« Qui doit être préparée juste avant son emploi » (Larousse). En salle de naissance, Yves Halfon a longtemps veillé à concocter cette hypnose qui aide les femmes enceintes à accoucher, bien sûr, et aussi à se préserver de la douleur pour être apte à commencer dans les meilleures conditions possibles une belle nouvelle histoire.
« Les femmes n’ont pas besoin de souffrir dans leur chair pour aimer leur enfant » disait Françoise Dolto. Au niveau de l’accouchement, pour la gestion de la douleur, la demande d’indolorisation trouve en grande partie une réponse dans l’analgésie péridurale. Cependant, l’hypnose peut être utilisée comme méthode psychoprophylactique d’accouchement pour permettre à la femme d’accoucher sans douleur désorganisatrice.
Nous savons que la douleur de l’accouchement est un phénomène de conscience, un processus psychosomatique sous-tendu par une contraction musculaire ; que l’intensité douloureuse est fonction à la fois de la physiologie de la femme, de sa personnalité, mais aussi du conditionnement socioculturel qu’elle a reçu, de l’attention qu’elle porte au phénomène, et de sa propre angoisse.
L’hypnose fournit au sujet, après apprentissage, la capacité de modifier les mécanismes d’amortissement émotionnel. L’intégration des informations nociceptives dans le champ de la conscience n’est pas totalement supprimée, mais leur traitement semble se trouver modifié. Elles restent perçues, mais ne s’accompagnent pas de souffrance.
Au niveau de l’analgésie, les résultats recherchés sont ceux décrits par Léon Chertok, dans Le non-savoir des psy : « Les différentes modalités de l’analgésie : le sujet peut avoir conscience des contractions utérines sans éprouver la moindre sensation douloureuse ; la douleur peut être atténuée ; elle peut être ressentie sans que cela se traduise dans le comportement de la parturiente; celle-ci peut au contraire donner des signes végétatifs de douleur, tout en déclarant qu’elle ne souffre pas ; ou encore elle peut oublier toute la scène... Par ailleurs, les observateurs ont noté l’influence de la suggestion verbale sur les fonctions physiologiques : contractions utérines... »
NAISSANCE DE JEAN
Voici la présentation d’un cas clinique en extemporanée : l’hypnose est reproposée à la femme, en salle de naissance, qui accepte, sceptique. Elle avait fait une préparation à l’accouchement, avec l’aide de l’hypnose. Mais l’analgésie hypnotique qu’elle tentait de reproduire pour mieux gérer la douleur des contractions ne fonctionnait pas. On ne pouvait pas, non plus, encore poser une péridurale, selon le médecin anesthésiste.
Femme de 27 ans, première enfant, deuxième grossesse, ayant comme antécédent une interruption médicale de grossesse, à 18 semaines d’aménorrhée, pour malformation foetale. Elle se présent à minuit, pour suspicion de rupture des membranes, accompagnée de son époux qui lui, est visiblement assez anxieux et agité. La femme ne ressent pas de contractions utérines. Enregistrement du rythme cardiaque fœtal et des contractions : 2 contractions pour 10 minutes de repos. Au toucher vaginal, le col postérieur, en cours d’effacement. L’activité cardiaque de l’enfant est bonne.
Vers une heure du matin, début des contractions utérines, ressenties excessivement douloureuses. Prise en charge par la sage-femme qui lui propose des positions antalgiques, une douche chaude, et un travail sur un ballon.
Vers quatre heures, une autre sage-femme demande à la patiente, si elle désire travailler avec l’hypnose afin d’alléger ses douleurs et de pouvoir dormir. La femme accepte.
La sage-femme : Vous êtes bien installée ?
La patiente : Oui !
La Sage-femme : Vous souvenez-vous des cours de préparation à l’accouchement ?
La patiente : Oui, mais je n’ai jamais réussi à être vraiment « en transe ». Cela ne marche pas. Je n’y crois pas trop.
Le mari : Je n’y étais pas, mais elle m’en a parlé, c’est vrai que ce n’est pas évident.
La sage-femme : Vous vous souvenez de l’endroit calme et sécurisant, qui vous permettait de vous reposer, en cours de préparation ?
La patiente : Oui !
Commentaires du psychologue : une séance de « yes set » (séquence d’acceptation) avait commencé.
