isabelle Celestin Lhopiteau) 

3ème partie: l'enfant : un être de projet 
L'importance de la relation en hypnothérapie avec l'enfant (Antoine Bioy, Chantal Wood)) 
Mon Alter Héros (Maxime Lamourette) 

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Rédigé le 08/08/2018 à 18:44 | Lu 625 fois | 0 commentaire(s) modifié le 08/08/2018




Sophie Tournouër, Psychologue clinicienne, Hypnothérapeute et Thérapeute Familiale. praticienne… En savoir plus sur cet auteur
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