Ce dialogue, évidemment, se fait dans la période de repos, entre deux contractions. Pour une femme qui n’aurait pas eu de préparation avec l’hypnose, on pourrait leur proposer cette approche : « Je vois que les contractions sont douloureuses. Je peux vous aider un tout petit peu… Pour vous permettre d’être plus confortable… »
Puis, on associe la douleur à la sensorialité dans l’ici et le maintenant, pour désengager son attention et ne parler que des autres sensations, avant de lui proposer une expérience virtuelle d’un plus grand confort. On utiliserait la dissociation corps/esprit : « Pendant que l’utérus travaille, l’esprit peut vagabonder, être ailleurs, être absent ; le regard dans le vague, etc. »
La sage-femme : Nous allons attendre ce moment de repos, quand la contraction cesse… Et bien retournez-y maintenant. Retournez dans cet endroit calme et serein qui vous sert de refuge… Du confort… dans l’un… confort… La patiente, assise sur le lit d’accouchement, ferme les yeux et baisse la tête, très rapidement.
La sage-femme : Vous pouvez vous concentrer sur votre respiration, sur l’air qui entre et sort de vos narines.
Commentaires du psychologue : La focalisation sur la respiration permet de fixer l’attention de la femme sur un élément autre que les douleurs des contractions. L’attention se porte sur la partie haute de la respiration (le nez). La sage-femme recherche à éloigner l’attention de la femme de son utérus.
Alain, dans ses Propos : « Beaucoup de douleurs seraient adoucies et peut-être effacées, si l’attention se portait ailleurs. Mais il y a une crainte de la douleur qui fait justement qu’on l’épie, qu’on s’applique à la prévoir, à la mesurer, je dirais presque à la goûter » . L’attention met en mouvement les facultés interprétatives du cerveau comme le souligne H. Michel Wolfromm : « La douleur prend son sens par l’attention qu’elle suscite, les souvenirs qu’elle évoque et les craintes qu’elle imagine pour l’avenir ».
C’est là l’importance de l’hypnose pour réduire la douleur, et l’importance de la dissociation hypnotique, cette capacité d’être ail leurs, tout en étant présent : « Être là sans être là ! » A partir de ce moment, la patiente ne parle plus ; seule la sage-femme parle pour soutenir l’intériorisation de la femme.
La sage-femme : Cet endroit qui vous repose… Où vous êtes bien… Cet endroit où vous allez calmement…Tranquillement… Pendant que votre corps travaille… Soyez bien là-bas… Être un petit peu là et surtout là-bas…(Les points de suspension correspondent à des pauses verbales de 15 à 30 sec). Légers mouvements de la patiente ; il n’y a plus d’expressions de la douleur.
Commentaires du psychologue : On constate encore l’importance du saupoudrage, comme suggestion à l’inconscient. La sage-femme développe aussi la dissociation corps/esprit qui est la meilleure façon de réduire une douleur aiguë.
La sage-femme : Vous respirez calmement… Au rythme d’une respiration lente et profonde, vous partez tranquillement… Vous êtes bien.
La patiente crispe son visage, et bouge, lors d’une contraction.
La sage-femme : Vous pouvez détendre votre visage ; vous vous réfugiez dans cet endroit calme… Si une contraction vous fait revenir présente, vous êtes rassurée, le travail de l’utérus se fait bien… Et vous la ressentez moins fortement et repartez tout de suite… Être un petit peu là et surtout ailleurs. Comme parfois on s’absente de la réalité à penser à autre chose pour tromper le temps…
« Les femmes n’ont pas besoin de souffrir dans leur chair pour aimer leur enfant » disait Françoise Dolto. Au niveau de l’accouchement, pour la gestion de la douleur, la demande d’indolorisation trouve en grande partie une réponse dans l’analgésie péridurale. Cependant, l’hypnose peut être utilisée comme méthode psychoprophylactique d’accouchement pour permettre à la femme d’accoucher sans douleur désorganisatrice.
Nous savons que la douleur de l’accouchement est un phénomène de conscience, un processus psychosomatique sous-tendu par une contraction musculaire ; que l’intensité douloureuse est fonction à la fois de la physiologie de la femme, de sa personnalité, mais aussi du conditionnement socioculturel qu’elle a reçu, de l’attention qu’elle porte au phénomène, et de sa propre angoisse.
L’hypnose fournit au sujet, après apprentissage, la capacité de modifier les mécanismes d’amortissement émotionnel. L’intégration des informations nociceptives dans le champ de la conscience n’est pas totalement supprimée, mais leur traitement semble se trouver modifié. Elles restent perçues, mais ne s’accompagnent pas de souffrance.
Au niveau de l’analgésie, les résultats recherchés sont ceux décrits par Léon Chertok, dans Le non-savoir des psy : « Les différentes modalités de l’analgésie : le sujet peut avoir conscience des contractions utérines sans éprouver la moindre sensation douloureuse ; la douleur peut être atténuée ; elle peut être ressentie sans que cela se traduise dans le comportement de la parturiente; celle-ci peut au contraire donner des signes végétatifs de douleur, tout en déclarant qu’elle ne souffre pas ; ou encore elle peut oublier toute la scène... Par ailleurs, les observateurs ont noté l’influence de la suggestion verbale sur les fonctions physiologiques : contractions utérines... »
NAISSANCE DE JEAN
Voici la présentation d’un cas clinique en extemporanée : l’hypnose est reproposée à la femme, en salle de naissance, qui accepte, sceptique. Elle avait fait une préparation à l’accouchement, avec l’aide de l’hypnose. Mais l’analgésie hypnotique qu’elle tentait de reproduire pour mieux gérer la douleur des contractions ne fonctionnait pas. On ne pouvait pas, non plus, encore poser une péridurale, selon le médecin anesthésiste.
Femme de 27 ans, première enfant, deuxième grossesse, ayant comme antécédent une interruption médicale de grossesse, à 18 semaines d’aménorrhée, pour malformation foetale. Elle se présent à minuit, pour suspicion de rupture des membranes, accompagnée de son époux qui lui, est visiblement assez anxieux et agité. La femme ne ressent pas de contractions utérines. Enregistrement du rythme cardiaque fœtal et des contractions : 2 contractions pour 10 minutes de repos. Au toucher vaginal, le col postérieur, en cours d’effacement. L’activité cardiaque de l’enfant est bonne.
Vers une heure du matin, début des contractions utérines, ressenties excessivement douloureuses. Prise en charge par la sage-femme qui lui propose des positions antalgiques, une douche chaude, et un travail sur un ballon.
Vers quatre heures, une autre sage-femme demande à la patiente, si elle désire travailler avec l’hypnose afin d’alléger ses douleurs et de pouvoir dormir. La femme accepte.
La sage-femme : Vous êtes bien installée ?
La patiente : Oui !
La Sage-femme : Vous souvenez-vous des cours de préparation à l’accouchement ?
La patiente : Oui, mais je n’ai jamais réussi à être vraiment « en transe ». Cela ne marche pas. Je n’y crois pas trop.
Le mari : Je n’y étais pas, mais elle m’en a parlé, c’est vrai que ce n’est pas évident.
La sage-femme : Vous vous souvenez de l’endroit calme et sécurisant, qui vous permettait de vous reposer, en cours de préparation ?
La patiente : Oui !
Commentaires du psychologue : une séance de « yes set » (séquence d’acceptation) avait commencé.
Ce dialogue, évidemment, se fait dans la période de repos, entre deux contractions. Pour une femme qui n’aurait pas eu de préparation avec l’hypnose, on pourrait leur proposer cette approche : « Je vois que les contractions sont douloureuses. Je peux vous aider un tout petit peu… Pour vous permettre d’être plus confortable… »
Puis, on associe la douleur à la sensorialité dans l’ici et le maintenant, pour désengager son attention et ne parler que des autres sensations, avant de lui proposer une expérience virtuelle d’un plus grand confort. On utiliserait la dissociation corps/esprit : « Pendant que l’utérus travaille, l’esprit peut vagabonder, être ailleurs, être absent ; le regard dans le vague, etc. »
La sage-femme : Nous allons attendre ce moment de repos, quand la contraction cesse… Et bien retournez-y maintenant. Retournez dans cet endroit calme et serein qui vous sert de refuge… Du confort… dans l’un… confort… La patiente, assise sur le lit d’accouchement, ferme les yeux et baisse la tête, très rapidement.
La sage-femme : Vous pouvez vous concentrer sur votre respiration, sur l’air qui entre et sort de vos narines.
Commentaires du psychologue : La focalisation sur la respiration permet de fixer l’attention de la femme sur un élément autre que les douleurs des contractions. L’attention se porte sur la partie haute de la respiration (le nez). La sage-femme recherche à éloigner l’attention de la femme de son utérus.
Alain, dans ses Propos : « Beaucoup de douleurs seraient adoucies et peut-être effacées, si l’attention se portait ailleurs. Mais il y a une crainte de la douleur qui fait justement qu’on l’épie, qu’on s’applique à la prévoir, à la mesurer, je dirais presque à la goûter » . L’attention met en mouvement les facultés interprétatives du cerveau comme le souligne H. Michel Wolfromm : « La douleur prend son sens par l’attention qu’elle suscite, les souvenirs qu’elle évoque et les craintes qu’elle imagine pour l’avenir ».
C’est là l’importance de l’hypnose pour réduire la douleur, et l’importance de la dissociation hypnotique, cette capacité d’être ail leurs, tout en étant présent : « Être là sans être là ! » A partir de ce moment, la patiente ne parle plus ; seule la sage-femme parle pour soutenir l’intériorisation de la femme.
La sage-femme : Cet endroit qui vous repose… Où vous êtes bien… Cet endroit où vous allez calmement…Tranquillement… Pendant que votre corps travaille… Soyez bien là-bas… Être un petit peu là et surtout là-bas…(Les points de suspension correspondent à des pauses verbales de 15 à 30 sec). Légers mouvements de la patiente ; il n’y a plus d’expressions de la douleur.
Commentaires du psychologue : On constate encore l’importance du saupoudrage, comme suggestion à l’inconscient. La sage-femme développe aussi la dissociation corps/esprit qui est la meilleure façon de réduire une douleur aiguë.
La sage-femme : Vous respirez calmement… Au rythme d’une respiration lente et profonde, vous partez tranquillement… Vous êtes bien.
La patiente crispe son visage, et bouge, lors d’une contraction.
La sage-femme : Vous pouvez détendre votre visage ; vous vous réfugiez dans cet endroit calme… Si une contraction vous fait revenir présente, vous êtes rassurée, le travail de l’utérus se fait bien… Et vous la ressentez moins fortement et repartez tout de suite… Être un petit peu là et surtout ailleurs. Comme parfois on s’absente de la réalité à penser à autre chose pour tromper le temps…
Valérie TOUATI-GROSS
Hypnothérapeute, Thérapie EMDR, Ostéopathe.
Exerce dans le Cabinet d'Hypnose Médicale, Ostéopathie, EMDR de Paris 12.
Spécialisée sur les traitements et approches de la Fécondation In Vitro (FIV), et de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), Infertilité Inexpliquée.
Rédactrice web de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
...En savoir plus sur cette rédactrice
Hypnothérapeute, Thérapie EMDR, Ostéopathe.
Exerce dans le Cabinet d'Hypnose Médicale, Ostéopathie, EMDR de Paris 12.
Spécialisée sur les traitements et approches de la Fécondation In Vitro (FIV), et de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), Infertilité Inexpliquée.
Rédactrice web de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
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Version papier épuisée de ce numéro, la version PDF est fournie à la place
Ce hors-série traite des multiples visages de la douleur et explore les ressources créatives des patients et des thérapeutes.
Edito :“Mille douleurs“ Thierry Servillat
“Aide à l’accouchement“. Une hypnose extemporanée. Yves Halfon.
“Urgences en souffrances“. Les sphères de l’antalgie. Franck Garden-Brèche
“L’hypnose du dentiste“. D’abord pour le soignant ! Kenton Kaiser
“Après la torture“. Une hypnose hors du commun. Emmanuel Héau.
“Chirurgie carcinologique du sein“. Bénéfices hypnotiques. Fabienne Roelants et Christine Watremez
“En mode existentiel“. Témoignage auto-hypnotique. Sophie Cohen
“Douleur chronique“. Une ignorance qui structure. Antoine Bioy
Hypno-photomontage. Pierre-Henri Garnier
Coïncidences : “Les madeleines ou le secret du monde“ Jean-Pierre Meyzer
Humeur : “Avant de partir pour Terra Hypnosia“ Imelda Schwartz Haehnel
Pour acheter ce numéro de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves à l’unité, ou vous abonner, cliquez ici
Ce hors-série traite des multiples visages de la douleur et explore les ressources créatives des patients et des thérapeutes.
Edito :“Mille douleurs“ Thierry Servillat
“Aide à l’accouchement“. Une hypnose extemporanée. Yves Halfon.
“Urgences en souffrances“. Les sphères de l’antalgie. Franck Garden-Brèche
“L’hypnose du dentiste“. D’abord pour le soignant ! Kenton Kaiser
“Après la torture“. Une hypnose hors du commun. Emmanuel Héau.
“Chirurgie carcinologique du sein“. Bénéfices hypnotiques. Fabienne Roelants et Christine Watremez
“En mode existentiel“. Témoignage auto-hypnotique. Sophie Cohen
“Douleur chronique“. Une ignorance qui structure. Antoine Bioy
Hypno-photomontage. Pierre-Henri Garnier
Coïncidences : “Les madeleines ou le secret du monde“ Jean-Pierre Meyzer
Humeur : “Avant de partir pour Terra Hypnosia“ Imelda Schwartz Haehnel
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